S’il y a bien quelque chose qui m’a toujours fait rire dans la japanimation, c’est l’imagination dont font régulièrement preuve les studios pour transformer une situation banale et insignifiante en quelque chose d’épique et de fantastique.
Aussi ma curiosité fut-elle piquée au vif quand j’entendis parler d’un anime dans lequel des lycéens organisaient quotidiennement des affrontements à la Battle Royale dans des supérettes de quartier, pour s’approprier les plateaux repas invendus de la journée et bradés à moitié prix.
J’imaginais déjà une mise en scène bien débile, avec ces adolescents affamés mettant au point des stratégies diverses et variées pour arriver à leur fin et, une fois le devoir accompli se donnant de grandes tapes viriles dans le dos et faisant l’éloge de leurs performances au cours de la soirée. N’oublions pas non plus les grands discours sur l’honneur et la fierté d’appartenir à la caste des «loups», ces prédateurs au sommet de la chaîne alimentaire qui sont les seuls à avoir finalement le droit d’obtenir le sésame d’un repas pour pas cher, parce qu’ils n’ont pas les moyens de se payer autre chose à manger…
Dans cet affrontement quotidien pour la survie, l’esprit de meute et de communauté s’efface rapidement pour laisser place au «un pour tous, chacun pour soi» et c’est dans un déchaînement de violence rarement vu que la sélection naturelle s’effectue, laissant sur le carreau les plus faibles éléments, dont les plus malchanceux devront prendre une chambre réservée à l’hôpital, à force d’y revenir.
Cependant, de tels affrontement suivent des règles extrêmement précises et strictes, que le nouveau venu devra assimiler rapidement s’il ne veut pas se prendre une paire de claques (ou pire) et profiter au maximum de cette merveilleuse tradition communautaire. Ainsi malgré ce côté «loi de la jungle» une fois les hostilités déclenchées, un vrai combattant saura affermir son esprit, faire preuve de patience et même discuter sereinement avec ses adversaires, qu’il n’hésitera pas à piétiner et utiliser comme paillasson quelques minutes plus tard… Ceux qui refuseront de se plier à de telles règles s’attireront les foudres et le mépris des vrais guerriers. Ils se verront affublés des titres peu enviables de chiens, porcs... et n’auront pour eux que la satisfaction de manger à leur faim tous les soirs.
Puis les parcs des environs résonneront de longues heures durant la nuit sous les discussions animées des bêtes sauvages rassasiées. Un toast ne sera pas porté à l’honneur des victimes (trop cher), mais les plus brillants combattants verront leur titre de bataille (acquis après un exploit particulièrement impressionnant) conservé dans la mémoire collective et encensé pendant des années (ou des mois, voire des semaines…bon, disons quelques jours).
Et si en plus on nous promet de plantureuses amazones légèrement vêtues, dont certaines occupent même le haut du podium, faisant fi des conventions et du plus élémentaire savoir vivre (lequel consiste à laisser la place au mâle dominant), c’est la cerise sur le gâteau.
Enfin, pour mémoriser cette histoire à travers les générations, il faut un écrivain de talent en la personne de Hana Oshiroi. Son talent pour graver sur le marbre le cette fantastique légende lui permet retranscrire avec une incroyable précision toute la violence, l’héroïsme et la virilité de cette guerre secrète dans un récit gonflé aux hormones et à la testostérone. Elle-même fait figure d’outsider dans ce monde à part et trouve sa force dans les conseils et entraînements que lui prodigue son mentor, la grande Ume Shiraume, aussi appelée par certains «la mégabaffe sans préavis».
Bon, je m’arrête là, car ce que vous lisez depuis maintenant 5 bonnes minutes n’est jamais que le fruit de mon imagination sur ce qui fait le charme de cet anime : une série parodique et déjantée à prendre au 36ème degré avec une bande de crétins boutonneux crevant la dalle et qui, pour oublier le poids de la honte (et de leur portefeuille désespérément vide) s’entourent de toute une mythologie qu’on croirait tirée d’un shonen fleuve au rabais. Comme dirait l’autre: « It was lame, they made it epic… ».
Le problème, c’est que les scénaristes semblent avoir voulu forcer un chouïa sur la manette héroïsme et récit épique, au détriment de l’humour et du second degré que l’on ne ressent plus assez à mon goût. L’anime a un je ne sais quoi de trop sérieux quand on revient au pitch d’origine, et se perd trop facilement dans les grands discours et l’héroïsme forcené des protagonistes, comme le personnage de Sato qui se transforme un peu trop vite en bête de guerre et leader respecté de ce «Fight Club culinaire». Je ne sais plus trop à partir de quand ça a commencé à coincer pour moi, mais j’ai l’impression qu’entre histoire absurde et débile (donc hilarante), et shonen épique, le dosage a été quelque peu déséquilibré en faveur de la seconde option et du coup j’ai eu plus de mal à rentrer dans l’histoire. Dommage car en intégrant davantage certains des personnages secondaires qui apparaissent régulièrement d’un épisode à l’autre dans cette compétition, je pense qu’on aurait pu retrouver l’esprit des premiers épisodes qui étaient plutôt prometteurs. Cela aurait été l’occasion de voir des tactiques de combat originales variant un peu du simple pugilat entre lycéen (même si comme on a quand même l’occasion de voir quelques stratégies plutôt tordues en cours de route).
Je note également une réalisation pas trop mal foutue, dans la moyenne des productions actuelles, assez nerveuse par moments, mais rien de transcendant non plus.
Bref, l’anime eut pris une autre direction dans son ambiance (genre Baka to Test to Shokanju ou Kenichi the Mightiest Disciple) je m’inclinais et ma note prenait facilement 1 (voire 2) points en plus. Mais en l’état, comme on se rapproche davantage d’un Air Gear, je ne peux que sanctionner ce manque de lucidité de la part des développeurs.