Kimetsu no Yaiba Mugen Ressha est le film d’animation qui fait suite à la série télé Les Rôdeurs de la Nuit, elle-même adaptée du manga Demon Slayer de Koyoharu Gotoge. Trois titres différents pour une même licence, vous pouvez remercier la base de données d’Anime-Kun, tout est fait pour vous embrouiller, il n’y a pas de quoi.
Le film est sorti au Japon en octobre 2020, et a rapidement battu des records au box-office. Comme bien d’autres et d’autant plus en cette période de crise, le film aurait dû se retrouver rapidement sur les services de streaming pour sa distribution internationale, mais c’était sans compter sur la gourmandise des producteurs qui insistaient pour sortir le film en salles partout dans le monde afin de capitaliser sur la hype et maximiser les profits. Malheureusement pour eux, le 27 avril 2021, une version du film a été lâchée par erreur sur le Playstation Store américain alors que le film vient de démarrer en salles aux États-Unis. Quelques heures plus tard, le fichier se retrouve sur les sites de peer-to-peer et encore quelques heures après, comme par hasard, Deluxe poste sa critique. L’ironie de l’affaire est que Playstation appartient à la firme Sony, laquelle détient également Aniplex qui est le producteur de l’anime Kimetsu no Yaiba. Quand des corporations détiennent des œuvres en otage des mois durant pour essorer jusqu’à la dernière goutte de profit, je n’ai pas beaucoup de scrupules à leur rendre la monnaie de leur pièce, ou plutôt, à ne pas leur verser de monnaie du tout.
Le récit fait directement suite aux évènements relatés dans la série télé de 2019, si vous imaginez pouvoir débarquer dans cet univers dans l’avoir vue inutile de poursuivre. C’est bon, vous l’avez vue ? On peut continuer alors. On suit donc Tanjirô, Nezuko, Zenitsu et Inosuke alors qu’ils embarquent dans un train faisant la liaison entre Tokyo et Mugen, lequel train est réputé pour être un repaire de démons. Parmi les voyageurs se trouve Kyojuro Rengoku, chasseur de démons de rang Hashira et Pilier du Feu, autrement dit un des plus puissants capitaines de la Soul Society. Sa technique à l’épée ne sera pas de trop pour affronter les terrifiantes menaces qui se cachent dans le Mugen Train, le seul train au monde encore plus dangereux que RER B à partir de 22h00…
Les qualités qui avaient fait la popularité de Kimetsu no Yaiba sont toujours présentes et même accentuées dans le long-métrage. Des personnages attachants, pétris de bons sentiments à commencer par notre bûcheron favori Tanjiro ; de l’humour, de l’action, un peu de drame aussi et du nekketsu lorsqu’il s’agit des combats. Ces derniers profitent d’ailleurs de l’animation toujours aussi propre de Ufotable, avec un chara-design extrêmement soigné et des effets spéciaux remarquables. On dit parfois qu'en animation japonaise pour mesurer le budget d'une séquence il suffit de compter le nombre de frames, ici sur certaines sakuga on peut littéralement voir le pognon dégouliner.
Néanmoins, aussi agréable à l’œil ce film puisse-t-il être, on remarque aisément qu’il ne s’agit que d’un épisode de la série télé étiré et boosté aux hormones. Les images de synthèse sont omniprésentes, à un point qui frôle continuellement le mauvais goût et qui s’y plonge franchement vers le milieu du film lors d’un certain combat contre une sorte de blob violacé, ceux qui verront le film comprendront. La mise en scène ne propose pas de recherche esthétique par rapport à la série télé, le passage du petit au grand écran ne se traduit pas par un effort visible, c’est Kimetsu épisodes 27 à 30 quoi.
Le plus gênant cependant de mon point de vue, c’est que le film dure près de deux heures et qu’il s’y passe que dalle. On a un grand total de deux combats, dont un contre un adversaire qui sort de nulle part aux trois-quarts du film, le reste étant accaparé par des discours habituels de shônen sur l’amitié et la détermination. Les personnages principaux terminent l’arc dans une situation globalement similaire à celle dans laquelle ils étaient en arrivant, seul Tanjiro a acquis un indice sur l’endroit où trouver une information qu’il recherchait et qui n’a d’ailleurs aucune importance dans le récit en lui-même. On se moquait souvent des films Naruto ou One Piece qui proposaient des histoires annexes sans rapport avec la trame principale, mais au moins ces films avaient un début-milieu-fin et racontaient quelque chose. Ici avec Mugen Train il n’y a pas de tentative cinématographique, c’est la saison 1.5 de la série télé sauf que là on te demande douze euros pour la voir au cinéma plutôt que sur ton compte Wakanim que tu paies déjà.
On peut se réjouir qu’une adaptation de shônen se hisse au panthéon du cinéma d’animation japonais, milieu sclérosé depuis des années par des cinéastes qui tournent en rond autour des mêmes thèmes et des mêmes styles. Toutefois, le succès ne rend pas ce Mugen Train plus brillant qu’il ne l’est, à savoir une adaptation correcte d’un arc moyen perdu au milieu d’un manga quelconque du Weekly Shônen Jump. Je suis désormais encore plus impatient de voir quelle sera la réponse de Mappa avec le film Jujutsu Kaisen, qui sera une préquelle à sa série, et avec un potentiel bien supérieur. 5,5/10