BE-BOP HIGHSCHOOL - Anime without a cause

» Critique de l'anime Be-Bop High School par Deluxe Fan le
09 Août 2024
Be-Bop High School  - Screenshot #1

L’été c’est la période où l’on se détend, où l’on se fait plaisir en regardant des bons animes. Et en ce qui me concerne ma zone de confort c’est les OAV des années 90, parce que c’est là où il faut se diriger pour trouver la qualité.

L’anime qui va nous intéresser aujourd’hui est une série de furyo, ce qui nous donne l’occasion de revenir un peu sur ce genre assez mal connu. En japonais furyo signifie «délinquant» et désigne un archétype de personnage présent dans le manga depuis la fin des années 60. A l’époque le Japon s’est remis de la guerre et se trouve dans une période de miracle économique, mais une partie de la jeunesse se sent à l’écart de cette croissance et se socialise dans des gangs juvéniles. Les auteurs de mangas de l’époque, beaucoup plus politisés qu’aujourd’hui, s’emparent du sujet pour écrire des histoires qui résonnent avec ce public. Ce n’est pas un hasard si un des premiers mangas du genre, Yûyake Banchô (1968), a été écrit par Ikki Kajiwara qui se trouve être un pseudo de Asao Takamori, le co-auteur de Ashita no Joe (pour l’anecdote, il a existé une adaptation anime de ce manga réalisée par un certain Yoshiyuki Tomino, mais la série n’a jamais été rediffusée ni distribuée en vidéo et s’est perdue dans les limbes de l'Histoire).

Be-Bop High School  - Screenshot #2Dans les années qui suivent le furyo a prospéré et a connu son heure de gloire dans les années 80-90 avec des œuvres célèbres telles que Rokudenashi Blues (1988), Bad Boys (1988), Crows (1990), ou encore Shonan Junai Gumi (1990) lequel engendrera par la suite GTO (1997), le pinacle du genre et de la bande-dessinée japonaise en général. Surtout, l’archétype du délinquant au grand cœur, avec sa banane et ses pantalons amples, a infusé dans le reste de la production. Les héros de séries telles que Yu Yu Hakusho (1990), Slam Dunk (1990) ou encore Diamond is Unbreakable (1992) sont directement inspirés de la mode furyo de cette époque. C’est d’ailleurs comme cela que le public occidental va découvrir cet archétype, puisque les mangas furyo eux-mêmes ne sont que rarement publiés en dehors du Japon. Et pour ce qui nous intéresse ici à savoir l’animation, c’est encore pire puisque les adaptations sont généralement très incomplètes, et ne nous parviennent que par bribes ou fragments comme des morceaux d’histoire médiévale retrouvés par hasard.

Be-Bop High School  - Screenshot #3La raison du désintérêt du public occidental pour le genre furyo est facilement explicable, les mecs aux cheveux gominés et autres gangs de motards ça n’existe pas vraiment en France et en Europe; à la limite ça parlerait plus aux États-Unis vu que les yankees ça vient de chez eux à la base. Ce qui est plus amusant c’est la raison pour laquelle ces mangas pourtant très populaires au Japon étaient si peu adaptés en animes; et la raison est assez simple, ces mangas racontaient des choses que l’on pouvait pas passer à la télévision de l’époque.

Be-Bop Highschool est donc un manga de Kiuchi Kazuhiro publié dans le Young Magazine, une revue classée seinen, à partir de 1983 c’est-à-dire avant toutes les séries très connues que je viens de citer. Mais le plus impressionnant, c’est que le manga sera publié jusqu’en 2003 soit pendant vingt ans, et sera compilé en 48 tomes (!!!) ce qui en fait un des mangas les plus importants du genre quantitativement. Très populaire au Japon, la franchise aura droit à sept films live-action et à une série d’OAV en sept épisodes de cinquante minutes chacun, soit la même quantité d’anime qu’une série de douze épisodes environ, et c’est de ça dont on va parler.

Be-Bop High School  - Screenshot #4Le récit a pour héros Hiroshi Kato et Toru Nakama, deux potes qui fréquentent le lycée Aitoku. Respectés dans leur quartier, les deux compères sont réputés imbattables à la bagarre. Le problème, c’est que malgré leur force ils sont incapables de pécho, et leur inlassable quête de meuf les mènera à tout un tas d’aventures se terminant généralement par une bonne baston…

Si cela semble maigre comme récit c’est parce que ça l’est; en vérité il n’y a pas vraiment d’intrigue si ce n’est suivre les déambulations de Toru et Hiroshi qui vont systématiquement chercher l’embrouille, et systématiquement la trouver. En général ça commence par un truc banal, genre il m'a mal regardé dans le RER, ou il a essayé de parler à ma gonzesse, et petit à petit ça dégénère vers une guerre totale où nos héros se retrouvent seuls contre tous. Ce qui fait l’intérêt ici c’est principalement l’humour, avec des dialogues percutants soulignés par une traduction anglaise excellente, et la mise en scène qui donne à chaque face-à-face la tension d’un championnat du monde de virilité. Il y a de la castagne, ça se tape salement, mais c’est comme dans les westerns, le meilleur moment c’est pas quand le mec est par terre c’est avant que le coup parte et que tu sais pas qui va prendre.

Be-Bop High School  - Screenshot #5Ce qui fait le sel d’un anime de ce genre ce sont les détails, et quand on regarde Be-Bop Highschool on saisit immédiatement pourquoi ce manga a été adapté en OAV et pourquoi il n’aurait jamais pu passer à la télévision. On voit nos héros lycéens fumer leur clope derrière le gymnase de l’école, mettre la main au cul des filles, se promener dans la rue avec un shlass dans la poche, prendre des cuites au bar et dépenser leur argent de poche à la salle de pachinko. Ici le terme de délinquant n’est pas lancé au hasard pour faire genre, c’est des vrais loubards qui profitent de la vie sans se soucier des normes sociales. Et moi j’aime bien les animes qui ne sont pas aseptisés, j’aime quand c’est un peu rugueux sur les bords. Si je prends un truc récent comme Wind Breaker par exemple, on veut te faire croire que c’est des délinquants mais en réalité c’est ultra lisse, ultra propre et au final ultra creux. Alors que dans Be-Bop Highschool les mecs c’est vraiment des petits cons qui cherchent la merde et se tiennent mal, la question c’est pas qui est le plus noble ou le plus juste mais qui va niquer l’autre en premier.

Be-Bop High School  - Screenshot #6Le point où l’anime échoue à passer le cap c’est au niveau des personnages qui ne sont pas suffisamment développés. Ils sont tous immédiatement charismatiques, mais ça manque de profondeur; ne serait-ce que pour raconter la rencontre de Hiroshi et Toru par exemple. On imagine que le développement se trouve quelque part dans les 48 tomes du manga, mais l’adaptation n’en rend pas spécialement compte. L’autre élément qui peut interpeller c’est le traitement des personnages féminins, qui est assez ancré dans les années 80-90. En gros les filles sont soit des poulettes naïves juste bonnes à se faire victimiser, soit des sales traînées qui manipulent les hommes par le bout de la bite, ou alors des moches dont l’anime n’hésitera pas à se foutre de la gueule. La misogynie et les animes des années 90 c’est comme les lasagnes et la béchamel, ça va ensemble faut juste pas avoir peur de chier mou le lendemain.

Les OAV ont été produits par la Toei, qui au même moment adaptait une autre série de furyo assez marquante dont j'ai parlé il y a quelques années. Niveau technique il n’y a pas des masses de choses à dire, c’est plutôt correct pour un anime de cette période en sachant pertinemment qu’on est loin des plus hauts standards de l’époque. Le character-design en particulier est très soigné, normal puisque toute la mise en scène repose sur la tronche des lascars. Mention spéciale à la partie sonore, que ce soient les doubleurs qui incarnent ces jeunes coqs qui vivent au fil du rasoir, ou à la bande-son inspirée du rock américain façon Elvis Presley.

Cette référence à l’Amérique des années 50 n’est pas anodine, les gens qui ont produit cet anime avaient compris que la racine culturelle du genre furyo c’est James Dean et West Side Story, dont on aurait extirpé le volet social pour n’en garder que l’esthétique. Quand bien même, Be-Bop Highschool fait le portrait d’une adolescence flamboyante, où les désirs s’expriment avec autant d’ardeur que les frustrations, et où les conflits se résolvent avec le seul langage universel c’est-à-dire le poing dans la gueule. C’est pas très finaud ni très malin, c’est stupide, pervers et bas du front, bref c’est de l’anime pour homme quoi.

Verdict :7/10
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A propos de l'auteur

Deluxe Fan, inscrit depuis le 20/08/2010.
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