Il y a quelques années nous avions discuté de GoHands, studio d’animation basé à Osaka qui s’est fait connaître avec des animes tels que K, Mardock Scramble ou encore Hand Shakers, qui se distinguent par leur direction artistique « particulière » avec ces filtres colorés dégueulasses et ces fameux mouvements de caméra étranges qui font du studio la risée du milieu de l’animation japonaise. En 2020 le studio annonçait la production d’un remake du célèbre manga Tokyo Babylon, pour une diffusion l’année suivante. Lorsque GoHands présenta les designs des personnages, des accusations de plagiat furent soulevées et forcèrent le studio à retarder la série pour revoir sa copie. Le comité de production décida finalement d’annuler purement et simplement le projet, alors que GoHands avait déjà pratiquement terminé les épisodes. Surtout, l’annulation de la production entraîna une énorme perte financière pour le studio qui n’a pas été payé pour son travail, ce qui l’a forcé à poursuivre en justice ses propres producteurs, fait rarissime dans la japanime.
Cette affaire aurait pu signifier la fin du studio, mais il signa un retour en force en 2023 avec deux nouvelles séries adaptées de manga ; des séries de commandes pour renflouer les caisses. La première série est Suki na Ko ga Megane wo Wasureta, une comédie romantique où un collégien simp pour sa camarade de classe un peu débile, et la deuxième est Dekiru Neko wa Kyô mo Yûutsu, où une jeune femme se fait préparer la bouffe par un chat géant. J’ai regardé les deux séries et j’ai décidé d’écrire sur celle qui m’a le plus intéressé.
Saku est une jeune femme célibataire très occupée par son travail et qui n'a pas de temps à consacrer aux tâches ménagères. Un jour, elle trouve un chaton abandonné qu'elle ramène chez elle et qu'elle nomme Yukichi. Ce dernier semble n'être qu'un animal ordinaire mais en réalité Yukichi est particulièrement doué. Trois ans plus tard, Yukichi est devenu beaucoup plus grand qu'un chat normal et surtout c'est lui qui s'occupe de sa maîtresse plutôt que l'inverse...
Résolument axé sur la comédie, DekiNeko n’a pas d’autre ambition que de faire rigoler et il y arrive plutôt bien. L’héroïne Saku est présentée comme une jeune femme complètement dépassée, incapable de s’occuper d’elle toute seule. Elle a tout de même un grand cœur et décide d’adpoter Yukichi, le chaton qui crevait de faim sous un banc. Bien lui en a pris puisque Yukichi est devenu géant et s’occupe des tâches ménagères en lieu et place de sa maîtresse. Cuisine, ménage, courses, couture, nettoyage, bricolage, Yukichi sait tout faire et bien vite Saku ne parvient plus à se passer de lui…
La raison pour laquelle j’ai accroché à cette série c’est que le sujet m’intéresse davantage que la moyenne des comédies animées. Les histoires d’amourettes de collégiens c’est bien sympa mais je commence à devenir vieux pour ce genre de trucs ; en revanche une histoire de jeune adulte citadin absorbé par le boulot et qui galère à s'en sortir tout seul dans son appart étriqué, ben ça me parle beaucoup plus. C’est une série sur cette aventure épique et pleine de turbulences qui s’appelle le quotidien de la ménagère, sur l’angoisse de rentrer à la maison et d’ouvrir le frigo et y’a rien à bouffer à part des yaourts périmés depuis deux semaines, le panier du linge sale y déborde et toi tu te souviens plus c’est quoi qu’y faut mettre à 60°C, et le sac poubelle y traîne depuis tellement longtemps t’a des espèces biologiques inconnues qui commencent à développer dedans. Et quand tu vois cet anime avec ce chat géant qui s’occupe de tout, y te fait la bouffe y te fait le lit et y te repasse tes cravates, ben pour moi c’est ça la vraie power-fantasy. Moi je m’en fous de me réincarner dans l’isekai avec des pouvoirs cheatés et niquer des elfes à gros seins, par contre donnez-moi la grosse peluche qui fait le ménage et la cuisine pour que je puisse me concentrer sur mes animes et mes JV quoi. Après ça se voit quand même que le manga a été écrit par une gonzesse pour des gonzesses, genre la principale angoisse de Saku ce n’est pas de dormir par terre au milieu des ordures c’est de prendre du poids parce qu’elle mange trop bien, mais pour le reste l’auteur a très bien saisi son sujet comme on saisit l’escalope de poulet, bien cuite à l’intérieur et pas brûlée à l’extérieur.
Un autre élément à noter c’est que Yukichi a tous les talents sauf la parole, ce qui signifie qu’il ne parle pas sauf pour lui-même. Cela force l’adaptation à trouver des moyens pour faire dialoguer Yukichi et Saku sans passer par le texte, et rend donc les gags souvent visuels. C’est la marque des bonnes comédies que de faire passer l’humour par l’image et la mise en scène plutôt que par les dialogues, comme le feraient des adaptations de light novels. Pour le reste l’animation et la cinématographie ne proposent rien de particulier, le chara-design a été adapté pour se conformer au moule de GoHands, et on retrouve ces angles de caméra vomitifs qui ne racontent rien sauf pour souligner des décors en CG médiocre. Cela dit quand le matériel est bon ce n’est pas toujours utile d’en faire plus, Suki na ko ga Megane par exemple en faisait des caisses et ça rendait l’anime encore plus lourdingue qu’il ne l’était de base.
Retour en partie réussi donc pour GoHands, qui propose ici une comédie de bonne qualité clairement orientée vers un public plus mature et féminin que la normale, ce qui explique pourquoi elle est passée inaperçue. C’est pourtant bien connu, les bons animes c’est comme les chats errants, ils se laissent pas attraper facilement.