B the Beginning s’est principalement fait connaître comme étant un des fers de lance de l’offensive menée par Netflix sur l’animation japonaise au début de l’année 2018. Avec sa large base d’utilisateurs et ses fonds illimités (la valeur boursière de Netflix a dépassé celle de Disney), la société de streaming a tous les moyens pour se tailler une part de choix dans ce marché petit mais vivace. Et elle a comme alliés les studios d’animation eux-mêmes, lesquels ont compris qu’il était peut-être plus avantageux de travailler pour Netflix plutôt que de rester à la botte des comités de production. Planning étendus, liberté créative, audience internationale ; les avantages procurés par Netlfix sont nombreux et ringardisent le modèle classique de l’animation japonaise télévisée et sponsorisée. Mais il reste toutefois un problème.
Le problème, il est d’ordre culturel. Netflix est une société américaine et sa clientèle est principalement américaine ; les studios ont donc tendance à orienter leur création vers ce qu’ils pensent être les goûts du public US au détriment de leur propre sensibilité. C’est dans ce piège qu’est tombé B the Beginning, qui au lieu d’être une série animée japonaise pour Netlfix, est plutôt une série Netflix en animation japonaise.
Le récit se déroule dans le royaume fictif de Cremona, un pays riche et paisible récemment troublé par une vague de meurtres en série. Le tueur au méthodes étranges fait signer ses crimes du signe « B » et laisse les autorités perplexes. Keith Flick, un détective, est intégré à l’équipe de recherche pour trouver le Tueur au B et mettre fin à cette affaire. Pendant ce temps, on suit également un jeune garçon nommé Koku et son combat contre une mystérieuse organisation de meurtriers…
La particularité de B The Beginning c’est que pour le prix d’une série vous en avez deux. D’un côté il y a la série policière, fortement inspirée des séries US comme mentionné plus haut. L’équipe de flics aux personnalités stéréotypées, menée par un détective taciturne mais plus malin que les autres, c’est exactement la recette de tous les feuilletons à succès du genre NCIS, Les Experts Miami, Mentalist etc. Cette inspiration se retrouve dans la mise en scène, avec cette technique qui consiste à afficher du texte à l’écran en synchronisation avec les déductions du personnage exactement comme dans Sherlock. On retrouve également cette fascination américaine pour la violence et la folie meurtrière, l’anime étant très sanglant et multipliant les séquences morbides. Clairement l’idée était de reprendre la base des séries US pour plaire au public US, mais ça ne leur pas suffi.
En effet, en plus de tout ceci il y a une autre série en parallèle, celle qui a pour protagoniste Koku et sa lutte contre les Market Maker, ces individus bariolés doués de superpouvoirs qui manipulent Cremona dans l’ombre pour un but ésotérique. Cette partie de l’anime, très différente de la première, fait plutôt penser aux séries de comics, les trucs du genre Smallville ou un héros surpuissant se cache dans la population pour arrêter les vrais méchants. Là aussi on caresse le public américain dans le sens du poil, lui qui est très friand de super-héros, mais personnellement c’est là où moi j’ai décroché, c’est-à-dire des le premier épisode en fait.
Je ne suis pas allergique aux séries policières américaines et les super-héros m’indiffèrent plus qu’ils ne m’énervent, mais mélanger les deux désolé ça ne passe pas. On ne peut pas avoir d’un côté un récit policier hyperréaliste et violent et de l’autre des combats façon Marvel contre des clowns maquillés dignes d’un manga Shônen Jump d'entrée de gamme du milieu des années 2000. C’est comme demander à Michael Connelly d’écrire le prochain Justice League, imaginez le commissaire avec son petit carnet qui fait son enquête de voisinage pour savoir ce que faisait la victime entre 23h30 et une heure du matin alors que par la fenêtre tu as Superman et Green Lantern qui combattent une invasion extra-terrestre, ça n’a aucun sens. Plus l’anime avance plus tu te demandes à quoi servent exactement les flics dans cette histoire de mutants immortels qui se battent pour faire ressusciter leur roi divin, je veux dire, c’est Higlander dans l’univers de l’Inspecteur Barnaby quoi.
Cette fracture béante dans la cohérence visuelle et stylistique de la série m’a profondément empêché de m’intéresser à ce qui se passait à l’écran, ce qui est d’autant plus dommage que d’un point de vue technique c’est excellent. Production IG a largement profité du temps et des moyens alloués par Netflix pour servir une série largement au-dessus des standards actuels de la télévision, avec un chara-design fin et raffiné par Kazuto Nakazawa (Samurai Champloo, Zankyo no Terror) et des séquences sakuga qui accrochent l’œil. Mais Nakazawa, qui est aussi crédité comme auteur original et réalisateur, n’est visiblement pas aussi bon scénariste qu’il est artiste et il aurait largement mieux valu créer deux séries différentes avec deux directions différentes plutôt que de forcer ce mélange entre deux styles qui ne s'accordent pas.
On ne peut pas dire que B the Beginning soit une série sans ambition ni originalité ; au contraire c’est un anime avec des idées et un certain talent pour les exécuter. Mais c’est justement le trop-plein d’idées qui finit par alourdir la série et la rendre bizarre et désagréable à regarder, comme toutes ces créations Netlflix spécifiquement conçues pour être englouties en masse et oubliées l’instant d’après.