Hôrô Musuko : Gender Bender
Dans la case NoitaminA de l’hiver 2011, concourraient Fractale et Hôrô Musuko. Deux animes qui se sont positionnées différemment vis-à-vis de la communauté : Fractale a voulu entretenir un buzz autour de lui là où Hôrô Musuko s’est fait bien plus discret. Finalement, Fractale a globalement déçu et Hôrô Musuko a agréablement surpris.
Mais dans un cas comme dans l’autre, on a affaire à des animes plutôt jolis, mais un peu creux.
Joli, car Hôrô Musuko est indéniablement beau. Comparé au manga qui est franchement pauvre, l’anime est détaillé, propre, maîtrisé. Le style de type « aquarelle » est très plaisant et est soutenu par une animation sans faille. Tout l’anime semble se dérouler à travers un filtre qui adoucit les couleurs et donne une atmosphère calme, éthérée à l’ensemble. Le chara-design est à cette image, très lisse, avec des reflets qui donnent parfois l’impression de suivre des figurines de plastique.
On comprend en voyant Hôrô Musuko pourquoi il a attisé la jalousie de Y. Yamamoto. Car comparé à Fractale, la série de A1 Pictures possède une véritable identité visuelle. L’aspect musical est lui anecdotique mais il faut citer l’excellence du couple OP/ED, notamment le générique du début.
Creux, car si l’histoire de Hôrô Musuko démarre sur quelque chose d’intéressant – l’identité sexuelle des adolescents pubères, on se retrouve finalement avec un propos en demi-mesure, qui ne se mouille pas vraiment, ce qui contraste avec la puissance subversive des thèmes abordés.
Cela commence lorsque l’on apprend que Hôrô Musuko est l’adaptation d’un manga de Mme Takako Shimura, Wandering Son, manga encore en cours de publication. L’adaptation ne commence d’ailleurs pas dès le départ : l’anime en reprend que les tomes cinq à dix, en douze épisodes.
Ce bricolage se ressent directement au visionnage ; on a l’impression de prendre le train en marche. Personnellement j’ai été très incommodé au début de la série, puisque les personnages sont déjà positionnés les uns par rapport aux autres sans que le spectateur n’en soit nullement informé : il doit reconstituer le puzzle narratif lui-même, ce qui rend les premiers épisodes inconfortables et inutilement complexes (un simple flash-back aurait suffit).
Concernant donc l’histoire et le propos, il s’agit de suivre la vie scolaire et privée d’une bande de collégiens. Le plus, c’est que certains d’entre eux se posent des questions sur leur sexualité. On vous fait comprendre que Nitori veut être une fille et que Takatsuki préfèrerait être un garçon…
Ouais, OK.
Car l’anime ne va pas beaucoup plus loin que ça. Oui, Nitori s’habille en fille ; oui, Takatsuki se coupe les chevaux à la garçonne ; et ensuite ?
Pourquoi s’interrogent-ils sur leur genre, d’abord ? Quelle est l’explication ? La raison ? Quand cela a-t-il commencé ? Qu’est-ce qui a poussé Nitori a franchir le pas ? Silence radio.
Car le problème d’Hôrô Musuko, c’est que l’on voit les conséquences, mais pas les causes. On voit que les personnages se travestissent mais on ne sait pas pourquoi. On voit que ça dure depuis un moment mais on sait ni pourquoi ni comment cela a commencé. En fait, Hôrô Musuko tient pour acquis quelque chose qui ne va pas de soi – le transsexualisme. Le sujet est passionnant, propice à une vraie réflexion et à un cheminement psychologique des personnages. Mais Hôrô Musuko ne se préoccupe que des aspects de forme ; le cross-dressing, les coupes de cheveux, la voix… l’apparence. Oui, Hôrô Musuko est un anime superficiel. Il n’entre pas dans le fond des choses et cela contraste formidablement avec l’ambiance posée et le thème choisi qui se prêtaient à quelque chose d’infiniment plus mature.
Les personnages sont à l’image de leur chara-design : lisses. On ne sent pas en eux la tension, la passion qui devrait ressortir de leur questionnement intérieur. Je crois que Nitori n’a haussé la voix qu’une seule fois durant tout l’anime. Pourtant ce personnage est censé être en plein désordre intérieur, entre sa volonté d’être une fille (ou plutôt sa volonté que les autres le voient comme une fille) et les changements de son corps qui l’emmènent à devenir un homme. Sans compter que ce personnage se fait plaquer par sa(ses) petite(s) amie(s) et qu’à un certain moment il devient la risée de l’école. Bref, un personnage principal trop calme, trop plat, par rapport à ce que l’on est censé deviner de lui.
Je passe sur les autres personnages qui pour l’essentiel sont des faire-valoir. Surtout, ils n’évoluent pas. On quitte les personnages dans le même état dans lesquels on les a trouvé. Par exemple, Takatsuki finit par se couper les cheveux alors qu’elle les avait laissé pousser au long de la série, ce qui montre bien le retour en arrière de ce personnage qui en est au même point à la fin qu’au début. Certains sortent néanmoins du lot comme Sarashina dont le caractère déluré et anticonformiste apportent un peu de vigueur dans cet anime décidément trop mou.
Hôrô Musuko est à l’image d’une vitrine, d’une façade. La devanture est magnifique, et laisse espérer quelque chose de formidable à l’intérieur. Sauf que lorsqu’on entre, c’est aussi fade et ordinaire que les autres magasins. Peut-être ne suis-je pas le client idéal mais je me refuse à ce que l’on qualifie de mature un anime qui finalement ne va pas plus loin que son pitch.
L’excellente direction artistique et la qualité générale du visuel rendent Hôrô Musuko très agréable à suivre, mais c’est bien tout ce que l’on en retient. Cet anime commence de nulle part et ne débouche sur rien. C’était une tranche de vie, certes, et c’était très bon. Mais j’aurais préféré le gâteau en entier.
Les plus
- Direction artistique superbe
- On s'attache vite à certains persos
Les moins
- Il ne se passe pas grand-chose
- Le thème du transsexualisme est trop superficiellement abordé
- Adaptation partielle d'un manga pas terminé = pas de fin