Visions d'un futur...

» Critique de l'anime Ghost in the Shell - Stand Alone Complex par Nakei1024 le
28 Avril 2017
Ghost in the Shell - Stand Alone Complex - Screenshot #1

Ghost in the shell (GITS par la suite), un nom évocateur pour tout fan de japanime qui se respecte, et probablement l’une des licences les plus adulées dans le monde de la japanimation (autant sinon plus que la série Evangelion), comptant pas moins de 4 films, 2 séries et 4 OAVs, ce qui fait quand même une dizaine d’œuvres estampillées GITS, excusez du peu. Et je ne parle pas des mangas qui ont également eu droit à une bonne demie douzaine de récits originaux, mais n’ont semble-t-il pas marqué le public outre mesure…
Alors forcément, après avoir enfin regardé la série Stand Alone Complex (SAC), et me décidant un peu sur un coup de tête à donner mon avis à son sujet, je commence tout juste à réaliser l’ampleur de la tâche qui m’attend. En effet, comment rendre justice à une œuvre qui m’a à ce point laissée sur le cul après visionnage. Surtout que je ne suis pas le premier (et je l’espère pas le dernier) à me lancer dans cet exercice, et que mes prédécesseurs ont quand même fait preuve d’un standard de qualité assez élevé dans leurs propres écrits, preuve s’il en est de leur admiration et reconnaissance face au travail du studio Production I.G.

Ghost in the Shell, c’est avant tout un univers cohérent et un récit prenant lieu et place dans un avenir relativement proche de nous. Une époque dans laquelle les technologies de la robotique et l’informatique ont évolué jusqu’à permettre le développement de la cybernétique (le remplacement partiel ou total d’un corps vivant par des organes artificiels) et la numérisation de l’esprit Humain permettant l’intégration de celui-ci dans un corps artificiel, menant ainsi à la création de véritables cyborgs doté d’un « ghost » (équivalent de l’âme). En parallèle, les progrès en matière d’intelligence artificielle permettent de créer des machines capables de développer une véritable conscience.
Bref, on nous place dans une époque charnière où les barrières entre Homme et Machine sont de plus en plus floues et où les 2 finissent par se mélanger, alors que les grands groupes industriels prennent un poids toujours plus important et finissent même par peser sur les décisions prises aux plus hauts sommets des nations. En face d’elles, les tentatives de hackers et personnalités influentes pour dénoncer et empêcher certaines dérives peuvent sembler dérisoires, mais parviennent néanmoins à secouer l’ordre établi. Et c’est généralement là que la division 9, dirigée par le chef Aramaki, entre en scène.
Tout au long des épisodes de la série, on découvre les résultats de cette nouvelle vision de l’Humanité, et les répercussions qu’elle peut avoir sur la société moderne, et ce dans différents domaines : social, médical, politique et bien sûr militaire… On découvrira par exemple l’apparition de nouvelles maladies liées aux implants, ou les trafics liés au vol et à la revente de ceux-ci.

Ghost in the Shell - Stand Alone Complex - Screenshot #2Si on peut estimer que les développeurs se sont montrés quelque peu optimistes en situant leur récit en 2030, force est de constater que les interrogations et problématiques posées de manières explicites ET implicites sont à l’heure actuelle (2017 soit 15 ans après) de plus en plus d’actualité. Car si la cybernétique laisse effectivement entrevoir des solutions à différents problèmes (dans le domaine de la santé notamment), elle entraîne également de nombreuses questions d’ordre moral, éthique ou légal selon la manière dont elle est abordée. Ajoutons que la cybernétique, science encore récente, n’est pas non plus sans poser différents problèmes chez ceux qui en bénéficient : comment gérer l’entretien d’un corps entièrement artificiel ? La pression exercée sur le cerveau et les organes naturels ne risque-t-elle pas de détériorer ceux-ci à plus ou moins long terme ?
Si beaucoup seront abordées directement lors des opérations de la division 9, il ne s’agit en réalité que de la partie immergée de l’iceberg. Bien plus sont effectivement simplement suggérées au détour d’une image ou d’un commentaire.
C’est d’ailleurs l’une des grandes forces de la série, ne jamais juger du bien ou du mal d’une situation donnée : c’est au spectateur de se forger son opinion en fonction de ce qu’il voit à l’écran. A aucun moment on n’affirmera que la cybernétique et les évolutions de l’IA soient bonnes ou mauvaises. On donnera simplement un maximum de clés et voies de réflexion en suivant le parcours et en découvrant l’origine des différents membres de l’équipe du major Motoko Kusanagi (plus simplement appelée Major dans la série).

Ghost in the Shell - Stand Alone Complex - Screenshot #3Le major et son collègue Batô sont tous 2 dotés d’un corps entièrement cybernétique (à la suite d’accidents grave ou de maladies incurables si j’ai bonne mémoire), qui leur offre des capacités (mémorielles, cognitives, perceptives et physiques) bien supérieures à celles d’un humain normal. En outre, le fait d’avoir un corps artificiel les affranchit de bon nombre de contraintes comme la douleur ou la fatigue, et dans une certaine mesure, la maladie, la faim ou la soif. En cas de destruction, et à condition que le cerveau soit intact, il reste possible de réimprimer leur personnalité et leurs souvenirs dans un nouveau corps, ou de remplacer les « pièces défectueuses ». Une pseudo-immortalité en somme, avec la jeunesse éternelle en prime.
D’ailleurs, puisqu’on parle des corps, ceux-ci correspondent bien entendu à des idéaux physiques. Inutile de se mentir, le major est une véritable beauté qui ne laissera personne indifférent. Quant à Batô, son aspect bien plus « rustique » et carré annonce clairement son côté fonceur appréciant l’utilisation de la force brute, même il serait hasardeux de le croire stupide pour autant.
Les deux ont cependant en commun de se montrer relativement solitaires dans leur vie civile : hormis quelques rares connaissances, ils n’ont pour ainsi dire pas de vie sociale, et préfèrent passer leur temps libre en s’isolant du monde (et peut-être du flux continu d’information que leur cerveau artificiel ne cesse de traiter), tels des parias devenus trop différents de leurs semblables pour pouvoir encore se mêler à eux. Quant à leur capacité à exprimer des émotions, elle est plus que limitée, même si Batô s’en sort un peu mieux que sa supérieure, jouant le rôle du ressort comique dans la série.
Plus inquiétant, que se passerait-il si un pirate suffisamment doué parvenait à brouiller leurs récepteurs sensoriels, ou pire prenait carrément le contrôle de leur corps (en mission ou en plein espace public) ?
Enfin, leur statut de cyborg les empêche de consommer n’importe quelle nourriture : ils doivent s’en remettre à des aliments spécifiquement conçus pour eux, probablement dépourvus de goûts et, au dire de leurs collègues, fort peu appétissants…

Ghost in the Shell - Stand Alone Complex - Screenshot #4A l’opposé, le personnage de Togusa ne dispose d’aucun implant cybernétique, ce qui pourrait en faire le maillon faible de l’équipe. Contrairement aux 2 présentés plus haut, il n’est clairement pas capable d’éliminer un groupe de soldats d’élites en quelques instants, encore moins d’affronter une armure de combat avec ses seuls poings. Il est capable d’hésitation lorsqu’il doit tirer sur une cible clairement menaçante, et ce n’est pas son petit pistolet qui lui sera utile face à un tank lourdement blindé. Enfin, il peut être blessé si on l’attaque même avec une arme légère.
Pourtant, il a un rôle vital dans l’équipe, car n’étant pas soumis à un programme de pensée conçu pour suivre une logique spécifique, son raisonnement reste libre de toute contrainte et ses intuitions liées à son expérience personnelle font souvent mouche. C’est souvent lui qui notera LE détail qui fâche, qu’une IA aurait pu ignorer car ne rentrant pas dans sa base de données.
Enfin, sur le groupe d’une dizaine de personnes composant la section 9, il est à priori le seul à être marié et à vivre une vie sociale « normale », entourée de sa femme et ses enfants.

Difficile de parler des personnages sans aborder mes préférés : les Tachikomas. Ces robots d’apparence arachnéenne et partageant une intelligence commune servent de soutien et de moyen de transport rapide (et agile) aux membres de la division 9. Malgré leur apparence et leur armement, ils sont vraiment trop attachants avec leurs voix enfantines, leur côté facétieux et leur manière de toujours tout voir comme un divertissement. Dépourvus d’un « ghost » ce sont de véritables machines dotées d’une simple IA à l’origine. Mais au fil des épisodes et des missions auxquelles ils prennent part, ils finissent par développer une véritable intelligence et conscience d’eux même, se permettant même de devenir plus émotifs que les personnes qu’ils accompagnent.
C’est bien simple, j’ai été plus touché par les ennuis qu’ils s’attirent lorsque les techniciens commencent à voir en eux l’émergence d’une conscience propre, et le destin qui les attend en fin de série alors qu’ils combattent héroïquement un adversaire largement supérieur… Que par les coups pris par le major, qui morfle pourtant méchamment sur les derniers épisodes.
J’espère en tout cas les retrouver et continuer à suivre leur progression dans la saison 2.

Ghost in the Shell - Stand Alone Complex - Screenshot #5Enfin, quelques mots concernant le chef Aramaki, «le « vieux singe ». On apprend très peu de choses à son sujet, mais il semble pourtant avoir une influence considérable auprès des politiciens et autorités. C’est ce qui sortira bien souvent la division 9 d’un mauvais pas, quitte à obtenir des droits spéciaux ou enfreindre quelques règles pour faire progresser l’enquête.
On ne sait pas non plus s’il s’agit d’un être humain normal ou d’un cyborg se présentant sous l’apparence d’un vieillard pour mieux tromper son monde.
Enfin, il semble entretenir avec le major une relation particulière et privilégiée, même s’il est difficile de définir celle-ci avec précision : simple relation filiale type « père (grand-père)/ (petite) fille », anciens camarades liés par le même passif (militaire ou non), ou pourquoi pas carrément amants engagés dans une relation purement platonique et intellectuelle (après tout, comme on le voit dans l’épisode de Londres, il conserve un certain charme auprès de la gent féminine).

Concernant l’histoire, la série est divisé en épisodes dits « stand-alone » totalement indépendants et « complex » offrant un récit liée qui évolue du début à la fin de l’anime. Si bien sûr ce sont ces derniers qui présentent le plus grand intérêt, les épisodes « stand-alone » ne sont pas à négliger pour autant, car ils apportent davantage de profondeur et de cohérence à l’univers, en permettant d’en explorer de nouvelles facettes (et bien entendu de nouvelles questions et problématiques).
Je regrette juste que l’on ne montre pas davantage les changements entraînés par la cybernétisation de la société : a-t-elle été à l’origine de véritables progrès sociaux, de meilleures conditions de vie et d’évolutions pour la population, ou bien a-t-elle au contraire creusé un peu plus les écarts entre les puissants (industriels, financiers et politiques) et la population mondiale? A-t-elle favorisé un mode de vie plus responsable et écologique, moins basé sur le capitalisme et la consommation ?
Existe-t-il une forme de racisme entre humains « normaux » et cyborgs ? Hormis quelques groupuscules extrémistes aux actions limitées, je n’ai pas vu grand-chose qui permette de pencher dans un sens ou dans l’autre. Espérons que la saison 2 approfondira un peu cela.

Ghost in the Shell - Stand Alone Complex - Screenshot #6Techniquement, et bien que datant de 2002, l’anime reste de toute beauté et aujourd’hui encore enfonce clairement les standard de l’animation japonaise. Bon d’accord, le générique d’introduction en 3D a clairement (et pas très bien) vieilli. Mais à côté de ça, c’est beau, c’est fluide et plusieurs plans font régulièrement scintiller la rétine.
Quant aux différents thèmes musicaux, ils accompagnent efficacement l’ensemble et se montrent assez originaux.

Aujourd’hui encore, la saga des GITS sert de source à de nombreuses œuvres de science-fiction d’anticipation. Les films Chappie, Ex-Machina, Her, ou même Deus-Ex et Mass-Effect pour les jeux-vidéos abordent des thèmes très proches du développement des IA, de la barrière entre Homme et Machine ou même de la possible numérisation de personnalité. Il n’est pas absurde de penser que déjà en 1995 puis 2002, le film puis la série animée aient posé ces mêmes questions en fournissant des éléments de réponses. Et même sur la forme, certaines œuvres comme Matrix ont probablement tiré une partie de leur inspiration des sublimes visuels du film.
Bien sûr elle n’est pas la première à s’être aventurée dans ce domaine. On peut citer des œuvres majeures comme Blade Runner, Robocop, Astro le robot, Metropolis ou même Alien pour ouvrir la marche. Mais clairement, l’œuvre de Shirow Masamune sublimée à l’écran par le génial Mamoru Oshii, s’est d’emblée imposée comme une référence dans ce domaine et continue encore aujourd’hui de laisser des traces sur divers supports, dans la culture geek et le cyberpunk...

Maintenant, j’avoue qu’entre le film et cette première saison (la seconde va suivre sous peu), j’hésite à savoir lequel a ma préférence. Car si le film reste un chef d’œuvre tant dans sa réalisation que son propos, l’anime le talonne de peu. Et comme en plus il a le temps de bien pousser la réflexion sur 26 épisodes, tout en rendant celle-ci un peu plus abordable (moins capilotractée) pour le grand public… Vous m’avez compris.
Après ce visionnage, je comprends aussi davantage à quel point les réalisateurs du film avec Scarlett Johansson sont passé à côté de leur adaptation, proposant au final un divertissement certes sympathique, mais n’ayant clairement pas la portée des originaux.

Concernant la note, c’est un 10. J’avoue avoir vu beaucoup d’autres excellents animes (Evangelion, Gunslinger Girl, Gankutsuou…) auxquels je donnerais un 9 sans hésiter. Mais dans le cas présent, quand je vois à quel point les problématiques et thèmes abordés commencent à devenir (ou le sont déjà) plus que jamais d’actualité et que la série sortie en 2002 fête ses 15 ans, je ne peux que m’incliner devant une telle justesse d’anticipation.

Verdict :10/10
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