Le 23 mars 2003, l’Académie américaine des arts et sciences du cinéma décerne, lors de sa 73ème cérémonie annuelle, l’Oscar du Meilleur Film d’Animation au long-métrage Le Voyage de Chihiro de Hayao Miyazaki, faisant de lui le seul film d’animation en 2D non-américain à recevoir cette récompense. Ce film reste, encore aujourd’hui, le plus gros succès au box-office d’un film au Japon, et le plus gros succès d’un film japonais à l’international. Les critiques du monde entier s’y réfèrent encore comme un chef-d’œuvre et certains le considèrent comme un des meilleurs films du XXIème siècle.
Le succès de Chihiro marqua à la fois le début et la fin du cinéma d’animation japonais. Auparavant réservés à une niche, ces films deviennent légitimes et s’offrent désormais des sorties mondiales en salles, au point que Disney distribue les Ghibli pour les marchés occidentaux. En contrepartie le cinéma japonais d’animation perd son aura de contre-culture ; les films hardcore tels que Jin-Roh, Akira et Ghost in the Shell disparaissent pour laisser la place à des contes colorés pour gamines et des fables écolos grand public et inoffensives. Surtout, l’ombre de Miyazaki plane comme un nuage gris ; sa présence suffit à dissuader qui que ce soit de tenter quelque chose, n’importe quoi, qui pourrait être vu comme une alternative.
Lorsque Miyazaki prend sa retraite au milieu des années 2010, il laisse un trône vacant et une industrie du cinéma japonais sinistrée. Tous les artistes japonais un minimum talentueux travaillent désormais pour les séries d'animation télévisées, ce que l’on appelle communément les animes, ne laissant pour le cinéma qu’une bande de plagiaires narcissiques obsédés par l’idée de prendre la place du Maître. Et pour cela le meilleur moyen est de réaliser "son" Chihiro ; comme si c’était le ticket vers la gloire. C’est ainsi que l’on a vu apparaître tout un tas de films racontant tous la même histoire de gamins transportés dans un monde imaginaire, que soit le Voyage vers Agartha de Shinkai, le Garçon et la Bête de Hosoda, le Mary et la Fleur de la Sorcière de Yonebayashi, le Hirune Hime de Kamiyama, etc. Et le dernier à être entré dans cette danse n’est autre que Keiichi Hara avec son Birthday Wonderland.
Akane est donc une jeune fille d’une dizaine d’années qui s’ennuie dans sa grande maison. La veille de son anniversaire, elle est envoyée chez une amie de sa mère (sa tante ? Ce n’est pas très clair) pour aller chercher son cadeau. C’est alors qu’un étrange bonhomme moustachu apparaît de nulle part pour expliquer que Akane est en réalité la "Déesse du Vent" et qu’elle doit à tout prix rejoindre Wonderland, le royaume sans pluie…
Je ne vais pas en raconter beaucoup plus car ce serait déjà spoiler une histoire qui, honnêtement, tient sur une moitié de timbre-poste. Les films d’animation récents ont tendance à raconter des histoires trop compliquées et tarabiscotées pour leur public d’enfants ; ici c’est différent, l’histoire est simple à suivre mais elle n’a aucun intérêt. Le film est long de deux heures et j’ai rarement vu un film prendre autant de temps pour raconter si peu de choses. On suit Akane et son groupe dans leur voyage à Wonderland, avec leurs petites aventures, puis à la fin on résout le problème et on s’en va. Il n’y a pas vraiment de tension ou de conflit, on t’explique que le royaume est en train de mourir mais ce n’est pas mis en scène, et le "boss final" est vaincu sans combat, par le dialogue uniquement, un peu comme une quête annexe de Fallout dans le monde des Bisounours. Le personnage principal Akane ne sert à rien pendant la majorité du film, elle se contente d’observer le scénario se dérouler en faisant une moue vaguement gênée, un peu comme les spectateurs d’ailleurs.
Le film est produit par le studio SignalMD, qui nous avait pondu le médiocre Hirune Hime il y a quelques temps. C’est plutôt sympa pour un film malgré des CG omniprésents. On note la présence au chara-design de l’illustrateur russe Iiya Kuvshinov, qui commence à se faire remarquer puisqu’il va travailler sur les nouveaux OAV de Ghost in the Shell qui sortiront sur Netflix prochainement. Cela dit en dehors des petits cercles blancs à l’intérieur des yeux des personnages je ne vois pas trop la différence avec un chara-design d’anime ordinaire ; c’est bien d’aller chercher des artistes venus d’horizons différents mais si le résultat ressemble à n’importe quel autre anime alors ça ne sert à rien. Le plus réussi dans ce film ce sont peut-être les décors, qui ont un aspect à la fois détaillé et minimaliste agréable à l’œil mais pas suffisamment marqué pour donner une vraie patte au film qui dont il ressort finalement une grande banalité.
Birthday Wonderland est un film assez moyen mais surtout c’est un film produit pour de mauvaises raisons. Quand tu regardes les films précédents de Keiichi Hara et en particulier Un Eté avec Coo et Colorful, tu constates que ce qui intéresse ce mec c’est les drames familiaux et les sujets de société ; les contes pour enfants et les histoires de princesses et magiciens il en a rien à branler et ça se voit. Les producteurs cherchent à capter le public de Ghibli alors ils te sortent ça mais personne n’y croit à commencer par le réalisateur lui-même qui n’avait visiblement aucun intérêt pour son propre film. Et si lui s’en fout, pourquoi moi je devrais en avoir quelque chose à battre ? Il serait temps que les réalisateurs japonais laissent Miyazaki derrière eux et aillent de l’avant, sans quoi le cinéma d’animation continuera sa descente vers l’indifférence.