Alors Letter Bee, manga de Hiroyuki Asada que je n'ai évidemment pas lu, a eu droit à son adaptation en anime annoncée fin 2008, pour être diffusée courant 2009.
Avec Pierrot aux manettes dans cette période là, la catastrophe graphique relevait pratiquement de la prophétie auto-réalisatrice. Mais bon, laissons la médisance de côté pour le moment.
Letter Bee raconte un monde plongé dans une nuit éternelle, à peine éclairé par un soleil de fabrication artisanale et dont le gouvernement semble bien fin dans l'art de la dissimulation. Au milieu de ce contexte joyeux, se trouve le service postal. Rien de bien folichon à une subtilité près : des énormes monstres rodent un peu partout, ce qui veut dire que pour acheminer le courrier à pattes. Il faut une sacrée dose de courage...
Le protagoniste "Lag" se retrouve donc à devenir un Colissimo (oui, ils peuvent aussi livrer des humains). Et devient très vite fasciné par le postier en charge de la livraison. Oscillant dans un rapport de force étrange : tantôt compréhensif du gamin qui ne comprend rien à la situation, tantôt ferme sur le boulot qui lui a été attribué et qu'il compte bien accomplir. Il posera ainsi les bases de l'univers vues dans le paragraphe précédent, mais également quelques détails qui vont tout de suite faire le mystère et l'intérêt de l'œuvre :
Les fameux monstres dont on ne sait pratiquement rien ne peuvent êtres vaincus qu'au moyen d'une arme, le "Shindan". Qui a pour particularité d'utiliser un fragment de cœur du tireur à chaque coup. Il laisse aussi vaguement entrevoir un côté mystique façon karma sur l’existence de ces derniers.
Autant dire que le champ d’interprétation est large, et le développement futur laisse rêveur.
Et bien non... si ce n'est pas Pierrot qui s'emmêle les pinceaux au graphisme, ce sera l'auteur à la narration. On va très vite déchanter car l'oeuvre va faire un focus à la truelle sur une asymétrie entre la naïveté de Lag et la réalité plus nuancée. Toujours avec une conclusion très proche de la maxime.
Pour ne le pas le laisser seul face à son utopie qui relève plus du cauchemar, il faut évidemment un side-kick. Le reléguant ainsi toujours à la théorie. Ce sera le rôle de "Niche", une gamine aux pouvoirs imbattables dont le but est de prendre en charge les phases d'action, de sortir des remarques binaires, ou de servir à des effets comiques plus que douteux...
S'en suit une série d'épisodes très similaires, on gratouille un peu la surface d'un monde complètement aberrant, mais en se concentrant toujours sur les petits problèmes de chacun. Ça traîne en longueur, on voit bien que le héro est destiné à rebattre les cartes au niveau supérieur, mais la trame préfère se concentrer sur un découpage interchangeable teinté de relents style sitcom.
On fait aussi une jolie impasse sur le fait que certains personnages sont justes mauvais, non il faut toujours qu'il y ai une raison derrière, une seconde lecture de leur motivation : l'argent, l'amour, la gloire etc... pour renvoyer Lag à ses convictions premières et l'entretenir dans une vision bien enfantine.
Sur les personnages secondaires et récurrents, ça relève bien souvent du cliché avec supplément pour épaissir un peu. La logique derrière étant très linéaire, donc forcément prévisible...
Bref, tout ça est maîtrisé mais dans le sens le plus commun. Les prises de risque sont rares voir inexistantes, et on finit par se dire que même une monté en puissance du script n'y changera rien.
Syndrome Black Cat : même si les briques sont de qualité, quand on commence à la truelle. On termine au bulldozer.
Côté réalisation, bah... c'est énorme !
Juste la colorimétrie est épatante, les ombres portées sur les uniformes en bleu royal suffit à faire largement le café ! Mais non content de ça, le dégradé de violet en fond est sublime. La CGI est remarquable, d'une incrustation sans faille et d'un rendu plus qu'honorable (surtout pour 2009).
Le chara-design manque un peu d'âme, mais bon. Il se laisse oublier assez facilement. Et le déroulement des épisodes en voyage continu évite le cloisonnement.
On passera sur : les gros plans moyennement réussis, l'OST qui se fait aussi oublier, le bestiaire au rabais, et quelques économies par ci par là. La vraie question étant : comment Pierrot a pu sortir un rendu pareil, eux qui étaient abonnés au fauchage de blés jusqu'à pas si longtemps ?
La réponse vient probablement du fait qu'ils ont confié l'animation à une filiale, et la CGI au Studio A-Cat.
Le doublage est quant à lui correct en VF.
En résumé, Letter Bee rejoint la longue liste des œuvres prometteuses qui se sont égarées en chemin. Excepté que cette fois, la forme avait tout pour servir le fond. 5/10