Uchiage Hanabi, Shita kara Miru ka? Yoko kara Miru ka ? (que l’on appellera par la suite Fireworks pour des raisons évidentes) est un long-métrage réalisé au sein du studio Shaft par Nobuyuki Takeuchi, le bras droit de Akiyuki Shinbo et directeur artistique d’une partie de ses animes. Vous vous souvenez des décors surréalistes de Bakemonogatari ? C’est lui. Concernant Fireworks, ce n’est pas un projet original ; il s’agit d’une adaptation d’un téléfilm de 1993 réalisé à l’époque par Shunji Iwai, dont un autre film, Hana & Alice, avait fait lui aussi l’objet d’un remake en animation par Iwai lui-même il y a trois ans. J’avais plutôt apprécié Hana & Alice, qui proposait une récit charmant sur l’adolescence et une approche unique de l’animation par rotoscopie. Voir un autre de ses travaux adapté en anime, et par Shaft qui plus est, avait de quoi éveiller ma curiosité.
Curiosité qui s’est vite rendormie devant la qualité assez médiocre du résultat final.
Fireworks raconte l’histoire de Normichi-kun, un gamin d’une quinzaine d’années qui est raide dingue de sa camarade de classe Nazuma-san. Seulement, Norimichi ignore que Nazuma va déménager après l’été. Ces vacances seront donc l’ultime chance pour Norimichi de partager un moment intime avec elle. Ah et puis, il y aura peut-être des histoires de mondes parallèles et de voyages dans le temps au milieu de tout ça.
La première chose qui choque dans ce film, et qui m’a complètement éjecté de l’histoire au bout de cinq minutes, c’est l’esthétique bâtarde à base de CG. Je ne crois pas avoir vu quelque chose d’aussi moche dans un film d’animation japonais depuis la baleine dans Le Garçon et la Bête de Hosoda. Ce n’est pas surprenant que Shaft se complaise dans les images de synthèse, c’est leur marque de fabrique depuis une décennie ; mais Fireworks en fait un usage libéral, grossier et incohérent. D’un plan à l’autre on aura des personnages qui passent de la 2D à la 3D, comme ça sans prévenir ; et cela ne concernera pas que les figurants en arrière-plan, même des personnages principaux qui sont au centre de l’action y auront droit. Et lorsque tout cela est placé à côté des plans en animation traditionnelle très léchés, très détaillés sur le chara-design de Akio Watanabe la fracture visuelle n’en devient que plus béante et irréparable.
On essaie donc de suivre un récit d’amour adolescent qui est franchement plutôt mignon dans la première partie, mais qui s’essouffle très vite et qui part en sucette lorsque le récit incorpore l’aspect fantastique avec un genre de boucle temporelle qui permet au héros de remonter le temps pour changer certains évènements. Autant vous prévenir, cet aspect du récit n’aura aucune explication et ne servira qu’à rallonger la sauce d’un film qui malgré sa petite heure et demie semble deux fois trop long pour ce qu’il a à raconter (le téléfilm original de Iwai faisait cinquante minutes, on ne sait pas trop comment Shaft s’est débrouillé pour ajouter 50% de contenu à un histoire aussi simpliste).
L’intérêt d’une romance est intrinsèquement lié à ses personnages, et là encore Fireworks n’apporte pas satisfaction. Norimichi-kun aurait pu être amusant dans le rôle du gamin troublé par la découverte de ses sentiments, mais son personnage est plombé par un doublage qui lui donne la voix d’un employé de bureau de 35 ans qui appellerait pour la première fois le téléphone rose et parlerait tout doucement de crainte d’être sur écoute du FBI. Je ne crois pas qu’il prononce une seule fois du film une phrase de plus de cinq mots. Concernant Nazuma, elle est l’archétype de la fille mystérieuse, mais genre vraiment mystérieuse quoi, son comportement n’a aucun sens et elle semble tombée d’une autre planète. Les autres personnages, que ce soit le rival amoureux dont la moitié des dialogues ont un rapport avec la merde, les trois corniauds obsédés par la question de savoir si les feux d’artifices sont ronds ou plats (???) ou la prof doublée par Kana Hanazawa et dont le rôle se limite à la taille de ses nénés on ne peut pas dire qu’ils remontent le niveau.
Lors de sa sortie en France, Fireworks a été vendu sur l’affiche comme le successeur de Your Name ; et s’il est vrai que l’on se trouve dans les deux cas face à une romance adolescente, on ne peut pas faire plus différent d’une point de vue stylistique. Your Name est une romance écrite à la manière d’un récit d’aventure grand public, là où Fireworks est beaucoup plus dans le symbolisme, au point de vider ses personnages et son récit de toute réalité. Le film s’est pris une volée de bois vert de la part des critiques cinéma comme des spectateurs, et ce n’est pas étonnant ; par rapport aux standards du film d’animation japonais Fireworks n’est pas à la hauteur, et la tentative de Shaft pour percer dans le cinéma mainstream s’est éclatée en plein vol tel un feu d'artifice tiré de travers.