KAGUYA-SAMA WA KOKUSARETAI — En amour comme en anime, tous les coups sont permis

» Critique de l'anime Kaguya-sama : Love is War (TV 3) par Deluxe Fan le
31 Août 2022
Kaguya-sama : Love is War (TV 3) - Screenshot #1

Il ne fait pas de doute que la comédie romantique a le vent en poupe ces derniers temps, et que le genre se partage le gâteau avec l’isekai et le shônen de baston comme une des catégories les plus surreprésentées du moment. Souvent lorsqu’un genre commence à prendre trop de place et risque de saturer sa propre niche, on voit surgir des séries qui tentent de se hisser au-dessus de la mêlée pour aller fédérer au-delà des aficionados. En l’espèce, il est clair que Kaguya-sama wa Kokusaretai a pris une avance considérable sur la concurrence, ce qui mérite qu’on s’y penche de manière un peu plus analytique. Note : le présent commentaire concerne l’intégralité des trois saisons de la série télé.

Kaguya-sama est au départ un manga de Aka Akasaka, prépublié dans le Young Jump et avec à ce jour plus de 26 volumes au compteur. L’histoire se déroule à l’Académie Shuchiin, une école ultra-sélective et réservée aux enfants des plus hautes familles de Tokyo. Au sommet de la hiérarchie des élèves se trouve Kaguya Shinomiya, fille d’un patron de zaibatsu tellement riche qu’il serait l’homme le plus puissant du pays. En deuxième année de lycée, Kaguya est vice-présidente du conseil des élèves et fait la rencontre de Miyuki Shirogane, président élu par ses pairs et également en deuxième année. Contrairement à elle, Miyuki est issu d’une famille pauvre et a intégré l’Académie Shuchiin via recommandation grâce à ses excellents résultats scolaires.

Kaguya-sama : Love is War (TV 3) - Screenshot #2Au fil du temps les deux jeunes gens se trouvent inexorablement attirés l’un vers l’autre, mais comme tous les deux sont des petites boules de fierté, ils sont incapables d’exprimer leurs sentiments et sont forcés d’utiliser toutes sortes de stratagèmes pour pousser l’autre à se déclarer le premier. S’en suivent trente-six épisodes de je t’aime moi non plus…

Avant de parler des qualités propres à la série, c’est intéressant de la replacer dans son contexte et ses influences. Outre la dynamique romantique et humoristique de ces personnages qui cherchent à se manipuler l’un l’autre et qui tournent autour du pot pendant trois saisons, l’autre aspect sur lequel joue l’anime c’est cette opposition entre le mec pauvre qui habite un vieux trois pièces en banlieue et doit partager sa chambre avec sa sœur alors qu’il a 17 ans, et la fille qui habite un gigantesque manoir et vient à l’école accompagnée de son personnel particulier. Cette manière d’additionner un conflit amoureux et un conflit de classe sociale est un motif récurrent dans la comédie romantique japonaise. Quelqu’un a remarqué que dans Komi-San wa Komyusho le protagoniste habite en HLM alors que Komi réside en pavillon ? Pareil dans le film Cider no Yô dont on a discuté la semaine dernière, ou encore Kakkô no Iinazuke qui parle exactement de la même chose ; cela fait partie de la grammaire du genre.

Kaguya-sama : Love is War (TV 3) - Screenshot #3Mais lorsqu’il s’agit de comprendre d’où vient ce cliché, il faut remonter un peu dans le temps et faire un pas de côté dans les catégories. Une série très célèbre dans les années 2000, Ouran Host Club, racontait l’histoire d’une jeune fille pauvre et qui se retrouve dans le lycée le plus bourgeois du pays grâce à ses résultats scolaires. Autre série moins connue mais assez influente à son époque, Special A racontait l’histoire d’une héroïne issue d’un milieu modeste et qui intègre une école de bourges pour suivre son rival qui est le mec le plus riche du bahut. Si on remonte encore dans le temps on peut même retrouver dans Kare Kano cette idée de la fille qui affiche une image modèle en public mais qui est rattrapée par son origine sociale. Tout cela pour dire que Kaguya-sama est finalement l’héritier de toutes ces comédies romantiques d’autrefois, et reprend mot à mot leurs motifs et leurs clichés. La différence fondamentale, c’est que les séries que je viens de citer sont des adaptations de shôjo manga, tandis que Kaguya-sama est publié dans le Young Jump qui catégorisé plus près du shônen manga (c’est pour cela qu’ici c’est le garçon qui est "pauvre" et va progresser dans l’échelle sociale tandis que dans le shôjo c’est plutôt la fille qui a ce rôle). C’est peut-être cela qui explique la progressive disparition du shôjo dans l’animation japonaise ; vu que ses codes et ses thèmes ont été pompés par le shônen ainsi que d’autres formats tels que les light novels, la particularité du shôjo, sa spécificité a été diluée et ne lui permet plus de ressortir facilement. Et pour revenir à Kaguya-sama, c’est un héritage que la série assume complètement, preuve dans l’épisode 7 de la saison 2 qui est un de mes moments préférés parce que justement il joue avec ces codes très particuliers.

Kaguya-sama : Love is War (TV 3) - Screenshot #4Concernant la série en elle-même, la raison de sa grande efficacité comique vient de sa réalisation. Pas d’un point de vue budget ou sakuga (encore que) mais du fait que la réalisation mobilise tous les éléments audiovisuels à sa disposition pour appuyer l’humour. Le chara-design, l’animation, les décors, les transitions, les effets visuels, le texte, les doublages, la narration, la musique, les bruitages, la mise en scène de manière générale est complètement et totalement vouée à l’objectif drôlatique, au point où l’anime peut même se permettre parfois de briser le quatrième mur, ce qui montre à quel point il est confiant dans son esthétique. J’ai été très surpris d’apprendre que le réalisateur des trois saisons n’est autre que Mamoru Hatakeyama, qui avait réalisé l’excellentissime Showa Genroku Rakugo Shinjû, un des meilleurs animes que j’ai jamais vu, et qui lui aussi mobilisait tous les moyens possibles pour appuyer ses effets comiques et tragiques. Faire rire (ou pleurer) ce n’est pas donné à tous, derrière les grands animes il y a de grands artistes.

Au départ la série est essentiellement une suite de gags, à partir de la deuxième saison ça s’oriente vers une narration plus élaborée avec du développement de personnage. Outre Shinomiya et Shirogane, le personnage le plus intéressant est celui de Ishigami, le geek tendance incel dont l’histoire traite de choses étonnamment dures pour une série qui n’a pas vocation à raconter quoi que ce soit de sérieux. L’auteur du manga a déclaré que Ishigami est le second héros de son histoire, et au bout de la troisième saison on peut presque dire qu’il vole la vedette au duo principal. D’ailleurs à la fin de cette saison on peut estimer que le puzzle est plus ou moins résolu concernant les personnages, et même si une suite intervient les trois saisons actuellement disponibles se suffisent à elles-mêmes et offrent déjà largement de quoi passer de très bons moments.

Dans cet encombrement actuel de comédies romantiques, Kaguya-sama wa Kokusaretai est une série qui a de quoi mettre tout le monde d’accord. Moins difficile d’accès qu’un Komi-san, moins gênant qu’un Nagatoro, moins racoleur qu’un Dress-up Darling, elle propose un humour piquant, une bonne dose de sentiments et le petit aspect social/dramatique qui élève l’ensemble pour en faire un classique instantané du genre.

Verdict :8/10
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A propos de l'auteur

Deluxe Fan, inscrit depuis le 20/08/2010.
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