Xebec fait partie des studios d’animation connus pour privilégier la quantité à la qualité, même s’il leur arrive parfois de se sortir les doigts et de proposer un anime à la qualité renversante comme ce fut le cas l’an dernier avec Yamato 2199. Une qualité souvent réservée au format OAV ou film, mais que Xebec ne manque jamais de porter sur le petit écran histoire de gagner encore quelques sous. Ainsi, suite au succès de Yamato 2199 à la télévision, c’est la série d’OAV Broken Blade qui fera l’objet d’un redécoupage pour une diffusion hebdomadaire.
Une démarche qui peut laisser perplexe mais qui a tendance à me plaire, le format TV étant plus confortable à regarder que le format OAV – principalement à cause du rythme de parution souvent irrégulier de ces derniers. Et quand on peut profiter de la qualité inhérente aux OAV avec le confort du format TV, pourquoi se priver ? Ce fut le cas avec Yamato 2199, et c’est le cas ici.
Adapté d’un manga, Broken Blade s’inscrit dans le genre embouteillé de la guerre de gros robots. De toute façon, l’animation japonaise peut-elle faire mieux que raconter des guerres de gros robots ? Peu importe, l’idée est ici de nous re-raconter le genre avec à chaque fois un petit truc en plus.
Au lieu de placer le récit dans un contexte SF idéal à l’implémentation des robots géants, on choisit ici un décor vaguement fantastique-steampunk, et des engins alimentés par la magie.
Au lieu de mettre en scène des protagonistes immatures et innocents propulsés dans un conflit qui les dépasse, on choisit ici des jeunes adultes parfaitement conscients de leurs responsabilités politiques ou familiales.
Et au lieu de réaliser l’anime en 3D comme cela semble être la mode, les animations sont intégralement réalisées à la main.
Je ne sais pas lequel de ces points a rendu le visionnage de Broken Blade si agréable, peut-être est-ce uniquement le troisième, peut-être sont-ce les trois réunis. Ce n’est en tout cas pas nécessairement le récit, qui n’a rien de fondamentalement nouveau. Le royaume désertique de Krishna est attaqué par son voisin, l’ambitieuse république d’Athens, et l’inévitable guerre semble perdue d’avance pour le royaume pacifique qui ne peut compter que sur la bravoure de ses soldats. Le royaume dispose cependant d’une carte secrète ; un robot aux capacités de combats inégalables mais qui ne peut être contrôlé que par une personne incapable d’utiliser la magie (dans Broken Blade c’est celui qui n’a pas de pouvoirs qui a le plus grand des pouvoirs). Il se trouve justement que Rygart, le meilleur ami du roi, est de ceux capables de contrôler le super-robot. La guerre commence et le drama avec lorsque Rygart apprend que Zess, son autre meilleur ami, se bat pour le camp ennemi.
Le récit ne parvient pas à être complètement satisfaisant en raison notamment de son manque total de conclusion. Je ne sais pas d’où sort cette idée de vouloir raconter un récit de guerre impliquant tout un tas de pays et de personnages en seulement douze épisodes. Bien des aspects de la série sont laissés en suspens, à l’image du personnage de Zess qui devait jouer le rôle du Suzaku de Rygart, et qui se fait éjecter du scénario à la moitié de la série.
La narration compense avec quelques fulgurances bien placées, avec par exemple des décès de personnages qui court-circuitent la mauvaise habitude des japonais à oublier les effets de la mort chez les êtres humains. De même, vers l’épisode 10 un dialogue entre deux personnages semble induire un éventuel développement amoureux entre le héros et son amie d’enfance, qui a entre-temps épousé le roi de Krishna. Un point de scénario très prometteur qu’il aurait fallu mettre plus en avant pour donner de l’épaisseur aux relations entre les personnages. Les antagonistes sont plutôt charismatiques sans pour autant attirer la sympathie, ce qui rend d’autant plus jouissif leur défaites programmées.
Si le choix d’un décor désertique peut se comprendre d’un point de vue utilitariste (désert = rien = pas d’arrière-plan à dessiner), difficile de pardonner un chara-design passe-partout et une OST au demeurant efficace, mais qu’on a l’impression d’avoir déjà entendu ailleurs et en mieux. En revanche, les combats de robots en 2D suffisent à faire de Broken Blade une des réalisations les plus impressionnantes de ce semestre. L’animation en elle-même est assez caractéristique du travail de studios tels que Production IG, dont Xebec est une filiale. Contrairement à des Bones ou Gainax qui mettent en avant le dynamisme de leur animation, Xebec préfère la constance du détail dans les designs. Ainsi les robots de Broken Blade sont constitués de gros blocs qui cassent mais ne se déforment pas. Pas de déformation veut dire moins d’animation ; ce qui permet au staff de se concentrer sur des détails tels que le rendu des dégâts sur les machines. On peut également parler des combats qui, contexte steampunk oblige, se déroulent essentiellement au corps-à-corps. Moins d’effets spéciaux type lasers ou missiles impliquent moins d’animation de ce côté-là, ce qui permet en contrepartie d’augmenter le nombre de robots à l’écran. Ainsi de suite.
Une réalisation soignée au service d’un récit qui joue habilement des conventions pour se révéler moins débile qu’à l’accoutumée, voilà qui résume bien Broken Blade. Pas de quoi se réveiller la nuit pour guetter la suite, qui n’arrivera sans doute pas de sitôt voire jamais, mais assez pour espérer d’autres conversions de l’OAV vers la télévision, histoire de nous rappeler cette qualité d’animation que des années de compromissions ont eu tendance à nous faire oublier…