J'ai un souvenir plutôt éteint de mes cours de français. L'analyse d'un poème de Raimbaud était farcie de commentaires techniques au point que même un TD sur la dissection de la moule eût été plus émouvant. Impossible d'imaginer que ce gars là avait vingt ans et un tsunami de passions dans les tripes.
Si je dis ça, ce n'est pas pour raconter ma vie, mais pour donner une idée de ce qu'endurent les jeunes japonais avec d'arides versions sur des passages entiers du Genji Monogatari. Et pourtant, le Heian est certainement la période la plus brillante de l'histoire du Japon. On y a produit les poèmes les plus ciselés de toute l'histoire de l'humanité.
Restait à séduire l'enfant ou le néophyte, ce qui revient au même. Par exemple, en lui proposant un amuse-gueule tout en légèreté. Et c'est à ce titre qu'Uta Koi peut prétendre à l'accomplissement : en une douzaine d'épisodes, non seulement nous avons fait connaissance avec le gratin des poètes du Heian, mais nous nous sommes aussi pris de complicité et de tendresse pour eux. Beau challenge.
Le principe est bien vu : au travers d'une petite histoire rigolote ou mignonne, où affleure parfois une certaine gravité, le spectateur est conduit au poème, qui fait son apparition en apothéose, mais non sans élégance.
Pour autant, Uta Koi est loin d'être parfait. Il en fait clairement trop dans la folie et le décalage. Toutefois, ce qui heurte au premier abord passe rapidement au second plan au fil des épisodes.
Le graphisme est sans grande finesse, mais il a sa personnalité, et les tonalités pastel renforcent la sensation de douceur et de légèreté.
Rien à ajouter sur les opening ending qui me sont totalement sorties de la tête, si elles y étaient déjà entrées, ce qui, en soit, est un indice.
Ce qu'il fallait retenir : ce n'est pas la révélation du moment, mais c'est frais et plutôt intelligent.
Pour finir et pour donner envie, ce poème d'Ono no Komachi, dont on tombera forcément amoureux au cours de la série :
"Les couleurs des fleurs
ont, hélas, pâli,
tandis que moi, vainement
absorbée dans mes pensées, je voyais passer
les jours de pluie obstinée."
Ono no Komachi (v. 825 - v. 900).