Dramatical Murder, ou l'art de gâcher du potentiel

» Critique de l'anime Dramatical Murder par Leaf le
27 Septembre 2014

Cher lecteur, si j'ai le plaisir de vous retrouver aujourd'hui, c'est bel et bien pour évoquer le tortueux sujet que représente Dramatical Murder. Curieux mélange, de très bon comme de très mauvais d'ailleurs, cette série a néanmoins su captiver mon attention, et même m'émouvoir dans ses derniers instants. Mais alors que cet anime, que l'on peut qualifier de psychologique plus que d'autre chose, abat des cartes, il prend une consistance changeante qui lui confère toute sa saveur.
Cher lecteur, je me dois également d'ajouter une quelconque remarque quant au public auquel est destiné ce divertissement. En effet, contrairement au jeu éponyme, il n'y a aucune trace de yaoi, et ce que ce soit explicite ou implicite, conférant à cette adaptation une accessibilité certaine.

L'histoire s'ouvre sur un schéma vu et revu, qui a tout pour décourager le spectateur. En effet, il ne vous aura pas échappé qu'après des siècles de fiction, le stéréotype du gentil et bienfaisant héros ayant perdu ses parents ainsi que sa mémoire a été largement disséqué. Et ce n'est pas Dramatical Murder qui va révolutionner le genre, du moins pas dans ses premiers instants.
Car il faut bien l'avouer, le personnage d'Aoba - car tel est son nom - semble se résumer à une coquille vide. L'incarnation même du héros mou que n'importe qui se plaît à détester, car typiquement inintéressant. C'est alors à ce moment précis, après avoir fait la connaissance de ce personnage, c'est-à-dire au bout d'une dizaine de minutes, que nombre de curieux ont été littéralement stoppé dans leur enthousiasme particulièrement contenu, expliqué notamment par l'encore douloureux Togainu no Chi.
Flanqué d'un chien robotisé et d'une grand-mère austère, Aoba évolue dans un monde futuriste, où il mène une vie - paisible - en tant que livreur à domicile. Et il faut bien dire que ce monde que l'on nous peint alors brille par son incroyable complexité. Complexité simplement due à l'absence totale d'exposition correcte. Ce qui devait - je le présumé tout du moins - tenir lieu d'exposition n'est en réalité qu'un assemblage désordonné de scènes de quotidien, troublant davantage encore le spectateur et surtout lui faisant comprendre - très correctement cela dit - le sens du mot "ennui".

Vient ensuite une première scène d'action, qui même sans particulièrement briller par son efficacité, a la bonne idée de réveiller le spectateur et de lui éviter ainsi d'avoir à visionner une seconde fois ce premier épisode après s'être endormi littéralement devant. Le tout est que les premiers éléments de scénario se mettent alors enfin en place, même si l'anime reste particulièrement avare quant aux informations qu'il veut bien partager avec son spectateur.
Dans un premier temps, qui va d'ailleurs représenter pas moins du tiers de la série, le spectateur évolue dans le flou le plus total. Il regarde, mémorise ce qu'on lui donne à mémoriser, et tente tant bien que mal à mettre en lien les différents éléments afin de se constituer une image, qui bien qu approximation, lui permettra de se repérer dans l'univers.
À ce stade précoce de la série, le héros nous présente - ou se fait présenter par le destin, d'ailleurs - quelques personnages bien sympathiques qui vont nous accompagner jusqu'à la fin de l'aventure. Le rythme - trop - lent aura au moins le mérite de nous faire connaître les personnages, et le spectateur, alors en mode légume, peut commencer à spéculer sur les relations qui vont se tisser.

Car si cette galerie de personnages a bien un défaut au début de l'anime, c'est d'être constituée de magnifiques coquilles vides, tout aussi magnifiquement stéréotypées. Entre l'ami d'enfance bagarreur, le débile de première et le sociopathe hautain ainsi que quelques autres personnages plus ou moins utiles, le tableau est rapidement dressé, mais permet néanmoins une lisibilité très intéressante de ces personnages, et rapidement, le spectateur va commencer à s'attacher à ceux-ci.
Par ailleurs, la série va se mettre à évoluer, certes lentement à ses débuts, mais va gagner au fil des épisodes en force, malgré quelques ratés de ci de là. De même, le spectateur va avoir la grande surprise de voir ces coquilles vides se remplir, et se remplir de choses intéressantes qui plus est. Et c'est là que le spectateur comprend le choix de la réalisation quant à ce début morose.
Je m'explique. Le héros lui-même est vide. Il fait la connaissance de personnes qu'il ne connait dans un premier temps que physiquement, puis les appréhende quant à leurs habitudes, leurs traits de caractère apparents. Nous sommes ici au stade de la coquille vide stéréotypée. Mais au fur et à mesure que le héros va apprendre à connaître ces personnages, sa vision du monde et son caractère même s'étoffent, tout comme le scénario et la réalisation elle-même.

Ce crescendo vient parfaitement mettre en avant l'évolution du héros, intéressante dans sa mise en œuvre, car plus subtile qu'elle n'y parait. Si l'on regarde de loin, il faut attendre les derniers épisodes afin de percevoir un quelconque changement d'attitude de la part de notre cher Aoba. Mais il ne va pas évoluer par rapport à lui-même dans un premier temps. Il va évoluer par rapport aux autres, et seulement par rapport à eux.
Car la nature même d'Aoba fait qu'il prend à contre-pied le schéma traditionnel de l'évolution du personnage. En temps normal, un personnage rencontre d'autres personnages et est forcé à évoluer en conséquence, ou force les autres à le faire. Ici, un personnage rencontre d'autres personnages, et ne fait que changer sa perception des autres personnages, car se retrouve en réalité dans l'incapacité d'évoluer de lui-même.
À savoir que cette analyse que je fais n'a bien entendu pas la même résonance entre une personne qui connait la conclusion de l'histoire et une personne qui n'en a aucunement connaissance. Il s'agira alors de reconsidérer la condition même du personnage d'Aoba au fur et à mesure de l'avancement de la série elle-même.

Néanmoins, si la série se base en grande partie sur l'évolution des personnages, il ne va pas sans dire qu'un personnage va éprouver de grandes difficultés à évoluer sans circonstances propices. Intervient alors une composante essentielle: le scénario. Et c'est ici que les choses commencent à devenir complexes.
Car ne nous méprenons pas. Le scénario en lui-même est d'une simplicité aberrante, l'antagoniste principal est pour ainsi dire pitoyablement mauvais, et le tout se résume en somme à une plus que prévisible lutte du bien contre le mal. Mais plus que cela, le scénario ici va n'avoir finalement qu'un seul rôle: mettre en relation des personnages entre eux.
Et finalement, cette simplicité dans le déroulement de celui-ci va largement contribuer au renforcement des personnalités et des liens entre les personnages, en supprimant un certain nombre de facteurs considérés alors comme parasites. Car finalement, ce scénario est développé de sorte à affecter le moins possible - du moins jusqu'aux épisodes finaux - les personnages. Et il fait pour ainsi dire parfaitement son travail.

Une autre particularité de l'anime est de mettre en scène graphiquement les états d'esprit des différentes protagonistes. Si la chose manque parfois d'une peu de subtilité dans son déroulement, la réalisation fait des choix très intéressants. Les symboles utilisés le sont à très bon escient, et sont orchestrés d'une manière tout à fait irréprochable.
Il faut rajouter à cela une recherche graphique parfois très élaborée, appuyée par quelques - très - bonnes idées, qui viennent souligner tout en nuances le caractère et l'état d'esprit des différents personnages, avec néanmoins des constantes, comme l'est l'appréhension tout particulière du mouvement et de l'évolution dans l'œuvre, représentées souvent par des liquides divers.
Il faudra néanmoins - et bien malheureusement d'ailleurs - venir ternir cet idyllique tableau par quelques touches de déception de ma part. En effet, l'anime prend un rythme que je n'apprécie pas, un rythme qui consiste tout simplement à associer un épisode à un personnage. Ce choix clôt un nombre incalculable de possibilités, et crée une routine qui ressemble à la longue aux premiers épisodes.

Et car il faut bien toucher un mot des caractéristiques techniques de l'anime, je vais faire le choix de précipiter quelque peu la chose. Pour la simple raison qu'il n'y a strictement rien de bon à retenir dedans.
L'animation est très inégale, souvent mauvaise, avec des personnages déformés. Le charadesign original était heureusement excellent, et a réussit tout de même à survivre à une adaptation trop approximative.
De plus, la musique bien que correctement utilisée, est beaucoup trop froide. Tout comme l'opening. Seuls quelques endings sont à notés, proposant des airs plus que sympathiques. Les seyuus sont bons, mais prisonniers de l'inégalité de l'animation.

Je vais conclure par ces quelques mots. Dramatical Murder est un anime qui est loin d'être exempt de défauts. Le caractère parfois inintéressant de la chose peu rebuter, j'en conviens. Tout comme je conviens que Dramatical Murder est un mauvais divertissement. Mais il ne faut pas prendre la série comme tel. Il faut la prendre pour ce qu'elle est, à savoir de bonnes idées et des concepts intéressants.
J'encourage fortement, cher lecteur, votre curiosité. Car c'est au fond ce que cet anime est: une curiosité. Entre bon et mauvais, la série sait nous surprendre à sa façon, et a le mérite d'être parfaitement consciente de ses faiblesses.
La série vaut certainement un point de moins vis à vis de ma notation. Je l'affirme même. Mais je me plais à me convaincre que quelques personnes seront sensibles à cette note. Et que je fais bien. Même si je sais que c'est purement hypocrite, et que j'ai finalement envie d'apprécier Dramatical Murder.

Verdict :7/10
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A propos de l'auteur

Leaf, inscrit depuis le 08/07/2014.
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