Après une conclusion mitigée mais une popularité certaine et internationale, Iron-Blooded Orphans (IBO) revient avec une seconde saison qui relate la suite et la fin des aventures de Tekkadan, les mercenaires de l’espace. Pour aller vite je ne reviendrai pas en détail sur les acquis de la première saison réalisée par Tatsuyuki Nagai et écrite par Mari Okada, dont vous avez de toute façon déjà lu la critique.
Cette seconde saison débute quelques mois après la fin de la précédente, alors que le monde est secoué par les exploits de Tekkadan sur Terre. Le groupe de mercenaires juvéniles est parvenu à tenir en échec ses rivaux de Gjallahorn, ce qui remet en cause l’autorité de cette police autoproclamée de l’espace et provoque une vague de terrorisme dans le système solaire. Les dangers se multiplient, ce qui paradoxalement fait les affaires de Tekkadan qui devient une organisation de plus en plus riche et large sur Mars, leur planète d’origine. Mais les ambitions de son leader Orga Itsuka ne s’arrêtent pas là, lui qui ne souhaite plus seulement régner par la force mais aussi par le respect sur toute la planète rouge. Cette ambition le placera bien vite au centre d’une série d’intrigues politiques avec pour enjeu le contrôle du système solaire tout entier.
De manière générale, la seconde saison de IBO pourrait être qualifiée de miroir de la première. C’est exactement la même chose, mais en inversé. La première saison voyait les héros de Tekkadan briser leurs chaînes et tracer leur chemin envers et contre tous, pour finir par l’emporter par la seule force de leur détermination (et une bonne dose de plot armor). La seconde saison est identique, mais dans le sens contraire : Tekkadan démarre dans une position de force, et ne cessera de se voir infliger des déconvenues au point de terminer la série dans une situation pratiquement désespérée.
C’est pour cela que si j’avais qualifié la première saison d’anime de mecha pragmatique, je qualifierais celle-ci d’anime de mecha tragique. Le mot « tragédie » a pour origine le théâtre antique grec, dans lequel les personnages sont prisonniers d’un destin qui les mène inévitablement à leur perte quels que soient leurs efforts. C’est exactement le cas dans cette série où l’ambition d’Orga - son hubris - le mène inexorablement à sa propre perte ainsi qu’à celle de ces amis.
L’autre principale inspiration de la série, plus évidente, est celle des récits de mafieux et en particulier les films de yakuza. La première saison introduisait déjà cet élément mais n’en faisait pas grand-chose, trop concentrée sur le parcours initiatique de ses héros. La seconde saison est beaucoup plus explicite sur le sujet, avec des emprunts directs au genre tels que les scènes d’exécution sommaire, les trahisons, et encore une fois l’aspect tragique qui ressort de ce genre d’histoire où des jeunes ambitieux mais sans éducation ni scrupules se retrouvent dans une spirale autodestructrice. Les épisodes directement liés aux intrigues mafieuses (épisodes 14 à 17) constituent selon moi le meilleur moment de l’anime et un exemple de ce que pourrait être un mélange entre série de mecha et film de yakuza.
Du point de vue plus formel, IBO 2 adresse certains reproches qui avaient été fait à la première saison en incorporant plus d’action et moins de parlote. En particulier, le personnage encombrant de Kudelia a été éjecté du script pour le plus grand bonheur des spectateurs. Les soldats de Tekkadan parviennent tous à prendre la lumière à un moment où un autre, notamment Mikazuki dont la dégradation mentale et physique au cours de la série renforce l’aspect tragique du récit. Du côté de Gjallahorn, les bouffons incompétents de la première saison laissent place à des rivaux bien plus coriaces, en particulier Rustal Elion qui s’avère être un des méchants les plus impitoyables et charismatiques que j’ai vu dans ce genre de série depuis longtemps. On ne peut pas en dire autant de McGillis Fareed, la troisième force en présence dans ce jeu de trônes spatial. McGillis était un de mes personnages préférés dans la première saison, sa manière insidieuse et sournoise de lutter contre Gjallahorn de l’intérieur contrastant avec la révolte brutale de Tekkadan. Au cours de la deuxième saison le scénario finira par le ranger lui aussi du côté de la violence, ce qui ne sied pas à son personnage et lui fait perdre beaucoup d’intérêt à mon grand regret.
La réalisation accompagne ce changement de ton et d’échelle avec une meilleure animation, une meilleure cinématographie, et globalement une meilleure structuration de la série avec des arcs qui se suivent sans baisse de rythme comme on a pu en voir avec la saison un. Le mecha-design reste une des principales forces de la série, avec des robots plus beaux, plus forts et plus sexy qu’auparavant – même si cette esthétisation des mechas fait perdre le côté grounded de la première saison. Masami Obari et les animateurs de Sunrise réussissent, malgré des moyens limités, à conserver ce qui fait le sel de l’animation traditionnelle de robots géants, un savoir-faire plus que jamais précieux en ces temps troubles où les CG s’imposent partout. Rien que pour ça, IBO constituera une pièce de choix dans l’histoire du genre, peut-être un des derniers exemples de séries de mecha grand public en 2D à l’ancienne.
En combinant tout son parcours depuis le premier épisode de la première saison jusqu’au dernier épisode de la seconde, IBO arrive à se hisser un peu plus haut que le somme de ses parties. Une série de mecha qui incorpore les codes du genre tout en suivant ses propres inspirations, qui se conforme à son statut d’anime familial tout en délivrant un récit violent et dénué de sentimentalisme. Mais surtout, une véritable tragédie sociale déguisée en dessin animé de robot géant, une des additions les plus intéressantes au genre depuis au moins une décennie.