Nous connaissons tous le dicton : « Les voyages forment la jeunesse.». La formule existe au Japon (可愛い子には旅をさせよ) et peut-être connaissez vous l’adorable émission télévisée ‘Comme les grands’ (はじめてのおつかい) où des jeunes enfants sont envoyés par leurs parents pour l’une ou l’autre course. Avec l’anime Haha wo tazunete sanzenri, c’est un peu la même chose sauf qu’au lieu de charger son rejeton de faire des emplettes dans le patelin, nous suivons ici le jeune Marco Rossi, qui va voyager seul jusqu’à l’autre bout du monde, d’Italie jusqu’en Argentine, dans une aventure palpitante afin de retrouver sa mère.
Haha wo tazunete sanzenri se trouve être le World Masterpiece Theater de 1976, le deuxième d’Isao Takahata, et continue la tradition d’adapter des oeuvres de littérature occidentale. Cette fois-ci, c’est 'Le livre-coeur' (Edmondo De Amicis, 1886) qui a été choisi, ou plus particulièrement un récit annexe inclus dans l’un de ses chapitres. Comme son prédécesseur Inu no Flanders, cette intrigue ne sert que comme idée de départ, et il revient à l’équipe de Takahata, et du studio Nippon Animation, de remplir 52 épisodes à partir de cette fondation.
Pour y arriver, Isao Takahata, comme toujours accompagné de Hayao Miyazaki, mais aussi Yoichi Kotabe et Takamura Mukuo (dessinateur de fonds, ici directeur artistique, qui s'était déjà illustré sur Ashita no Joe notamment), voyagent en Europe et en Amérique du Sud pour s’inspirer du cadre local, mais aussi de leur histoire, puisque le récit se déroule à la fin du 19e siècle. Comme on pouvait s’y attendre, le réalisme qui en résulte enrichit considérablement l’oeuvre, quand nous découvrons au fil de l’histoire les charmantes venelles d’une ancienne Gênes, à la population désoeuvrée alors que l’industrialisation prend tout son élan au sein du Vieux continent, puis la pampa et les gauchos du Nouveau monde, synonyme d’avenir plus fortuné. Le résultat est que même si la narration se trouve centrée sur la quête de Marco et ses tribulations, Haha wo tazunete sanzenri dresse aussi le portrait émouvant d'une humanité plus large, d’un monde cruel, et de tournants du destin plus heureux.
Dans ce cadre authentique plein de vie, Marco va durant son long parcours faire la connaissance de nombreux personnages particulièrement mémorables qui vont l'épauler, et ce pour notre plus grand plaisir. Ceux qui connaissent la série penseront bien sûr à son amie Fionna, et la troupe Peppino, mais je pourrais citer bien d’autres acteurs mineurs comme le cuistot ou le vieux Federico du bateau d’immigration, qui participent à des épisodes touchants, exaltants même (épisodes 18, 20, 40). En dehors des humains, une petite appréciation particulière aussi pour Amedeo, singe mignon et amusant, qui ne surjoue pas son rôle de mascotte.
Haha wo tazunete sanzenri n’est pas seulement un excellent anime d’aventure et de drama, c’est aussi une oeuvre qui se démarque de la formule habituelle des WMT ; pas complètement mais suffisamment. Fini le générique enfantin dans le style habituel de ses prédécesseurs, adieu la narratrice qui guide l’audience moins âgé durant les épisodes. Cet anime embrasse une approche plus moderne, et plus fine je dirais, qui s’avère plus plaisante pour le public plus âgé. Cela se confirme aussi avec la personnalité moins lisse, moins ‘parfaite’, de Marco, qui a ses humeurs.
L’anime garde tout de même beaucoup de ressemblances avec ses aînés, à commencer par la solidité de sa production. On retrouve aussi un rythme lent et méthodique (l’ellipse au début de l’épisode 17 en est d’autant plus bizarre). Comme pour Heidi, il faut bien attendre l’épisode 15 pour que l’aventure, avec un grand A, ne commence. Attention cela dit, car même s’il est peut-être un poil trop long, le premier arc d’introduction a beaucoup de charmes et d’intérêt. En revanche, après un milieu de série en montagne de russe qui nous tient en haleine sans peine (les épisodes 18-36 notamment), la dernière poignée d’épisodes est un peu décevante, et j’ai eu la nette sensation que l’anime arrivait à bout de souffle, épuisé par toutes les émotions accumulées jusque là.
Après toutes les péripéties endurées, le jeune Marco sort grandit de son expérience, une aventure humaine qui laisse aussi au spectateur un souvenir durable. Haha wo tazunete sanzenri n’est certainement pas parfait mais a toute la carrure d'un classique, en plus de marquer, selon moi, une nouvelle phase d'évolution dans la formule des World Masterpiece Theater.