Si votre âge se situe autour de 25 ans ou plus, vous n’avez sans doute pas besoin que l’on vous explique ce qu’est Gundam SEED, et vous avez probablement déjà un avis sur le sujet. Si en revanche vous êtes plus jeune, un point de rappel peut être utile. Gundam SEED et sa suite SEED Destiny forment ensemble la franchise d’animation japonaise ayant connu le plus gros succès commercial depuis le début du XXIe siècle ; devant Code Geass, devant Fate, devant Shingeki no Kyojin, devant tout ce que vous connaissez. C’est l’anime par lequel une grande partie du fandom, japonais comme occidental, est entré dans le média dans la première moitié des années 2000. A l’époque de sa sortie, c’était également l’anime le plus cher jamais créé, explosant les budgets jusque-là alloués à des séries télévisées. C’est aussi et surtout l’anime à partir duquel se sont basés la plupart des animes de mecha qui ont suivi, du moins ceux qui ont eu une importance d’un point de vue comptable.
Ainsi, sans même chercher à savoir de quoi parle cet anime et s’il est intéressant à regarder, SEED est un incontournable. Il l’est d’autant plus si on se cantonne à la saga Gundam, dont SEED constitue un tournant majeur. A la fin des années 90, la saga est en perte de vitesse ; Gundam X a fait un bide au point de voir sa production annulée en cours de diffusion, et Turn A Gundam a profondément divisé le public. Lorsque SEED sort en 2002 et réalise des audiences record, c’est le signe du renouveau de la saga, de son entrée dans la « modernité », avec ce que ça a de bon… et de moins bon.
Toutefois, ce n’est pas de la série dont nous allons parler ici, mais de la « Special Edition », qui n’est en réalité qu’un remontage des cinquante épisodes en trois téléfilms d’une heure et demie chacun. J’aurais pu me taper toute la série pour écrire une super critique mais le truc c’est que d’une part je n’ai plus le temps pour ces conneries, et d’autre part ça ne change rien au contenu.
Gundam SEED se déroule dans la Cosmic Era, une période où l’humanité s’est divisée en deux camps. Les Coordinateurs sont des humains modifiés génétiquement, qui disposent de capacités supérieures et qui vivent à l’écart dans des stations spatiales appelées PLANT. Les Coordinateurs se sont constitués en une nation autonome, ZAFT, dotée d’une puissance militaire avancée. De leur côté, le reste des humains non modifiés ,les Naturels, sont eux-mêmes divisés. La plupart des Naturels appartiennent aux Forces Terrestres, une nation menée par un parti raciste appelé Blue Cosmos qui promeut la pureté de la race humaine face aux Coordinateurs. Il existe également une nation neutre, l’Orbe, qui accueille aussi bien des Naturels que des Coordinateurs sur son territoire.
Le récit débute alors que la guerre entre ZAFT et les Forces Terrestres a déjà commencé. La colonie spatiale Héliopolis est sous l’autorité de l’Orbe et ne prend donc pas partie pour l’un ou l’autre camp. Toutefois, une opération menée par ZAFT révèle qu’Héliopolis abrite des armes secrètes destinées aux Forces Terrestres : les Gundam. Lors de l’attaque qui s’en suit, la colonie est détruite et ZAFT s’empare des Gundam à l’exception d’un seul, le Strike. Ce dernier, piloté par le jeune Coordinateur Kira Yamato, va changer le cours de la guerre… Enfin plus ou moins.
Ce qui est important de noter au sujet de SEED, et qui constitue sa principale caractéristique, c’est qu’il a d’abord été conçu comme une réactualisation de l’Universal Century, c’est-à-dire de la timeline originale des premières séries Gundam. Ainsi, le récit de SEED reprend beaucoup d’éléments de Mobile Suit Gundam et sa suite Zeta Gundam : notamment le storytelling propre à Yoshiyuki Tomino, le créateur de la franchise, qui aime bien raconter la guerre en se concentrant sur un groupe de soldats dont le périple les amènera à suivre les évènements majeurs du conflit. C’est le cas ici avec le vaisseau Archangel, qui abrite Kira et ses amis, et qui sera la proie de ZAFT et des Forces Terrestres tout au long de la série – sur le modèle de la White Base dans MSG.
Bien évidemment, le jeune public qui n’a pas connu l’Universal Century n’a pas vu toutes ces références, et a donc pu de bonne foi considérer SEED comme un anime particulièrement original ; alors qu’en réalité la série n’apporte rien de fondamentalement nouveau en termes de narration. La vraie spécificité de SEED se situe finalement dans l’enrobage.
Pour commencer, la thématique qui couvre la série est relativement neuve pour la franchise. Là où le conflit entre Zeon et la Fédération était principalement d’ordre politique - avec quelques accents ésotériques apportés par le concept de Newtype, le conflit de SEED est lui carrément d’ordre racial puisqu’il s’agit de deux catégories d’humains qui cherchent à s’annihiler. A l’époque de la série ce thème de la manipulation génétique était dans l’actualité brûlante avec le premier clonage d’un mammifère en 96 puis le séquençage du génome humain en 2001. SEED a résonné avec son public en incorporant à la série des éléments dans l’air du temps.
Mais surtout, SEED s’est distingué par la part importante qu’il a accordé au character-drama et à la romance, dans une mise en scène qui parfois s’éloigne du space-opera pour tomber dans le soap-opéra. Ce n’est pas un hasard si le scénario de SEED a été écrit par une femme, Chiaki Morosawa (qui se trouve d’ailleurs être l’épouse du réalisateur Mitsuo Fukuda) ; elle a su trouver les éléments qui ont permis à la série de toucher un nouveau public, à savoir les filles. Les deux personnages principaux, Kira et Athrun sont de jeunes éphèbes tiraillés entre leur amitié et leur devoir, qui tentent chacun de leur côté de protéger la fille qu’ils aiment. Jusqu’à ce que Machine quitte Machin pour se mettre avec Truc, qui vient de rompre avec Bidule qui était la fiancée du meilleur ami de Truc, et dont la propre sœur cachée finira avec Machin… Et bien évidemment comme tout ce monde-là est incapable d’exprimer ses sentiments correctement, il faut attendre la fin de la série pour voir les choses évoluer avec des bisous (sur la joue).
Puisqu’on parle des personnages, c’est sans doute une des faiblesses de l’anime. Autant j’ai bien aimé le charismatique Athrun et la pétillante Cagalli, autant j’ai eu du mal avec Kira et Lacus, ou plutôt comme je préfère les appeler Concon et Coconne. Kira est le prototype du Gary Stu, le héros qui ne pense à rien mais qui sait tout faire parce que le script lui demande. Quant à Lacus c’est typiquement le genre de cliché que les japonais seraient avisés de supprimer de leurs animes : la jeune fille faible et fragile qui sait tout mieux que tout le monde et donne des leçons de morale en chantant de la J-Pop. J’ai également haussé le sourcil devant ces dialogues niaiseux à bases de "Ohlàlà la guerre c’est pas bien il faut pas se battre" alors que l’anime passe son temps à nous montrer des combats de robots géants super classes qui tirent des putains de missiles et des méga-lasers de ouf en espérant que vous allez acheter les figurines. Et comment ne pas mentionner Flay, un personnage que l’on commence par détester, puis que l’on finit par prendre en pitié lorsque l’on se rend compte que les scénaristes la détestent encore plus que nous et lui font subir tous les outrages possibles.
Sinon, un autre élément qui m’a marqué dans SEED, c’est sa laideur. Le problème vient principalement du chara-design abject de Hisashi Hirai, qui complété avec le manque flagrant de finition rend des bouillies de visages assez repoussantes. L’animation des robots s’en sort mieux mais est percluse de stock-shots criards qui relèvent de la feignantise la plus totale, en particulier lorsqu’ils sont aussi fréquents même dans la Special Edition quoi justement censée être un remontage. On notera également des effets spéciaux simplistes et une tentative d’utilisation de 3D pour les vaisseaux qui contribuent à rendre l’ensemble indigne, surtout pour une série censée être la plus coûteuse de son époque.
Malgré tout ceci, est-ce que je conseillerais Gundam SEED ? Je dirais oui si comme moi vous avez déjà vu pas mal de choses et que vous êtes désormais plus intéressés par découvrir l’origine des modes et courants qui ont traversé l’animation japonaise, que par les animes eux-mêmes. La Special Edition est d’ailleurs toute indiquée par le gain de temps considérable qu’elle procure sans altérer les caractéristiques principales de la série. Pour les autres, néophytes et sceptiques, autant directement attaquer l’original Mobile Suit Gundam. Parce que la modernité c’est bien, mais réviser ses classiques ne fait pas de mal non plus.
Comment ? SEED Destiny ? On y viendra… Peut-être.