Le long voyage de Porphy est mon second anime signé Nippon Animation. Il fait partie de la collection des World Masterpiece Theater dont l'objectif a été depuis plus de trente ans d'adapter en séries d'animation de grandes oeuvres de la littérature occidentale. Dans ce cas précis, l'oeuvre adaptée est Les Orphelins de Simitra de Paul-Jacques Bonzon. Comme beaucoup des séries estampillées WMT, on est en présence d'un format long au scénario résolument grand public.
Je résume rapidement le scénario : deux enfants grecs vivent dans le village de Simitra dans les années 1950. Porphy, passionné de mécanique, et Mina, passionnée d'art dramatique, semblent vivre dans un véritable paradis sur terre. Ils sont entourés de parents aimants et d'amis nombreux. Bref, on pourrait dire que leur monde s'apparente à celui des bisounours. Tout change lorsque leur village est rasé intégralement par un séisme : les deux héros perdent leurs deux parents et, très rapidement, Porphy se voit séparé de sa soeur pour des raisons que je ne révèlerais pas ici.
On est en présence d'un scénario très bien construit qui m'a beaucoup rappelé la structure binaire de Kemono no Souja Erin : le début est naïf voire même niais, mais ce n'est qu'un prétexte pour que le spectateur s'attache aux personnages et soit du coup d'autant plus affecté par le drame que vivent Porphy et sa soeur. Je dois dire que ça marche très bien. Les thèmes du voyage, de l'apprentissage, et de la solitude sont au centre de l'oeuvre. On est donc en présence d'un récit initiatique comme il y en a des légions dans la japanimation, mais la trame de fond - retrouver cette pauvre Mina qui en vit décidément des vertes et des pas mûres - est tellement accrocheuse que je n'ai tout simplement pas réussi à lâcher cette série.
Inutile de se mentir : certains arcs m'ont passablement ennuyé malgré le fait que je sois conscient avec le recul qu'ils ont tout à fait leur place dans l'histoire. Tandis que l'on passe des épisodes entiers à voir Porphy régler les problèmes des gens qu'il rencontre dans son voyage, le développement des aventures de Mina en revanche m'a vraiment paru insuffisant. On se tape des épisodes entiers sans la voir, ce qui est vraiment frustrant dans la mesure où le parcours de Mina est bien plus intéressant sur le plan psychologique que celui de Porphy. Le thème du deuil et du traumatisme est bien mieux traité chez elle que chez un frère qui a l'air de se remettre sans la moindre difficulté de l'effondrement de l'univers dans lequel il a grandi. Bref, le développement des deux héros est inégal et c'est à mes yeux un réel défaut : on met en valeur le moins intéressant des deux. Je n'en disconviens pas : mon affection démesurée pour les héroïnes ne doit pas être étrangère à cette vision des choses, mais c'est un point qui m'a déçu.
Je dois dire un mot sur la réalisation de la série. J'ai rarement vu un anime aussi soigné en termes de direction artistique. Sur une cinquantaine d'épisodes, Porphy et Mina traversent la Grèce, l'Italie et la France. Ce qui est impressionnant, c'est qu'au fur et à mesure qu'ils changent de lieu les décors changent également de nature afin de respecter les spécificités de chaque pays. Le niveau de détail est également très élevé et fait de la série un véritable régal pour les yeux. J'aurais même envie de dire qu'en termes de décors, cet anime de 2008 surpasse de loin bien d'autres œuvres sorties ultérieurement. Si vous aimez admirer de beaux panoramas, cet anime est clairement pour vous.
Dans l'ensemble, Le long voyage de Porphy est une très belle oeuvre. Le principal défaut réside dans un choix de narration qui ne développe pas assez la vie de Mina, mais c'est avant tout un avis personnel. Si vous aimez les tranches de vie et le style contemplatif, vous pouvez tout à fait penser différemment. Je dirais qu'il y a deux façons d'apprécier cette série : soit on est bercé par ce beau voyage à travers l'Europe, soit on s'est attaché à cette fratrie et c'est avant tout la trame de fond qui nous intéresse. Si vous êtes comme moi, attendez-vous à ne voir rien avancer à ce niveau pendant de nombreux épisodes. Mais l'attente est vraiment récompensée : les moments émouvants sont aussi rares qu'ils sont forts - étonnamment, il s'agit toujours de ceux où intervient Mina - et m'ont bien marqué. Et puis, avec le recul je trouve ça beau l'histoire d'un frère qui est prêt à faire mille kilomètres pour retrouver sa sœur. L'amour entre frères et sœurs n'a pas beaucoup été traité dans les animes que j'ai vus jusqu'ici, donc ça fait vraiment du bien.
J'ai vraiment du mal à noter cette série. D'un côté, j'y vois de réels défauts mais de l'autre en sont-ils vraiment ? Après tout, la raison d'être d'un voyage c'est aussi de faire des rencontres. Je pense que le mieux à faire est de valoriser une perle aussi honteusement méconnue, et mettre un 7 pour une série qui est malgré tout très solide sur le long terme bien qu'elle puisse ennuyer par moments. Et puis, moi les personnages à la Cosette, ça me fait toujours sortir la boîte de mouchoirs. L'essentiel est sans doute là.