J’aime les défis. Enfin, surtout les défis que je me lance à moi-même, c’est-à-dire les défis dont je veux bien. Mais au fond, ce n’est qu’un détail.
J’aurais pu vous parler de Dakaichi de mille manières, et j’aurais surtout pu justifier la note que les curieux seront déjà allés voir avant même de lire ces premiers mots, simplement en jouant la carte #MeToo, c’est-à-dire la carte de la mode, c’est-à-dire la carte de la paresse, c’est-à-dire le viol c’est mal. Mais comme j’aime les défis et que je vois déjà trois fujioshis tout échevelées et transpirantes de leur dernière visite guidée dans le musée du yaoi — plus communément appelé Tumblr — arriver pour me dire que le porno japonais se fonde au moins à cent cinquante pourcents sur l’absence de consentement et que l’argument n’est pas valable, je vais m’appliquer à trouver d’autres moyens.
Donc défi accepté. Allons-y pour justifier rigoureusement un deux sur dix sans recourir à l’argument du viol. Et ce faisant, je vous ai spoilé le verdict final. Mea culpa. Je sais que ce suspense, ça vous excitait.
D’ailleurs, excité, le protagoniste de la série l’est sacrément. En dehors de la fantaisie douteuse de ma transition, la série se base bel et bien principalement sur les accès de libido du personnage principal.
L’argument est simple : un acteur très populaire se fait courtiser par un acteur débutant qui lui vole la vedette. Ce principe aurait bien pu fonctionner. Et à ce titre, le spectateur naïf se prend au jeu : il imagine déjà advenir une relation complexe, entre attrait amoureux et jalousie professionnelle. Et il faut d’ailleurs bien reconnaître que la série ne déçoit quasiment pas sur ce point. Car de la complexité, il y en a, même si elle s’arrête au premier épisode. Voire au premier tiers du premier quart du premier épisode. Au début, quoi. La complexité promise ne reste qu’au stade de prétention de l’argument : elle fait partie des données de la situation d’exposition, mais n’est pas exploitée durant tout le reste de la série. Mais c’est mieux que rien.
En fait, elle n’est pas exploitée pour une raison simple : chaque épisode répond à un canevas rigide, qui ne permet ni d’évolution, ni l’installation d’une situation psychologique et complexe. Les deux personnages restent cantonnés à leurs rôles initiaux : l’entreprenant pervers en mode petit toutou psychopathe et le tsundere nympho qui fait sa diva. La caricature n’est souvent pas étrangère au monde du yaoi — j’en suis le premier navré — mais l’anime réussit tout de même à la coupler à une formule type « monstre de la semaine ». Sauf que dans le milieu du yaoi, on parlera plutôt de « coït de la semaine ». Mais c’est juste une question de jargon.
Si la série est répétitive, on ne peut cependant pas dire qu’elle ne manque pas de se renouveler ses environnements. Domicile de l’un et de l’autre, chambre d’hôtel, lieu de tournage, bus, etc. La liste est (très) longue. Mais je suis d’accord : il manquait clairement un épisode à la plage et un autre dans le jacuzzi. Et ça, ce sont deux points très, très négatifs.
Dans l’anime, le coït de la semaine, c’est le climax, le point P culminant de chaque épisode. Avant, le tsundere fait la gueule et prétend très mal (un comble pour un acteur) ne pas être amoureux de l’autre énergumène. Et après, c’est grossièrement la même chose. Coït entre les deux. To be continued. L’attente est à son comble. Peut-être le jacuzzi au prochain épisode, suspense.
Personnages caricaturaux, situations fades, répétitives, sans intérêt, vous me direz que les scènes érotiques sont l’intérêt principal. Or, justement, c’est une série. Donc à part quelques gémissements rigolos et des bruitages bien assortis, ce n’est pas là que vous trouverez votre bonheur. Si tant est que vous n’ayez rien de mieux à faire que de regarder des personnages dessinés se mordre la queue en couinant comme des jouets pour chiennes en chale… pour chiens.
Mais ce qui est malheureux, c’est de voir des artistes talentueux comme Shiba Minako, character designer et directeur de l’animation, participer à ce genre de séries pour rien. Le character design est à peine bon et l’animation est… fade ? Je crois que c’est l’adjectif le plus neutre et le moins méchant que j’ai trouvé pour décrire ça. On sent que les gens qui ont pondu cette série souffrent. Que le comité a juste voulu des gens d’expérience pour s’assurer un minimum de qualité, parce que les fujos sont la nouvelle vache à lait de l’industrie. Même les scènes où les protagonistes font les gamins ne bénéficient pas d’une direction de l’animation appropriée : on se contente de mettre deux petites ailes d’ange et un grand sourire de psychopathe, et hop! c’est dans le sac. Pourquoi s’embêter à exiger des animateurs un travail un peu plus conséquent quand on peut prendre la spectatrice pour une folle hystérique ? Puis au fond, pourquoi faire plus quand la série est dans le top cinq des ventes des animes de la saison ?
Conclusion : une histoire sans consistance, des personnages caricaturaux, un modèle répétitif, un ensemble fainéant et désabusé. Finalement, il n’y a même pas besoin de dire que le viol c’est mal pour arriver à mon deux sur dix. Le pire, c’est que même en hurlant vraiment très fort que le viol est la quintessence de l’humanité (au sens catholique essentiellement), je crois qu’on a du mal à décoller du deux.
Mais vous me direz : Minuit, pourquoi ne pas mettre la note minimale si la série est mauvaise à ce point ? C’est gentil de me poser la question, car j’avais justement très envie de me justifier là-dessus.
En fait, c’est tout simplement parce que nous avons au début de l’épisode trois une très jolie parodie de SnK qui m’a fait rigoler pendant au moins trois minutes. Et que voir une merde commerciale se moquer ouvertement d’une autre merde commerciale, franchement, ça vaut bien un petit point bonus.