Le temps n’est pas au beau fixe pour Sunrise. Le studio qui autrefois faisait briller les yeux de tous les amateurs de gros robots tire un peu la langue depuis plusieurs années, et son dernier vrai succès dans le créneau remonte à la fin des années 2000 : c’était en 2006, avec Code Geass. Depuis ? Un ou deux Gundam pas trop ratés dans un océan d’animes médiocres, et puis de l’idol, beaucoup d’idol. Paraît qu’Aikatsu, c’est bien. Je préfère réserver mon jugement.
On se souvient encore des drames qu’avait soulevés la série. Tous ceux qui crachaient sur le character design trop anguleux, l’ecchi à tout va ou la prétention générale de la série, qui ne manquait jamais une occasion de tout rendre grandiose, quitte à prendre le spectateur pour un imbécile. Résultat, Sunrise a eu le temps de produire la série des Akito, sorte de spinoff ridicule de la franchise, et une décennie plus tard, tout le monde (ou presque) s’est mis d’accord pour reconnaître à Code Geass le rang de dernier chef d’œuvre de Sunrise.
L’occasion était parfaite. Sunrise annonce un nouveau projet, et on pense longtemps qu’il s’agit d’une saison trois. Le titre, en tout cas, est explicite : Lelouch n’est pas mort. Les dernières images de la saison deux avaient laissé planer le doute. Certains spectateurs, dont je fais partie, espéraient que c’en était fini pour de bon : car Lelouch avait fait son temps, son aventure était arrivée à un terme satisfaisant. Que demander de plus ? Mais ce serait mentir que de nier l’excitation, ou en tout cas l’intérêt, que l’annonce de ce nouveau projet a éveillé un peu partout.
Aujourd’hui, nous faisons le bilan. Il n’est pas excessivement brillant, mais ce n’est pas la catastrophe que l’on aurait pu craindre, grâce à quelques belles idées.
Tout d’abord, le Lelouch que nous découvrons au début du métrage n’a que peu à voir avec le Lelouch dont nous avons le souvenir. C’est un enfant dans un corps d’adulte, traumatisé à l’évidence, qui reste muet et panique au moindre bruit, au moindre geste brusque. Et ce Lelouch était sans doute une des meilleures idées du métrage ; mais une idée qui ne dure pas bien longtemps. Car la franchise doit retrouver son héros : et par un tour de passe-passe scénaristique, avec option entubage, Lelouch renaît de ses cendres. On avait espéré un temps que ce soit le poids des remords, de la conscience, ou quelque drame qui aurait ajouté un peu d’épaisseur au personnage ; mais non, rien de tout cela, simplement un moyen de justifier le retour d’un héros que plus personne n’attendait.
Pour la suite du scénario, c’est assez simple : vous prenez tout droit… et vous continuez. Le meilleur ami aux mains de l’ennemi ? La petite sœur en danger ? Le méchant pas si méchant ? Karen qui agite ses miches ? Lelouch qui échoue pour mieux réussir ? Le psychopathe aux cheveux blancs ? Je pourrais continuer longtemps, donc on résumera simplement en quelques mots : tout est là, et franchement un peu trop là.
Certes le spectateur avait signé pour un retour de Code Geass — c’est même dans le titre — mais il s’attendait aussi à ce que la franchise ait quelque chose à raconter. En dix ans, il y avait tout de même moyen de réfléchir un peu pour éviter de refaire la même chose.
Mais l’équipe de production n’a pas voulu faire autre chose. Sunrise a pondu un film sur le mode des deux saisons de Code Geass, tout à fait consciemment : car le but n’était pas de donner au spectateur du nouveau, mais de préparer la suite. Ce film n’est absolument rien d’autre qu’un teaser grandeur nature pour relancer Lelouch dans une nouvelle aventure aussi excitante qu’une quête fedex dans un mauvais jeu, c’est-à-dire probablement une saison trois ou une série de films à la Akito.
D’un autre côté, on peut arguer que la recette a fait ses preuves, que bien qu’il s’agisse d’une redite, elle n’a rien perdu de son efficacité. C’est en partie vrai. La musique surtout a conservé tout son effet, mais la mise en scène outrageusement grandiloquente de Taniguchi n’a, elle non plus, rien perdu de sa superbe. On a même plaisir finalement à retrouver un Lelouch très en forme, fidèle à lui-même, avec certaines scènes très bien trouvées, comme celle des retrouvailles avec Suzaku. Seul problème : c’est très, très long. Et pas très intéressant. Ce film fait au moins une demi-heure de trop, peut-être même quarante-cinq minutes. Pour un métrage d’un peu moins de deux heures, c’est beaucoup, puisque cela représente plus d’un tiers de sa durée. Et tout ce temps est partagé entre les apparitions très dispensables de tout le casting (on ne se souvenait pas qu'il était aussi important, et on se serait passé de s'en souvenir), des passages que le spectateur ne comprend absolument pas et qui sont apparemment censés attiser sa curiosité pour le projet à venir — vous comprendrez que c’est totale-ment raté — et puis des combats pas très clairs et surtout à moitié dessinés, car en dix ans, la 3D a largement eu le temps de mettre à mal l’animation traditionnelle, y compris au sein du temple du gros robot.
En somme, voici un film qui, s’il n’est pas mal fait, manque terriblement d’intérêt, et étonnamment, surtout pour qui a apprécié les deux premières saisons. C’est juste là un signe de rassemblement lancé par Sunrise, qui fait les fonds de placards pour essayer de recouvrer son prestige d’antan.
Comme on dit : « Le roi est mort ! Mais où est passé le défibrillateur ? ».