KASEI YAKYOKU — Splendeur et Tremblements

» Critique de l'anime Kasei Yakyoku par Deluxe Fan le
07 Février 2020
Kasei Yakyoku - Screenshot #1

Tu veux voir un shônen récent avec une animation de ouf, des pouvoirs dans tous les sens, de l’action de l’aventure de la comédie et des combats épiques ? Bon bah désolé mais c’est pas pour aujourd’hui, en fait je dirais même que l’anime qui va nous intéresser ici est le plus éloigné possible de tes centres d’intérêts car on est sur de l’OAV josei des années 80. Après si tu veux rester ça me dérange pas, et puis avec de la chance tu pourrais même te découvrir un nouvel hobby, on sait jamais.

Kasei Yakyoku (que l’on pourrait vaguement traduire par "Splendeur Nocturne") est donc un OAV de quatre épisodes adapté d’un manga josei de Makiko Hirata, lequel n’a jamais été traduit ; cet anime de 1989 constitue donc notre seul contact avec cette œuvre. Parmi les quatre grandes catégories éditoriales du manga (shônen, seinen, shôjo, josei) les adaptations de josei sont relativement rares, surtout pour cette époque où le public de l’animation japonaise était très jeune et très masculin. Ce n’est que récemment que l’on a vu arriver de plus en plus d’animes pour femmes, que ce soit à la télévision ou au cinéma, parce que le public lui-même a beaucoup vieilli et s’est énormément féminisé depuis quelques années. Toutefois dans les années 80 la japanime restait encore principalement une histoire de nerds barbus, et les animes pour femmes il fallait fouiller pour les trouver.

Kasei Yakyoku - Screenshot #2Le récit se déroule à Tokyo en 1923. Une époque de grands changements dans la société japonaise qui se modernise rapidement et commence à adopter des mœurs étrangères à la tradition établie. C’est notamment le cas en ce qui concerne Akiko Hashô, héritière d’une famille aristocratique de la ville. L’année de ses vingt ans, elle est promise en mariage à Saionji, fils d’un riche banquier. Influencée par le féminisme occidental, Akiko refuse ce mariage arrangé qu’elle va jusqu’à qualifier de « trafic d’êtres humains ». Akiko n’a qu’une seule amie, sa servante Sara Uchida qui a le même âge qu’elle. Sara est issue des quartiers pauvres et rêve d’intégrer la haute société, mais sa condition sociale l’oblige à rester dans l’ombre de sa maîtresse. Akiko au contraire envie sa domestique qui mène sa vie libre des contraintes familiales.

Les deux jeunes femmes vont faire la rencontre fortuite de Taka, chef d’un clan yakuza local. Un individu dangereux et sans scrupules qui collectionne les femmes comme des trophées. Akiko est complètement fascinée par cet homme, et n’hésitera pas à se mettre en danger pour se rapprocher de lui, au grand dam de Sara qui ne veut pas voir sa maîtresse évoluer dans ce monde interlope…

Kasei Yakyoku - Screenshot #3Si je parle d’anime pour femmes c’est parce que Kasei Yakyoku n’est pas tout à fait dans la même tonalité que les adaptations de shôjos que l’on pouvait trouver vers cette époque. La romance est certes un aspect essentiel de l’histoire, mais il s’agirait plutôt ici de passion amoureuse. Les deux héroïnes sont complètement obnubilées par cet homme, et n’hésiteront pas à tout plaquer et à se mettre en danger dans l’espoir de se rapprocher de lui. Les sentiments ne sont pas susurrés à voix basse, ils surgissent dans de grands éclats mélodramatiques. Il y a de la colère, de la violence et du sexe, c’est pas un anime pour les petites filles bien éduquées.

Un autre point important de cet anime est l’aspect historique et social. En vérité une telle histoire aurait pu se dérouler à n’importe quelle époque, c’est un triangle amoureux très banal. En revanche le choix de placer le récit en 1923 rend le tout très intéressant. C’est une période de profonds changements pour le Japon qui entre à marche forcée dans la modernité. Les traditions ancestrales laissent la place à des nouvelles habitudes – ce que l’anime montre très bien visuellement avec le personnage de Akiko, bourgeoise moderne, qui est toujours habillée à l’occidentale alors que sa domestique Sara est presque toujours habillée avec un kimono traditionnel. Ironiquement le seul moment où Akiko porte le kimono c’est le jour de son mariage, c’est-à-dire le moment où elle décide de respecter la tradition qui lui est imposée.

Kasei Yakyoku - Screenshot #4Par ailleurs ceux qui connaissent un peu l’histoire du Japon, ou qui ont vu le film Le Vent se Lève de Hayao Miyazaki, savent ce qui s’est passé à Tokyo en 1923. Kasei Yakyoku traite évidemment de cet évènement qui sert de pivot dramatique central à la série, et pour le coup moi qui suit au courant j’étais assez tendu en voyant le truc arriver, parce que j’étais attaché aux personnages et je savais que des choses graves allaient se passer. Quand la grande Histoire rejoint la petite histoire pour créer de l’émotion, c’est que tu as réussi en tant que scénario, et Kasei Yakyoku passe le test avec brio.

Pour un OAV de 1989, on ne peut pas dire que Kasei Yakyoku soit un anime très impressionnant techniquement. Quand on compare à ce qui pouvait se faire de mieux à l’époque, genre les OAV de chez Madhouse ou chez Sunrise, Kasei Yakyoku fait pâle figure ; la postérité n’a pas été tendre également puisque les deux premiers épisodes n’existent qu’en VHS et les deux derniers en laser disc, il n’y a jamais eu de version DVD et encore moins de remaster blu-ray. Toutefois, l’anime a du style à revendre, et pas n’importe lequel puisque le réalisateur n’est autre que Osamu Dezaki, un des plus célèbres réalisateurs de l’animation japonaise. Connu pour ses nombreuses adaptations de mangas à succès (Ashita no Joe, Lady Oscar, Cobra, Rémi Sans Famille...), il est resté dans les mémoires pour son style distinctif et notamment l’usage des fameux harmony cels qui font encore autorité aujourd’hui. Ce n’est pas fréquent qu’un homme puisse autant marquer son art au point qu’une technique d’animation lui soit directement associée même trente ans plus tard, c’est la marque du génie. A ce titre Kasei Yakyoku c’est du Dezaki pur jus, donc si vous voulez un exemple typique de son travail c’est parfait.

Le récit des quatre OAV ne couvre qu’une partie du manga, et l’histoire se termine sans réellement résoudre l’intrigue ; et sachant que le manga n’a jamais été traduit on ne connaîtra peut-être jamais la fin. Normalement ce genre de choses aurait tendance à m’embêter mais ici cela ne me dérange pas. En quatre épisodes l’anime raconte déjà énormément de choses et le dernier épisode laisse imaginer des pistes de résolution, sans vraiment dire ce qu’il en est. De toute façon il est peut-être mieux que l’on ne connaisse jamais la conclusion, puisque quelle que soit l’époque les histoires d’amour finissent mal en général. 7,5/10

Verdict :8/10
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A propos de l'auteur

Deluxe Fan, inscrit depuis le 20/08/2010.
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