KAGAMI NO KOJO — La vérité sort de la bouche des animes

» Critique de l'anime Kagami no Kojō par Deluxe Fan le
01 Octobre 2023
Kagami no Kojō - Screenshot #1

Le harcèlement scolaire est un sujet de société qui préoccupe le Japon depuis de nombreuses années, et qui malheureusement commence également à faire parler ici en France avec une multiplication de faits divers dramatiques. La fiction a le devoir de s’emparer du sujet, mais l’animation japonaise est rarement à même d’aborder des questions aussi sérieuses sauf lorsqu’elle se décide à se prendre elle-même au sérieux.

Kagami no Kôjo (Le Château Solitaire dans le Miroir) est le dernier film de Keiichi Hara, réalisateur connu pour Un Été avec Coo et Colorful, en particulier ce dernier qui abordait déjà des sujets lourds. Ces dernières années Hara s’est égaré dans des productions qui se voulaient plus grand public mais qui ne correspondaient pas au style de ce réalisateur manifestement plus intéressé par la description des névroses de la jeunesse de son pays que par les contes de princesses. Pour ce nouveau film Keiichi Hara change de studio (les deux précédents étaient produits au sein du groupe IG Prod tandis que celui-ci est produit chez A-1 Pictures) et adapte un roman à succès dont les thématiques sont plus en phase avec la sensibilité du cinéaste.

Kagami no Kojō - Screenshot #2Kokoro Anzai est une jeune collégienne qui depuis le début de l’année ne va plus à l’école. Elle passe ses journées dans sa chambre à attendre le retour de ses parents du travail. Un jour, un passage magique s’ouvre dans le miroir de sa chambre. En le traversant elle se retrouve dans un château isolé dans l’océan et est confrontée à un enfant avec une tête de loup. Cette dernière lui explique que Kokoro a été choisie pour participer à un jeu ; dans le château se trouve une salle qui renferme le pouvoir d’exaucer n’importe quel souhait, et la clé est cachée quelque part. Kokoro peut entrer dans le château tous les jours depuis le miroir, mais elle doit en repartir avant 17h. De plus, le château disparaîtra au bout d’un an. Mais surtout, Kokoro ne sera pas seule à chercher la salle au trésor ; six autres enfants comme elle ont été convoqués au château…

Le film aborde donc un sujet bien précis qui est l’absentéisme scolaire, un phénomène que les japonais appellent « futoko » et qui toucherait plus de 160.000 jeunes au Japon selon des chiffres récents. Les causes de cet absentéisme sont variées, mais elles procèdent en général d’un trouble anxieux chez l’enfant qui peut être causé par des problèmes familiaux ou sociaux, avec le harcèlement scolaire comme coupable privilégié.

Kagami no Kojō - Screenshot #3La grande qualité de ce film tient en ce qu’il traite la question sans tomber le voyeurisme ou la moralisation. Certaines séquences de violence physique ou psychologique peuvent être dures à regarder, mais on n’aura pas de grands éclats mélodramatiques avec les personnages qui s’apitoient sur leur sort. Surtout, le rôle des adultes est correctement mis en avant ; la famille de Kokoro, plutôt que de lui rejeter la faute et de la blâmer, cherche à l’accompagner avec bienveillance. Le film montre les « free schools », des établissements parascolaires que les enfants peuvent fréquenter pour suivre des cours délivrés par des éducateurs spécialement formés ; et l’incompétence des profs et du monde enseignant est dûment souligné.

Le scénario suit principalement Kokoro mais les autres enfants ont leur propre histoire et apportent chacun un point de vue sur le sujet. J’ai bien aimé la manière avec laquelle les différentes histoires se révèlent petit à petit et par bribes, et le twist final concernant les enfants est bien pensé même si on le voit venir dès la moitié du film sans difficulté. Globalement le développement des personnages est beaucoup plus intéressant que la « chasse au trésor » ; d’ailleurs pendant l’essentiel du métrage les personnages eux-mêmes ignorent complètement cet aspect, ils viennent dans le château non pas tant pour réaliser leur souhait que pour se retrouver entre enfants qui se ressemblent et qui traversent une épreuve difficile. C’est le propos central du film ; l’entraide, l’empathie et la compréhension mutuelle des enfants valent mieux que les études et autres méthodes psychothérapeutiques inventées par les adultes pour se donner l’illusion qu’ils sont capables de résoudre le problème.

Comme on peut s’y attendre de la part d’un film de Keiichi Hara, la réalisation est sobre pour ne pas dire minimaliste. Les décors sont d’une froideur clinique, le monde réel semble d’ailleurs plus vivant et coloré que le château censé être fantastique. La mise en scène est très descriptive et l’animation rigide ; seul le soin apporté au chara-design permet de déceler qu’on est au cinéma. Cela dit, cette cinématographie dépouillée caractéristique du réalisateur permet de se concentrer sur le fond, ce qui n’est pas forcément plus mal.

Honnêtement je n’attendais pas grand-chose de ce film après les deux dernières propositions médiocres de Keiichi Hara, mais ce Kagami no Kojo m’a agréablement surpris. Le sujet est d’actualité, sérieusement traité au travers de personnages attachants. Certes l’intrigue principale est assez superficielle et style ne propose pas grand-chose de visuellement stimulant, mais c’est un film à conseiller pour ceux qui voudraient un discours valable sur ce fait de société de moins en moins anodin.

Verdict :7/10
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A propos de l'auteur

Deluxe Fan, inscrit depuis le 20/08/2010.
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