Lupin the Third... Go... Go, man

» Critique de l'anime Edgar Détective Cambrioleur (TV 1) par Skidda le
26 Janvier 2022

Un demi-siècle après ses débuts, ce monument qu’est la franchise Lupin III ne montre aucun signe d’affaissement malgré la mort de son créateur, Monkey Punch, en avril 2019. Après le film 3D à succès ‘Lupin III The First’ de cette même année, l’immortel Lupin réapparaît encore en 2021 avec vigueur : au Japon suite à une nouvelle série, Part VI, ainsi qu’à travers la sortie en France du manga aux éditions Kana, en plus d’un dub anglais de la première série.

En tant qu’amateur des nouvelles moutures de la décennie 2010, ma visite dans le passé de la japanimation m’a permis de revenir à ses débuts et son premier anime, ‘Part I’. Encore avant cela, nous trouvons le manga originel de Katou Kazuhiko, alias Monkey Punch. En 1967, le magazine Weekly Manga Action souhaite attirer un lectorat plus âgé et lui demande de créer une oeuvre plus adulte, alors qu’il travaillait déjà sur la série ‘Pinky Punky’. Katou décide d’utiliser la figure d’Arsène Lupin, et lui invente un descendant fictif, Lupin III, ou ‘Lupin Sansei’, qu’il présente comme le plus grand voleur du monde moderne. Ce petit projet annexe, qui mélange comédie, action, langage crû et sexe, va connaître du succès et continuera jusqu’en 1972, puis reviendra par la suite avec de nombreuses continuations.

La réussite de Lupin III va rapidement susciter de plus grandes ambitions. En particulier, il attire le regard de la compagnie TMS qui créé, avec la collaboration de la maison de production cinéma Toho, un court-métrage pilote en 1969. La réalisation est confiée à un nouveau venu, Masaaki Oosumi, accompagné du vétéran Yasuo Otsuka, qui venait de quitter le studio Toei. Cette petite introduction sommaire de 12 minutes sur l’équipée de Lupin n’a pas beaucoup d’intérêt, et ne sortira jamais en salle faute de moyens par ailleurs, mais on retrouve quelques unes de ses séquences dans les génériques de la première série.

C’est en 1971 que débute cette dernière. La franchise est reprise par TMS, avec Oosumi comme réalisateur, et la chaîne Yomiuri TV pour son dimanche 19h30-20h00, ce qui est assez osé. En effet, l’adaptation tente de coller au manga d’origine, et les premiers épisodes possèdent un ton adulte, sans être particulièrement obscène ni violent, avec un peu de nudité en prime.

Même sans être grand connaisseur d’anciens films, il est difficile de ne pas remarquer l’influence de la pop culture rétro occidentale sur l’oeuvre de Katou, en particulier sur ses personnages. Tout droit sorti d’un vieux James Bond, Lupin apparaît comme un homme intrépide, parfois cool (la séquence de surf de l’épisode 11, excellente), libidineux, amateur de technologies et de belles mécaniques. Son partenaire Jigen quant à lui est inspiré des vieux Western, alors que Fujiko endosse le rôle de femme fatale du groupe. Au moins, les grands méchants n’ont pas d’accent étranger ridicule.

Nous suivons donc Lupin et ses comparses, faire main sur quelque butin ou déjouant l’un ou l’autre plan d’un opposant. Est-ce que la formule marche en anime ? Le résultat varie énormément d’un épisode à l’autre. Parfois, le visuel relativement agréable (l’épisode d’introduction est plutôt impressionnant pour du millésime 1973), saupoudré d’une agréable dynamique entre Lupin et Jigen, sont suffisants pour passer un moment agréable. D’autres fois, une intrigue simple et efficace, avec un zeste de twist, permet une expérience engageante (l’épisode 4 notamment). Malgré son caractère complètement épisodique, la série attire aussi l’attention en se penchant sur l’origine de Fujiko, ainsi que Goemon, le ‘samuraï’ assassin à la lame aussi destructrice que le pied de biche de Gordon Freeman. Cependant, la plupart des épisodes de la première moitié sont très brouillons, prévisibles, et un peu ridicules.

Suite au faible niveau d’audimat des premiers épisodes, et peut-être en répercussion au contenu trop ‘adulte’, Oosumi est rapidement démis de son poste de réalisateur. Le vétéran Otsuka, toujours impliqué dans le projet, recommande alors deux noms pour le remplacer : Isao Takahata et Hayao Miyazaki. En effet, Otsuka était leur senpai-mentor durant leur début de carrière chez Toei, et après avoir quitté ce dernier, ils l’avaient rejoint au studio A Production, un des principaux sous-traitants de TMS, qui avait, entre autres, travaillé sur Attack n°1 ainsi que Kyojin no Hoshi.

L’intervention de Takahata/Miyazaki concerne le chouette épisode 8, ainsi que les épisodes 13-23. Leur impact est aisément perceptible, voire brusque, lors de la deuxième moitié de la série. Elle devient alors pleinement un anime d’action-comédie qui se prend encore moins au sérieux. Lupin n’a plus d’impulsions violentes, ou lubriques, et embrasse une vraie personnalité de gentleman-cambrioleur. Fujiko de son côté a droit à un relooking et cesse d’être une traîtresse perpétuelle pour devenir une partenaire plus fiable, mais moins dominante, du groupe. L’inspecteur Zenigata quant à lui garde son rôle d’antagoniste titulaire compétent mais perd de son caractère implacable. Enfin, nous pouvons apercevoir l’entrée en scène de la Fiat 500, véhicule emblématique à en devenir de Lupin qui abandonne ici sa Mercedes-Benz SSK des débuts.

Globalement, j’ai trouvé la deuxième moitié de Lupin III plus agréable à regarder. Les histoires sont plus structurées, les storyboards plus riches donnent des séquences plaisantes à regarder malgré une qualité visuelle générale qui n’a plus celle de son introduction. La dynamique de groupe entre Lupin et ses compagnons reste, comme dans les premiers épisodes, l’aspect que j’ai le plus apprécié. Il y a un côté très fun à voir cette bande d’adultes marginaux professionnels planifier et réaliser, parfois foirer, leurs casses avec un enthousiasme aussi candide. Néanmoins, la qualité des épisodes continuent d’être fort variable, et le côté ridicule s’accentue parfois jusqu’à un niveau digne d’un ‘Batusi’. Cela dit, mes plus gros fous rires viennent de la chanson ‘Lupin Nice Guy’ et l’interprétation de Charlie Kosei. Je ne m’en lasserai jamais je crois.

L’arrivée de Takahata/Miyazaki ne sauvera pas la série de son échec commercial, et elle sera interrompue après la diffusion de son 23e épisode. Ce n’est que lors de rediffusions ultérieures que Lupin III connaître une plus grande popularité, menant à la création d’une ‘Part II’ massive de 155 épisodes.

Un début douloureux donc pour l’entrée de Lupin dans la japanimation mais le changement de direction en milieu de série ne l’empêchera pas de se créer une identité durable. Plus encore, son statut iconique va attirer différents réalisateurs et mener à des itérations très différentes : du Lupin classique, à celui de Miyazaki avec Cagliostro, puis les bizarreries de Part III, Mamo ou Babylone, en passant par le projet franco-japonais Lupin VIII avorté, ou encore le style film Noir de ‘Mine Fujiko to Iu Onna’ et sa trilogie de longs-métrages. Depuis ses balbutiements, Lupin III est un caméléon aux nombreuses couleurs, ce qui le rend d’autant plus fascinant... fascinant mais aussi souvent mitigé, ce qui est déjà le cas ici avec ‘Part I’.

Verdict :7/10
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A propos de l'auteur

Skidda, inscrit depuis le 15/07/2013.
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