Disponible depuis peu sur N*****x, le long-métrage Senkô no Hathaway (L’éclat de Hathaway) est la dernière itération de la saga Mobile Suit Gundam, et plus précisément de l’UC, la chronologie originelle de la série. Une distribution de premier plan qui a permis au film de toucher un large public et de susciter beaucoup de réactions, ce qui est d’autant plus étonnant pour un film parmi les moins accessibles de la franchise.
Senkô no Hathaway ne vient pas de nulle part ; il s’agit au départ d’un roman écrit par Yoshiyuki Tomino lui-même et publié en 1989, lequel raconte une histoire faisant suite à Char Contre-Attaque et précède Gundam F91. Autrement dit ce film de 2021 adapte un roman publié il y a trente ans, qui fait suite à un film d’il y a trente-deux ans, lui-même servant d’épilogue à une série télé diffusée il y a quarante ans. Pas sûr que les spectateurs de N*****x aient tous lu le manuel avant de se lancer dans le visionnage.
On suit donc Hathaway Noa, fils de Bright Noa qui est un personnage plus ou moins important de la saga originale. Alors qu’il se rend sur Terre pour affaires, sa navette et abordée par un groupe terroriste se réclamant de « Mafty », un idéologue prônant des idées étrangement proches de l’ancienne Zeon. La prise d’otage se termine en bain de sang dont Hathaway parvient à sortir vivant, mais ce n’est que le début de son périple…
Le film est réalisé par Shukô Murase, réalisateur bien connu des fans de SF animée, et qui s’était distingué il y a quelques années avec le très réussi Genocidal Organ. On retrouve ici son style hyperréaliste, quasi-documentaire, avec une mise en scène élaborée qui constitue la plus grande qualité du film. Le film essaie d’emprunter sa cinématographie au live-action, d’ailleurs le storyboard a été conçu comme un film live avec des mouvements de caméra et des cadres inhabituels pour de l’anime, et une intégration 3D d’un niveau inédit. Cette proposition trouve toutefois rapidement sa limite lorsque les images de synthèse se font bien trop remarquer, en particulier dans les décors qui sont parfois assez dégueulasses, contrastant avec un chara-design et une animation des personnages qui est sont en revanche excellents.
L’intrigue est plutôt simple et si je ne peux rien en dire de concret pour ne pas spoiler, j’ai apprécié ce genre de récit tout en sous-entendus et en faux-semblants, chaque personnage tentant de cacher ses véritables intentions aux autres, avec la menace constante d’une guerre de robots géants au-dessus de leurs têtes ; menace qui se fait concrète avec cette scène de bataille urbaine spectaculaire au milieu du film. Les séquences où Hathaway déambule en costume dans des décors exotiques empruntent de manière évidente à un certaine saga de films d’espionnage bien connue. Rien que pour ces scènes le film vaut le coup, car c’est quelque chose que l’on ne voit tout simplement pas ailleurs en japanime actuellement.
Le film est toutefois handicapé par de lourds problèmes d’écriture, à commencer par son absence de contextualisation. A moins d’avoir Bac+4 en Gundam vous risquez de passer à côté des enjeux géopolitiques de l’histoire et vu que le film se situe dans une période late UC qui est peut-être la moins intéressante de la chronologie on ne vous en voudra pas. A un moment le terme « Newtype » est balancé au milieu d’une conversation sans qu’aucune explication ne soit donnée sur ce dont il s’agit ou ce que cela pourrait avoir en rapport avec l’intrigue. Pareillement vers la fin il y a une scène de flashback où Hathaway entend la voix d’un personnage, si tu es un gros nerd comme moi et que tu as reconnu la voix du doubleur Tohru Furuya tu as tout de suite compris de qui il s’agit mais sinon tu es perdu.
L’autre souci de taille ce sont évidemment les dialogues Tominesques où les personnages donnent l’impression de se parler dans des réalités alternatives. On sent que le film essaie d’adapter au maximum le script pour le rendre intelligible mais rien à faire, la Tominerie suinte de partout. C’est particulièrement visible avec la caractérisation misogyne des personnages féminins, notamment Gigi Andalucia qui malgré son importante présence à l’écran ne sert absolument à rien dans l’histoire si ce n’est servir de trophée à la compétition virile entre Hathaway et le Colonel Sleg pour savoir qui va se la taper en premier (ce n’est pas moi qui suis vulgaire, c’est dit comme ça dans le film). Son rôle est censé être celui d’un femme fatale, séductrice et dangereuse, sauf que séductrice elle ne l’est pas vraiment puisque c’est elle qui semble avoir la dalle plus que les garçons, et le danger qu’elle pourrait représenter est largement désamorcé avant la fin du film.
Après les sympathiques Thunderbolt et The Origin, cette nouvelle incursion dans l’UC de Gundam n’est pas à la hauteur. Le contraste est trop important entre une mise en scène impressionnante, pleine de fulgurances techniques, et un scénario sans grand intérêt, une anecdote perdue quelque part au milieu de la mélasse post-CCA. Apparemment des suites sont prévues, j’espère que Murase pourra s’échapper de là pour proposer quelque chose de plus palpitant car il vaut mieux que ça.