Le 6 août 1945, l'armée américaine lâche une bombe d'un genre nouveau sur la ville japonaise d'Hiroshima. Voilà ce que l'Histoire dit de cet évènement avec toute la froideur des faits. Mais comment l'horreur atomique a-t-elle été vécue par les premières victimes du bombardement ? Cela, une encyclopédie ne nous le dit pas. Tout l'intérêt de ce film est justement de dépeindre l'horreur atomique du point de vue des victimes.
Je ne critique pas souvent d’œuvres courtes parce que j'ai tendance à penser que le format limite le propos, mais dans le cas présent ce film maîtrise totalement son sujet. Je n'ai pas eu cette impression de récit accéléré que je retrouve trop souvent dans ce type de format. Il faut dire que le sujet est assez rare à ma connaissance : traiter du premier bombardement atomique de l'Histoire en étudiant ses conséquences sur les populations, ça n'est pas très commun. Cette spécificité en fait à mes yeux une oeuvre que je n'oublierais pas de sitôt.
Le film est très bien structuré. On pourrait diviser l'organisation du récit en trois moments forts : le bonheur des temps heureux, le cauchemar atomique et la survie. Chaque moment a son propre message et une réelle utilité dans le récit. En particulier, j'ai bien aimé le fait que l'histoire prenne le temps de présenter les personnages. On a ainsi le temps de s'attacher à eux, et cela ne rend que plus réaliste cette impression d'anéantissement absolu qui caractérise le deuxième temps du film. Bien qu'ils vivent dans la misère la plus noire, la famille de Gen était malgré tout heureuse. C'est ce bonheur qui est définitivement perdu avec le largage de la bombe.
Le deuxième moment du récit est sans doute celui qui m'a le plus marqué dans la mesure où il traite avec un réalisme vraiment audacieux les effets secondaires de l'arme atomique : les radiations. Si deux cent mille personnes meurent sur le coup, le film montre bien que le véritable enfer atomique se situe après le choc initial. Grâce à un traitement graphique volontairement gore, on se rend pleinement compte de la souffrance qu'ont dû endurer les populations irradiées pendant des années. On ressent en même temps que Gen le malaise de voir tous ces pauvres gens mourir lentement dans d'atroces souffrances.
Quant au troisième moment du récit, je dois dire qu'il m'a moins marqué que les deux précédents mais il n'est pas pour autant dénué d'intérêt. La dernière partie du film cherche avant tout à montrer la détresse des survivants : la problématique centrale pour Gen est alors de chercher de la nourriture pour aider sa mère et sa soeur à survivre. La fin est tragique, mais ne m'a pas autant choqué que le déchaînement du feu nucléaire. Je dirais qu'on finit par s'accoutumer à l'enfer à force de le côtoyer dans ce film. Quand on regarde Gen d'Hiroshima, il ne faut pas s'attendre à rire. La démarche est bien plus documentaire que narrative, aussi ais-je vu le film plus comme un passionné d'Histoire que comme un passionné de japanimation.
Je ne vais pas m'étendre davantage. Je dirais simplement ceci : ce film doit être vu par tous les amateurs d'Histoire ainsi que ceux intéressés par le thème de la survie. Comment continuer à vivre lorsque tout ce que l'on a connu et aimé a été détruit ? Au fond, tout le propos de Gen d'Hiroshima est là. Je le redis : d'habitude, je déteste les formats aussi courts, mais cette oeuvre fait clairement exception du fait de sa structure parfaitement maîtrisée et de cette approche documentaire qui fait tout l'intérêt de ce film. En une heure et demi, tout ce qu'il faut savoir sur l'enfer atomique est concentré avec une violence crue. Il le fallait bien si l'on voulait ne serait-ce qu'approcher ce qu'a été la journée du 6 août 1945 pour Gen et ses compatriotes. Le contrat est donc parfaitement rempli.