Night City, une mégalopole du TURFU où les inégalités de pouvoir et de richesse sont creusées par les progrès de la science.
Extrêmement avancée et omniprésente, la cybertechnologie a transformé le paysage d'une société qui ne jure plus que par elle et ses modifications corporelles, s'efforçant de suivre son rythme frénétique et impitoyable.
David Martinez va ainsi être confronté aux limites perverses du système dans la figure de ses marginaux, des criminels endurcis mi-homme mi-machine : les Cyberpunks.
Tel est le point de départ de Cyberpunk Edgerunner l'anime dont on va parler, lui-même adapté d'un jeu vidéo auquel j'ai pas joué, Cyberpunk 2077, qui doit ses fondamentaux à un vieux jeu de rôles que je connaissais pas, Cyberpunk 2020.
Ce jeu des poupées Russe apprécié d'un marketing éhonté ne choque plus vraiment à l'ère du divertissement multimédia où il faut être sur tous les fronts à la fois et occuper l'espace y compris en dehors de son domaine de compétence.
On a eu le cas de Blade Runner Black Out 2022 qui s'inscrivait dans la continuité promotionnelle du film de Denis Villeneuve.
Plus récemment on a eu Arcane : League of Legends dont le but plus mégalo était de s'offrir un projet ambitieux mais apportant un plus grand rayonnement grâce à Netflix.
Bien sûr on n'oublie pas le film animé, Le cauchemar du Loup, tiré du jeu vidéo de CD Projekt - studio derrière Cyberpunk 2077 - qui lui, est tiré des livres qui eux, ont inspiré la série également diffusée sur Netflix.
Et maintenant cette adaptation de la franchise Cyberpunk qui arrive presque deux ans après un jeu dont la sortie aura fait beaucoup de bruit.
Il y a deux choses à retenir de ses différents projets, à commencer par l'envie d'être pris au sérieux en y mettant les moyens.
Mais l'anime cred' ne se résume pas à jeter du fric sur la table, encore faut-il pouvoir dépasser la condition de spot publicitaire et pour ça il faut une histoire allant plus loin que les fascicules de Captain Cook dans les boites de céréales.
À cet égard, Edgerunner a droit à 10 épisodes, pas d'une heure comme ceux d'Arcane mais qui valent toujours mieux que les 15 minutes de Black Out 2022.
Une histoire de poire coupée en 2 quoi; mais surtout, l'opportunité de vendre un univers plutôt qu'une liste de courses.
Avoir une base solide comme l'univers imaginé par Mike Pondsmith - le papa de Cyberpunk 2020 - et qui est donc établi depuis un moment, est un avantage en-soi.
D'ailleurs c'est encore mieux quand il y a un Polonais dans les rangs - Bartosz Sztybor - pour écrire les grandes lignes afin que le studio garde le cap.
mais quel studio?
Blade Runner Black Out 2022 avait son Watanabe, bonne pioche pour le ton sombre deBlade Runner.
Arcane : LOL avait son studio Fortiche sous la main, en est ressorti une oeuvre pop et dark à la fois, notamment de par son influence cyberpunk.
CDProjekt eux, se sont payé Trigger.
Trigger qui vend des magical girls en uniforme osé, de la baston de robots géants, donne sa version de l'école des sorciers ou surf sur l'anthropomorphisme.
Trigger, qui après son passage dans Star Wars vision prouve qu'il est toujours aussi coté sur la scène Internationale.
Trigger en somme, l'archétype d'un bordel Otak' qui s'exporte et dont la patte aisément identifiable va permettre d'instiller une énergie atypique à l'oeuvre de CD Projekt.
À ce stade il est utile de préciser qu'Edgerunner était déjà dans les starting-blocks alors que le jeu vidéo lui, n'était pas encore achevé, ce qui va influer sur le processus créatif et son appréciation du matériau.
Car au lieu d'intégrer les éléments d'un produit fini, Trigger va construire d'après le gigantesque moodboard qu'est Nightcity, berceau de l'action dans Cyberpunk 2077.
Night City qui à défaut d'être un nom très inspiré est, ironiquement, une ville où les gens ne voient plus les étoiles. Une ville qui déshumanise ses citoyens et dont les rouages impitoyables vont broyer le jeune Martinez mais aussi, en définitive, tous les autres personnages. Tout le monde ou presque subit Night City d'une quelconque façon et chacun tente de sauver sa gueule.
Fondamentalement donc, Edgerunner raisonne en cyberpunk, ce qui, à l'image des vieilles OAV fâchées du genre - Bubblegum Crisis, Genocyber, Angel Cop etc - se traduit concrètement par de la cervelle explosée sur les murs.
Ce n'est pas forcément ce à quoi Trigger nous a habitués mais cela montre que le studio a compris ce qu'on attendait de lui : traduire avant tout un état d'esprit.
À cet égard, l'essence du savoir-faire ici, ne passe pas tant par l'animation que par des plans qui bougent peu mais dont la composition est particulièrement réfléchie :
que ce soit pour préciser leun contexte, un rapport de force, un état d'esprit ou instaurer une ambiance.
Une créativité qui fait honneur au médium anime dans la mesure où elle permet de contourner l'architecture rigide du jeu vidéo. Le genre de liberté qui s'apprécie également quand les cyborgs font péter leurs canons bioniques lors d'affrontements musclés.
Mais Trigger se fait aussi kiffer à d'autres niveaux, comme avec le personnage de Rebecca, la Loli caractérielle que le studio a convaincu d'ajouter alors qu'elle n'était pas dans le script et qui a été particulièrement remarquée par la foule.
Yoshinari quant à lui montre qu'il a l'encre et le pinceau avec un chara-design plus ténu, oscillant plus que jamais entre deux écoles, notamment dans celui de la blonde héroïne sexy mais qui possède le cute animesque.
En somme, l'image d'un compromis manifeste entre le cool d'une Japanime bariolée et la sombritude d'un jeu vidéo occidental.
Un combo qui invite le spectateur paumé dans une ruelle à franchir le pas de la porte, sans empêcher le spectateur plus averti ni même le fanboy, de s'amuser à deviner les éléments du jeu vidéo : des super flingues dont j'ai oublié le nom jusqu'aux différentes classes disponibles dans le jeu.
Edgerunner est donc suspendu dans une dimension bien particulière qui s'auréole de son exposition Internationale, c'est-à-dire : pas forcément pensé pour les Japonais, les Otak' et moins encore pour les collégiens fans de Trigger.
L'opening de Franz Ferdinand est là pour nous le rappeler tout comme l'ending Polonais chanté en anglais représentatif des récents succès Rock Indie alternatif.
D'ailleurs ça se ressent aussi dans la grammaire visuelle qui est proche de celle du cinéma avec ses angles sophistiqués qui passe sous les voitures et ses effets visuels flashy censés nous dire que là, is'passe un truc de ouf .
Ce jusque dans le rythme d'écriture lui-même qui, entre les passages déjantés et l'action frénétique n'hésite pas à appuyer sur pause pour laisser ses héros parler à demi-mot sur un plan plus contemplatif.
Même la façon de créer l'émotion m'a rappelé The Batman, le conflit intérieur des personnages, la violence dans les rues puis les bulles de décompression où le temps s'arrête quand la Cat est face au Bat sur les toits de Gotham.
Cet état d'esprit trouvera son pinacle dans l'influence d'une oeuvre Japonaise emblématique du cyberpunk dont l'universalité des thèmes a trouvé un écho favorable en Occident et qui servira d'huile moteur à l'intrigue.
Ce n'est donc pas étonnant de voir l'émoi provoqué chez l'éclectique public de Netflix.
L'image du compromis en Japanim' résonne souvent de façon négative quand on pense aux collabs' assez inégales dans la baraque du "grand N rouge"... mais il y a des surprises.
Edgerunner est probablement une étape décisive dans le business plan de Trigger à l'ère de la VOD.
Une oeuvre, avant tout de commande donc pas forcément majeure pour le studio mais qui aura permis à Imaishi et Otsuka d'expérimenter des trucs comme de transformer un live/action tiré d'un jeu vidéo AAA en anime, dans une thématique que le studio n'a jamais explorée jusqu'à maintenant, tout en échappant aux contraintes de la télévision grand public.
Une surprise en quelque sorte, suffisamment bonne en tout cas, pour que Cyberpunk Edgerunner se fasse valoir comme une oeuvre à part entière, dépassant définitivement la condition de spot publicitaire animé.