Hirune Hime est le dernier long-métrage de Keniji Kamiyama, autrefois bien connu dans le monde des séries d’animation avec GitS SAC ou Higashi no Eden notamment. Depuis lors Kamiyama a tenté de percer dans le cinéma d’animation, avec le soutien de Production IG qui comme d’autres cherche à profiter du vide laissé par Ghibli pour pousser son influence. Le premier essai de Kamiyama dans sa nouvelle carrière de cinéaste fut le nullissime Re:Cyborg 009, dont le script prétentieux était servi par une animation numérique immonde. Pour cette nouvelle tentative l’ancienne star de Prod IG repose les pieds à terre avec un film axé grand public, et dont la présence au staff d’artistes étrangers (dont un français au storyboard) témoigne des ambitions internationales.
Coconne Morikawa est une jeune fille dont le père tient un atelier de réparation. Un jour, le papa de Coconne est arrêté par la police pour de mystérieuses raisons. Heureusement, Coconne peut compter sur l’aide de la communauté de leur patelin perdu de la cambrousse japonaise pour retrouver son papa. Elle se lance dans un périple à travers tout le pays pour l’aider, ce qui va la mener à percer le secret de sa famille, parce que oui il y a un secret de famille.
Parallèlement, Coconne fait un rêve étrange où elle est la princesse magicienne d’un royaume magique qui est attaqué par un monstre dangereux. Son rêve semble avoir une influence dans la réalité… Enfin pas vraiment… Enfin si peut-être.
L’importance des liens familiaux, la technologie face aux traditions, l’irruption du fantastique dans le réel… Autant de sujets qui rappellent le cinéma de Mamoru Hosoda, dont Kamiyama n’a pas fait que pomper les thèmes puisqu’il lui emprunte également son esthétique superflat rehaussée d’effets numériques en tous genres. Une recette qui fonctionne, sauf que je ne suis personnellement pas très client des films de Hosoda, que je trouve niais et moches ; et Hirune Hime n’est qu’un finalement qu’un succédané de Hosoda, un ersatz d’un ersatz.
On ne peut pourtant pas dire que le film lésine sur les moyens, en particulier au niveau technique. L’animation est dirigée par le vétéran Kazuchika Kise (GitS Arise), le mecha-design par Shigeto Koyama (Darling in the Franxx) et mention spéciale à la musique de Yoko Shimomura qui semble provenir des chutes de FFXV et Kingdom Hearts. Tout cela rend un film agréable à regarder et à écouter, malgré le doublage assez irritant de l’héroïne Coconne qui porte bien son nom et qui ne la boucle jamais.
Le problème se situe évidemment au niveau du scénario, qui n’est déjà pas particulièrement bien écrit à la base, et auquel on superpose cette histoire de rêve qui n’apporte rien. Cela ne fait que rallonger la durée du film qui avoisine les deux heures, soit une bonne demi-heure de trop par rapport à ce que le récit propose au point que vers la fin je passais carrément les scènes en mode c’est bon on a compris quoi. Au rayon des incohérences, toute l’intrigue repose sur le fait que la mère de Coconne a inventé un programme d’IA pour construire des voitures autonomes. C’est ce programme que recherchent les méchants durant tout le film. Sauf que la maman de Coconne est décédée alors qu’elle était bébé, il y a au moins quinze ans. Cela signifie que les meilleurs ingénieurs de la plus grosse société automobile du Japon ont été incapables de reproduire un programme créé par une meuf toute seule il y a quinze ans et sont obligés de mettre la main sur une copie physique du code source pour l’utiliser ? C’est le McGuffin le plus stupide que j’ai vu depuis longtemps.
De manière générale le film prétend s’adresser au grand public mais il tombe dans le piège qui consiste à traiter les gosses comme des demeurés et à jeter à bas toute nuance. Coconne est censée être en dernière année de lycée mais elle se comporte comme une fillette de CM1, moi les lycéennes que je connais elles fument des bangs et prennent la pilule, c’est pas des enfants. Pareil du côté des antagonistes, vous avez vu le méchant avec ses yeux de méchant et son sourire de méchant ? Et ben devinez quoi, il est méchant ! D’ailleurs à la fin du film quand il disparaît ça fait un bruitage de toilettes dont on tire la chasse d’eau… Tellement subtil que t’en chiales, Isao Takahata a bien fait de mourir pour laisser la place à de tels génies.
Lorsque j’ai rencontré Kenji Kamiyama lors de la dernière Japan Expo le monsieur me paraissait avoir une haute estime de lui-même, et il est vrai que son œuvre est parcourue d’une certaine forme de suffisance à l’égard du public. Avec Hirune Hime, Kamiyama a la prétention de défier Hosoda, Shinkai et les autres sur leurs propres terrains ; un match de seconds couteaux de l’animation japonaise dont l’issue, quelle qu’elle soit, n’intéresse pas grand-monde.