GoHands est un studio apparu en 2008 à la suite d’une scission du studio Satelight, et qui s’est fait remarquer depuis dix ans par des productions d’un style bien spécifique. Mardock Scramble, K, Coppelion partagent ainsi cette direction artistique bien particulière avec un chara-design élaboré à partir de magazines de mode, une mise en scène qui s’agite dans tous les sens et surtout ces filtres numériques étranges qui recouvrent l’écran de couleurs fluo bizarres qui laissent penser que le mec responsable de l’étalonnage fume des vapeurs de substances cannabinoïdes pendant le travail.
La raison des choix artistiques de GoHands est assez simple. En forçant certains gimmicks visuels outranciers dans leur animes, ils deviennent reconnaissables parmi les autres, ce qui permet de se faire remarquer plus facilement dans une industrie saturée. C’est la même technique qui est utilisée par Shaft, Kyoto Animation ou Trigger : leurs animes se ressemblent tous et le nom du studio devient l’argument de vente principal, les gens vont voir les animes de KyoAni parce que ça ressemble à du KyoAni. D’ailleurs les animes de GoHands sont presque tous réalisés par le même monsieur, un certain Shingo Suzuki, dont le nom est associé à son studio de la même manière que Akiyuki Shinbo est associé à Shaft par exemple. Une tactique marketing connue, mais le souci avec GoHands c’est que contrairement aux studios susmentionnés leur stratégie ne marche pas vraiment parce que tout le monde s’en bat la race de leurs animes. Aucune de leurs productions n’a eu de réel succès critique ou commercial et au bout de dix ans, ça commence à faire long. Cela dit quand on se penche sur les animes en question, on commence à comprendre pourquoi.
L’action de Hand Shakers se déroule à Osaka, qui est d’ailleurs la ville où GoHands a ses locaux IRL. Le jeune Takatsuki Tazuna est un gamin passionné de mécanique, et qui gagne de l’argent en réparant des appareils divers. Un jour il est convoqué à l’université pour un boulot, où il trouve par hasard la chambre de Koyori, une fille plongée dans le coma. Lorsqu’il lui touche la main, il se passe des choses surnaturelles que je vais pas chercher à expliquer mais en gros l’idée c’est que Koyori doit tenir la main de Tazuna sinon elle meurt, et que en échange Tazuna il a des pouvoirs magiques du genre invoquer une épée géante et sauter au-dessus des bâtiments et tout ça. Et ces pouvoirs ils servent à quoi ? Bah en fait Tazuna et Koyori c’est pas les seuls avec des pouvoirs, il y a d’autres Hand Shakers comme eux qui se baladent en ville et ils se cherchent pour s’entretuer. Et le dernier duo à survivre a le droit de rencontrer Dieu (!!!) et de lui demander d’exaucer n’importe lequel de leur souhaits.
Si vous avez l’impression que ce script n’est pas très original, c’est parce qu’il ne l’est effectivement pas. On retrouve dès le départ le cliché le plus fréquent de la japanime à savoir le protagoniste lycéen ordinaire et un peu geek (le public cible de l’anime) qui rencontre une fille timide mais mignonne qui tombe instantanément amoureuse de lui (le fantasme du public cible de l’anime). Ensuite on a cette histoire de pouvoirs magiques qui permettent au gars d’utiliser la fille pour invoquer une épée géante ce qui rappelle l’affreux Guilty Crown, et quand une série de 2017 va s’inspirer d’un navet de 2011 tel que Guilty Crown c’est vraiment très mal parti. C’est comme si au lieu de simplement sortir de la cuvette la merde que je venais de chier, j’allais en bagnole jusqu’à la station d’épuration pour aller chercher la merde que j’ai chié il y a une semaine et qui entre temps s’est dissoute et mélangée avec toutes les autres merdes du département. La suite à base de duos qui s’affrontent dans la ville pour que le dernier survivant s’empare de la récompense c’est l’habituel plagiat de Fate/Zero on commence à piger le truc maintenant.
La série est donc un ramassis de lieux communs mais ce n’est pas ça le problème, c’est que ce sont des lieux communs pourris. Des clichés tels que celui de la fille qui se donne corps et âme (littéralement) pour offrir au protagoniste un énorme symbole phallique c’est juste une manière de caresser le public dans le sens du poil, c’est de la complaisance et c’est donc mauvais. Et puis surtout, à part ça il n’y a RIEN d’autre à regarder. L’intégralité de la série tourne autour des rencontres entre les différents duos de Hand Shakers et leurs combats, il n’y a pas de rebondissements ou de twist, c’est juste une galerie de personnages qui apparaissent puis disparaissent sans rien apporter de nouveau à cet univers en carton mouillé.
Les personnages constituent donc le principal intérêt de la série mais là encore c’est compliqué. Il y a six duos de Hand Shakers en incluant le duo principal, et chacun doit représenter une sorte d’archétype de couple excentrique. Par exemple le tout premier duo qu’affronte Tazuna c’est un genre de couple sado-maso avec le mec qui pratique le bondage sur sa copine ou je sais pas quoi. Plus loin c’est un frère et une sœur qui s’aiment beaucoup. Encore un peu plus loin c’est une idol avec son producteur qui est évidemment un type en surpoids complètement taré. En bref un catalogue de clichés sortis tout droit des conventions de doujins et qui ne provoque à aucun moment un quelconque intérêt tant rien de ce qui est raconté n’a la moindre once de sérieux, on nage dans le stéréotype et le fantasme complètement divorcé de la réalité.
Les très rares idées que la série peut avoir se réduisent à pas grand-chose, puisque rien n’est vraiment exploité ni approfondi. Par exemple je vous ai expliqué plus haut que les Hand Shakers s’entretuaient pour obtenir la possibilité de rencontrer Dieu ; sauf qu’en fait c’est pas vraiment des combats à mort, ils se tapent dessus avec des superpouvoirs mais à la fin quand l’adversaire est suffisamment amoché il déclare forfait et c’est bon. Pareillement je vous ai dit que si Koyori lâche la main de Tazuna elle meurt, ce qui est un concept intéressant qui peut amener à des situations tendues. Sauf que dès l’épisode 2 on t’explique que finalement elle peut lui lâcher la main, c’est juste qu’elle va perdre progressivement son énergie et mourir "peut-être". Aucune idée n’est menée jusqu’au bout, on se contente de balancer des concepts mais dès qu’il s’agit de les retranscrire concrètement dans le scénario on trouve des moyens pour contourner les difficultés et servir le script le plus plat et banal qui soit.
C’est réellement compliqué de lutter contre le sommeil en regardant cette série, mais heureusement les visuels nous tiennent éveillés grâce à un agression violente et continue de la rétine du spectateur. Les CG dégueulent de partout, les décors sont des photos de Osaka à peine retouchées et par-dessus tout cela vous avez ces filtres de couleurs qui donnent l’impression que Mon Petit Poney a vomi ses arcs-en-ciel sur l’écran. Toutefois, je dois être honnête avec moi-même ; cette direction artistique est d’un goût très douteux mais elle a parfois de la gueule. L’épée géante composée d’engrenages d’horlogerie qui tournent et avec laquelle le héros se déplace en la faisant « rouler » sur le sol, c’est la classe quand même. Pareil pour le chara-design et l’animation, ça pue le fric de partout cette série.
Du coup face à un anime comme celui-ci je me pose une seule et unique question. Hand Shakers est clairement un anime qui a bénéficié de moyens ; les CG ça coûte cher, l’animation est plutôt compétente, et il s’agit d’une création originale du studio qui n’a donc pas eu le soutien d’une licence populaire. La question est donc : d’où vient l’argent ? Qui paye pour ce genre d’animes ? J’ai vérifié et Hand Shakers a fait un flop commercial, comme la plupart des production GoHands, et je n’ai vu personne en parler à part pour en dire du mal. Et pourtant non seulement le studio continue de produire ses animes comme ils veulent, mais en plus il ont sorti une suite à Hand Shakers appelée W’z qui vient d’être diffusée. Les mecs ils s’en foutent complètement, ils sont assis sur un tas de pognon d’origine inexpliquée qu’ils dépensent libéralement dans la production de séries médiocres que personne ne regarde ; et rien que ça c’est déjà fascinant, bien plus que les œuvres en elles-mêmes.