Comme je le fais pour chaque perle que je découvre, j'ai regardé ce long format - 78 épisodes tout de même - d'une traite sur quatre jours. Je dois dire que c'est une sacrée claque que je me suis reçu en pleine figure. C'est bien simple : Saiunkoku Monogatari a beau commencer gentiment comme n'importe quel shoujo, il fait vivre une histoire d'une telle densité au spectateur qu'il est difficile d'en ressortir indemne.
J'ai cité la célèbre oeuvre de dark fantasy Game of Thrones dans le titre de cette critique. La comparaison m'apparait totalement justifiée dans la mesure où Saiunkoku Monogatari, c'est avant tout une série qui traite de la politique dans toute sa complexité. Je dois bien avouer que plus que de romance, c'est avant tout de pouvoir dont il est question dans cet anime. Il est au centre de tout. De ce fait, la grande force de cette série est d'avoir mélangé le thème fort shakespearien de l'amour impossible et un traitement extrêmement réaliste du fait politique dans un contexte monarchique. En particulier, j'ai beaucoup aimé le fait que la série montre qu'être empereur n'est en rien synonyme de pouvoir absolu. Ryuki, malgré sa qualité de souverain, n'est en rien libre de mener la politique qu'il souhaite et la série le montre très bien arcs après arcs.
De même, Saiunkoku Monogatari réussit à traiter avec justesse de bien des thèmes associés à la politique. Les intrigues sont légion, comme dans toute bonne série politique qui se respecte, mais d'autres thématiques moins communes sont présentes. Je citerais en particulier la place des femmes en politique qui est au centre de la problématique de l'anime à travers la difficile transposition dans les faits du vœu pieux de Shuurei : devenir fonctionnaire de l'empire de Saiunkoku et œuvrer pour le Bien Commun. Si l'ambition de l'héroïne est noble, elle découvre bien vite tout au long de l'histoire toutes les bassesses propre à la politique avec ses guerres de clans, d'égo et son conservatisme latent qui est souvent au bord du corporatisme pur et simple. J'ai beaucoup aimé cette dimension de l'anime qui, loin d'être naïve, rend au final l'histoire racontée très humaine. Tout n'est pas rose pour Shuurei. J'ai même tendance à penser que plus l'histoire avance, plus elle a du mal à percer.
Au niveau des personnages, j'ai surtout été frappé par leur nombre et la qualité de leur construction. Malgré le fait que de nouveaux acteurs sont introduits régulièrement au fur et à mesure de l'avancement du scénario, la plupart du temps ils ont chacun une dimension qui leur est propre et que l'anime prend le temps de développer. C'est aussi cela, Saiunkoku Monogatari : des personnages marquants servis par un rythme qui sait ralentir lorsque cela est nécessaire. Entre Ryuki l'empereur perpétuellement tiraillé entre son amour pour Shuurei et son devoir d'empereur, Ensei le gouverneur roublard, le flûtiste excentrique du clan Ran (ou Lan selon les traductions) ou encore Jyusan la fort charismatique bretteuse que le même clan veut marier de force à Ryuki, le spectateur a l'embarras du choix et réussit aisément à s'attacher à chacun d'entre eux.
Contrairement à beaucoup d’œuvres où le héros est le seul personnage un tant soit peu développé et où les personnages secondaires sont vite oubliables, ce n'est pas le cas ici. Chaque personnage apporte quelque chose à l'anime : certains créent d'hilarantes scènes comiques pour détendre l'atmosphère. A titre d'exemple, je ne peux m'empêcher de mentionner en particulier le ministre des finances et l'oncle caché de Shuurei aux sentiments passablement incestueux qui m'ont fait vivre de bons moments de rigolade. D'autres au contraire ont plusieurs facettes qu'il appartient au spectateur de découvrir et qui donnent une véritable amplitude à l'univers de Saiunkoku Monogatari. Couplé à l'ambiance tantôt de cour, tantôt de guerre pure et simple qui caractérise la série, tout cela donne un anime très riche qui sort des sentiers battus pour proposer quelque chose de vraiment rafraîchissant et abouti.
Ceci étant dit, ce n'est pas vraiment étonnant dans la mesure où la série est directement issue d'une série-fleuve de 22 romans dont seulement 12 sont adaptés durant les deux saisons que comprend l'anime. Il n'est pas à douter que la maîtrise dans la narration, l'enchaînement naturel des arcs et le sentiment réel que l'on a de voir Shuurei et ses amis - comme ses ennemis - évoluer tout au long de l'histoire est directement la conséquence de ce statut d'oeuvre littéraire adaptée. On sent l'écriture d'un auteur derrière : il n'y a pas de fioriture ni de filler. Chaque épisode a un intérêt dans l'histoire et participe à la construction d'un ensemble narratif uni et structuré. Il me reste seulement un regret : avec une adaptation d'une telle qualité, pourquoi la suite de l'histoire n'a-t-elle pas été narrée par le biais d'une troisième saison ? La fin est satisfaisante, mais dans le même temps on sent bien que rien n'est fini. Le teasing du vieux Shou - excellent personnage au demeurant, comme tous les autres - dans les dernières minutes de l'épilogue n'est d'ailleurs pas pour arranger les choses à ce niveau. C'est comme si les réalisateurs avaient décidé de s'arrêter en plein milieu d'un récit dantesque au potentiel immense. Terriblement frustrant, c'est bien le seul réel reproche que je pourrais faire à la série avec le trop grand nombre d'épisodes-bilans dans la deuxième saison. Contrairement au cas de Claymore, on notera toutefois que la césure est bien choisie : on est à la fin d'un cycle. Mais cela reste regrettable.
Je vais m'en tenir là, mais je pense m'être fait assez clairement comprendre : cet anime est à voir. Je suis d'ailleurs étonné qu'il soit si peu connu au vu de la qualité de son écriture et du charisme incomparable qui se dégage des personnages. En terme de shoujo, cet anime fait un sans-faute à mes yeux. Il réussira sans difficulté à satisfaire les adeptes de romance - Shuurei se fait bien voler des baisers pas loin de sept fois après tout ! - de comédie, de drame et surtout d'intrigues politiques élaborées à donner une migraine au meilleur fan de Game of Thrones. C'est tout cela à la fois Saiunkoku Monogatari : une aventure aux multiples facettes qui vous emportera dans un univers médiéval réaliste comme peu d'animes ont su le faire jusqu'ici à ma connaissance. Après réflexion, je n'en connais d'ailleurs aucun : il y a bien certaines séries qui traitent de politique médiévale (Guin Saga ou encore Les 12 Royaumes), mais aucun ne le fait avec autant de réalisme que Saiunkoku Monogatari. Comme tout anime unique en son genre et maîtrisé de bout en bout, le 10 s'impose donc sans la moindre hésitation.