Désespérément à la recherche d’argent et horrifié à l’idée de tomber sous le joug des comités de production, le studio Trigger s’est fait une spécialité de s’associer avec n’importe qui et de produire n’importe quoi sur la promesse d’une poignée de billets. Tantôt impliqué avec Aniplex dans la création d’un des pires animes de la dernière décennie, tantôt sous-traitant de la Tsuburaya pour sortir un reboot d’une série de sentai oubliée des années 90, on a récemment vu Imaishi et sa clique tapiner sur le trottoir de Netflix pour faire la pub d’un jeu vidéo polonais. Le studio né des décombres de Gainax a depuis longtemps abandonné toute vision artistique et est prêt à ouvrir les cuisses au premier venu sur la simple proposition « C’est combien ? »
C’est dans cet état de décrépitude morale avancée que le studio propose Brand New Animal, nouvelle série originale dont le potentiel était aussi prometteur que le résultat final fut anecdotique.
Dans un monde vaguement futuriste, la population est partagée entre les gens parfaitement normaux et les Hybrides, des animaux anthropomorphes capables de passer d’une forme humaine à une forme bestiale. Discriminés par les hommes, certains Hybrides ont décidé de fonder une communauté à part qui prend la forme d’une cité appelée Anima City.
Michiru est une lycéenne japonaise ordinaire qui se retrouve du jour au lendemain transformée en Hybride. Craignant pour sa vie, elle fuit de chez elle pour demander asile à Anima City. Elle y fait la connaissance de Shirô Ogami, protecteur de la ville, ainsi que des divers groupes qui luttent pour le pouvoir chez les Hybrides…
Le point le plus intéressant de cette série et de loin, ce sont ses visuels. L’anime est réalisé par Yoh Yoshinari, animateur réputé qui a fait ses débuts en tant que réalisateur avec Little Witch Academia il y a quelques années. Son style dynamique et expressif, largement incorporé de cartoon américain, fonctionne ici à plein régime et la mise en scène rythmée accroche le spectateur. La direction artistique est également une réussite, que ce soit dans les designs d’animaux anthropomorphisés ou les décors avec ces couleurs fluo qui rendent super bien. L’anime est par ailleurs totalement exempt de CG, comme quoi c’est encore possible.
Évidemment le problème va venir du scénario. La série est écrite par Kazuki Nakashima, fréquent collaborateur de Trigger pour qui il a écrit Kill la Kill et Promare notamment. Son style d’écriture est assez reconnaissable, c’est le genre de mec qui n’en a pas grand-chose à faire de la rigueur et de la cohérence tant que c’est cool et qu’il y a des explosions à la fin. Ce qui n’est pas un mal en soi, la cohérence dans les dessins animés on s’en fiche, à la condition toutefois de ne pas dépasser la limite au-delà de la laquelle on prend le spectateur pour un débile.
Dès la lecture du synopsis on peut voir la possibilité pour cette série de traiter de sujets relativement sérieux ; la discrimination, le communautarisme, la manipulation de masse. En effet dès que Michiru arrive à Anima City elle est confrontée à plusieurs factions ; d’un côté la mairie qui représente le gouvernement bien-pensant et soutenu par Shirô Ogami, les groupes mafieux qui trafiquent dans l’ombre, la corporation Sylvasta aux objectifs louches, des dissidents opposés à l’émancipation des Hybrides, la secte de « l’ordre du loup argenté » qui répand sa religion parmi les Hybrides dépourvus de repères… Tout cela sous l’œil des humains menaçants. Beaucoup de groupes avec chacun une idéologie propre, c’est le genre d’écriture multilatérale que l’on n’a pas forcément l’habitude de voir dans les animes japonais.
On comprend assez vite cependant que la série n’a pas les épaules pour traiter correctement de son sujet. A partir de la moitié de l’anime le scénario s’embarque dans une suite ininterrompue de plot-twists, chaque épisode ou presque introduit un nouvel élément qui vient redéfinir les bases de l’univers et on perd rapidement le fil ; au bout d’un moment l’anime est obligé de sortir de nouveaux plot-twists juste pour résoudre le bordel créé par les précédents. Rien que dans le douzième et dernier épisode j’ai compté au moins trois plot-twists différents, qui semblent tous être sortis du trou de balles du scénariste comme si Nakashima avait chié trois fois sur le script avant de l’envoyer à Trigger pour la production. Inutile de dire qu’à ce moment-là je n’en avait déjà plus grand-chose à carrer de ce que ça racontait et me contentais de regarder béatement les explosions à la fin comme le bon débile qui constitue apparemment le public visé.
BNA est suffisamment regardable pour ne pas l’incorporer dans la désormais longue liste des casseroles trainées par le studio Trigger. Toutefois, et en dehors de sa maîtrise technique et de sa patte visuelle indéniable, il n’y a pas beaucoup de choses pertinentes à retenir d’une série qui traite ses thématiques et son univers avec autant de sérieux et de rigueur que le chien-chien qui s’agite la langue ouverte dès que le maî-maître lui lance la ba-balle.