Brain Powerd - Attaque cérébrale

» Critique de l'anime Brain Powerd par Deluxe Fan le
18 Avril 2014
Brain Powerd - Screenshot #1

Vous ai-je déjà dit à quel point l’année 1998 était formidable ? Oui, vous l’avez peut-être déjà entendu quelque part. Et il est vrai que des séries comme Cowboy Bebop ou Serial Experiments Lain, sorties cette année-là, ont contribué à donner ses lettres de noblesse à l’animation japonaise et à la faire redécouvrir au public occidental.

Mais derrière ces séries emblématiques connues de tous se cache une histoire plus sombre et confidentielle. En 1998 se jouait dans le milieu otaku japonais une guerre sanglante, un duel à mort entre les deux plus grandes personnalités de l’industrie. Un combat à l’issue jouée d’avance, dont il ne reste aujourd’hui que des ruines poussiéreuses. Retour sur la face sombre de l’Age d’Or…

Depuis les années 1980, le petit monde des otakus japonais est entièrement acquis à la cause du real robot. Ce sous-genre de la SF animée, qui met en scène des méchas semi-réalistes dans des contextes crédibles, fut initié par la fameuse franchise Mobile Suit Gundam. Cette licence créée par Yoshiyuki Tomino (alias Le Grand Chauve) ne cesse de produire de nouvelles itérations, tandis que Tomino lui-même dirige régulièrement divers projets, intouchable du haut de son trône au studio Sunrise.

Brain Powerd - Screenshot #2Les choses basculent en 1995 avec la diffusion de Neon Genesis Evangelion. Réalisée par Hideaki Anno, animateur de formation et otaku de la première heure, cette série révolutionne le genre en incorporant des codes du real robot et du super robot pour aboutir à quelque chose de nouveau. Sa mise en scène moderne, la grande part accordée à l’introspection des personnages et sa(ses) conclusion(s) controversée(s) enterrent littéralement le mécha de papa et donnent une nouvelle direction à l’industrie.

Face à la percée de Gainax, Sunrise décide de réagir en 1998. D’un côté, il créé une division spécialement chargée de produire des animes de haute qualité à destination du public occidental. C’est cette équipe qui produira Cowboy Bebop (cette division deviendra elle-même plus tard le studio Bones).
De l’autre côté, les deux plus importants réalisateurs du studio sont mis au travail. Ryôsuke Takahashi produira Gasaraki, et Tomino quant à lui produira Brain Powerd.

Brain Powerd - Screenshot #3Pour Tomino le défi est d’envergure. Atteint dans son orgueil, il supporte mal d’avoir été ringardisé par le jeune Anno – d’autant qu’Evangelion reprend des idées à certaines de ces propres productions, notamment Ideon. Un climat tendu qui lui aboutira à cette sentence de Tomino restée célèbre : « Brain Powerd montre ce qu’aurait dû être Evangelion. » Un troll spectaculaire qui aujourd’hui fait plus sourire qu’autre chose. Car même si j’ai légèrement enjolivé l’histoire, sa conclusion reste la même : Brain Powerd est un échec.

On s’en rend compte dès les premières minutes avec le générique de début, devenu culte dans le mauvais sens, qui nous montre une demi-douzaine de nanas à poil qui planent sur une musique pop-rock typique des années 90. Un opening complètement racoleur et gratuit, qui annonce déjà le mauvais goût qui caractérisera la série dans son ensemble.

Dans Brain Powerd le monde vit sous la menace de Orphan, un vaisseau alien gigantesque qui gît au fond de l’Océan Pacifique. Lorsque Orphan se réveille, le monde entier est secoué de séismes et autres catastrophes. Un groupe de personnes infiltrées dans Orphan révèleront son but : une fois émergé de l’océan, le vaisseau prendra son envol et quittera la Terre pour aller dans l’espace. Mais ce faisant, l’écosystème terrestre sera détruit ce qui causera la fin de l’humanité.

Brain Powerd - Screenshot #4Fascinés par cette perspective, ce groupuscule (les Reclaimers) s'installera dans Orphan pour l’aider dans son entreprise, espérant faire partie des élus qui quitteront la Terre avant sa destruction programmée. Pour les combattre, les Nations Unies créeront leur propre organisation appelée Novis Noah pour détruire Orphan et sauver le monde. L’histoire proprement dite débutera lorsque Yuu Isami, membre d’une famille influente chez les Reclaimers, décidera de trahir les siens pour fuir Orphan. Il aboutira auprès de Novis Noah et se battra pour la survie du monde, quitte à affronter sa propre famille…

Bien évidemment, à tous les niveaux du récit on aura des robots géants qui se bastonnent à coup d’épées qui lancent des lasers, sinon ça n’aurait même pas de sens. Pourtant ce ne sont ni les combats ni même l’intrigue autour d’Orphan qui seront le centre d’intérêt de la série. La grande majorité des scènes servent à développer les relations entre les personnages ; des relations familiales ou amoureuses très conflictuelles qui, plus encore que NGE, rappellent surtout Gundam où des conflits aux enjeux énormes se réduisent à des règlements de comptes personnels.

Brain Powerd - Screenshot #5Mal construit et bourré de symbolismes bancals, le récit peine à intéresser en raison notamment d’un scénario qui ne parvient jamais à installer des enjeux à long terme. Il se passe plein de trucs dans chaque épisode, mais les enjeux sont rapidement désamorcés, remplacés ou oubliés ; ce qui laisse le spectateur perplexe et provoque vite l’ennui. La narration s’accélère à partir de la seconde moitié, mais là encore on enchaîne les maladresses avec des personnages qui apparaissent pour ne servir à rien et des trous béants dans l’histoire. En fait, les éléments importants de l’intrigue sont systématiquement cachés au spectateur, pour ensuite s’imposer à lui lorsque le scénariste en a envie. Cela donne l’impression d’une série écrite au hasard, comme un bateau qui navigue à vue dans le brouillard le plus opaque. Vers le dernier tiers, Tomino profite de l’absence totale de direction du récit pour nous gratifier d’un commentaire anti-américain débile et sorti de nulle part qui finit de faire décrocher le spectateur ahuri. Le calvaire se poursuit jusqu’à la conclusion, qu’on attend flamboyante et subversive (il s’agissait de concurrencer Evangelion après tout) mais qui se révèlera on ne peut plus banale, mièvre et insipide, à l’image du reste.

Brain Powerd - Screenshot #6Une fois ceci dit, on pourrait croire la messe dite mais nous n’avons qu’effleuré la surface des réels défauts de Brain Powerd qui le font passer de vieille série médiocre à véritable accident industriel.

Vous ne le croirez probablement pas si je vous le dis, mais entre les trois séries de SF produites par Sunrise en 98 – Cowboy Bebop, Gasaraki et Brain Powerd – c’est bien celle de Tomino qui avait fait l’objet du plus d’attention de la part du studio. Le réalisateur de Gundam était en droit d’exiger des égards particuliers, et a donc fait amener sur le projet la compositrice Yoko Kanno (Escaflowne, Macross Plus) et le mécha-designer Mamoru Nagano (Z Gundam, Five Stars Stories). Le résultat, qui aurait dû surpasser NGE et imposer un nouveau standard de qualité, est un fiasco qui nous ramène quinze ans en arrière. Animation rigide, effets spéciaux misérables, chara-design aux fraises la moitié du temps, décors baveux, il n’y a pratiquement rien à sauver de ce travail indigne de la fin des années 90. La série souffre sans doute de la folie des grandeurs de Tomino, qui voulait des batailles aériennes à grande échelle avec des lasers partout à chaque épisode – là où des séries comme NGE ou Cowboy Bebop ont choisi moins d’esbroufe pour plus de détails, ce qui leur a permis de traverser le temps sans vieillir.
Au niveau musical là aussi le gâchis est conséquent ; les compositions de Yoko Kanno sont plutôt bonnes voire très bonnes, mais dans la majorité des cas elles ne correspondent tout simplement pas à ce qui se passe à l’écran. L’OST qui aurait dû supporter l’action ne fait que s’y superposer, et le spectateur n’en ressort que plus agacé.

D’ores et déjà à terre, Brain Powerd se voit porter le coup de grâce par ses scripts d’une accablante médiocrité. On retrouve en effet dans les dialogues cette étrange grammaire Tomino-esque, cette théâtralisation excessive qui transforme les personnages en caricatures braillardes insupportables. Non seulement la série est excessivement bavarde, mais les dialogues sont souvent vides de sens et interprétés par des doubleurs japonais qui surjouent à mort leur texte, sans doute sur demande du réalisateur. Les personnages, en particulier Yuu et Hime, semblent incapables de tenir une conversation normale et passent leur temps à gueuler sur tout le monde comme des candidats de téléréalité. Bien évidemment, on ne peut s’intéresser et a fortiori s’attacher à des personnages aussi excessifs et grotesques, et dès lors tous les efforts d’un scénario principalement porté par ses personnages tombent à l’eau.

Tous les commentaires que l’on pourrait faire sur Brain Powerd n’illustreront jamais aussi bien ce que représente cette série que la postérité elle-même. Malgré les noms importants au générique, malgré l’aura de Tomino et ses déclarations véhémentes, Brain Powerd tomba rapidement dans l’oubli et marqua le début de la fin pour son créateur. Ce sera en effet une des dernières séries réalisées par Tomino et la dernière où il sera crédité en tant que scénariste. L’année suivante Sunrise lancera la carrière de Gôro Taniguchi avec le très bon Infinite Ryvius, puis l’année d’après offrira un bien meilleur Eva-like avec Argento Soma. De quoi effacer définitivement le souvenir de Brain Powerd, duquel on retiendra que les animes produits pour de mauvaises raisons ont peu de chances d’être autre chose que mauvais…

Verdict :3/10
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A propos de l'auteur

Deluxe Fan, inscrit depuis le 20/08/2010.
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