Nous n'attendions plus chez KyoAni telle histoire : tous les connaisseurs du studio avaient écarté depuis longtemps la possibilité d'une série en dehors d'un cadre lycéen. Mais le studio n'en renonce pas pour autant à ses belles (et vilaines) habitudes. Impossible de sortir de sa zone de confort, y compris pour le géant Netflix : ce sera beau, incroyablement maîtrisé, tellement maîtrisé que l'idée de chaos, d'un incident sera immédiatement tournée au ridicule, absconse, déplacée.
Violet Evergarden est l'histoire, touchante par certains aspects, de l'éveil d'une jeune fille au monde. Véritable ode au sensible, on écarte ici l'idée que le réel est immédiatement accessible, mais devient plutôt une conquête, un apprentissage. L'exaltation des sentiments, un peu à l'école proustienne, n'aurait pas pu trouver meilleur hôte que KyoAni tant la beauté de chaque plan, la précision de chaque scène, et le goût profond pour la subtile nuance subjugue.
Violet, jetée au monde, condamnée à être libre — voyez comme la série se prête à des lectures sartriennes ! ou plutôt à mes envies de voir Sartre partout — parcourt toujours accompagnée la route du deuil. Elle a laissé derrière elle bien plus que ses deux bras. La mort est figure omniprésente, cruelle, lâche qui effleure doucereusement chaque épisode, comme un pendant évident à la découverte des joies sensibles de la vie. L'éveil des sens et de la sensibilité se construit dans un balancement régulier, mécanique, entre un gouffre fatidique — celui de la mort — et l'ouverture immense dans laquelle le personnage se précipite au prix de bien des souffrances.
Cependant, si la beauté de chaque plan et la subtilité touchante de certains épisodes parviennent à effacer, au moins pour une part, la trame très attendue et certains passages en demi-teinte, la préciosité excessive de la série agace. Lassante, l'histoire de Violet fait mine de diamant trop poli. Un diamant toujours aussi éclatant mais qui, au regard, n'offre que l'image d'une absurde régularité.