Créé en 1964, soit il y a exactement cinquante ans, le studio TMS a traversé les époques grâce à deux franchises incontournables au Japon. La première est bien évidemment Lupin The Third, dont les innombrables itérations animées continuent de faire le bonheur de nombreux fans. L’autre est Détective Conan, l’adaptation du manga culte de Gosho Aoyama dont la diffusion télé squatte les tops d’audience depuis presque vingt ans.
La rencontre entre ces deux monstres sacrés de l’animation japonaise semblait une évidence ; et elle eut lieu en 2009 via un téléfilm pompeusement intitulé Lupin The Third vs. Détective Conan. Mais l’écran de télé étant semble-t-il trop petit pour contenir l’aura de ces deux mastodontes, voilà que TMS annonce la sortie en 2013 de Lupin The Thrid vs. Detective Conan : THE MOVIE.
Le film tente de nous raconter le déroulement d’une enquête dans laquelle seront impliqués la bande à Lupin et la Bande à Conan. Emilio, un chanteur italien de passage à Tokyo, fait l’objet de mystérieuses menaces. Grâce à ces réseaux habituels, Conan parvient à s’immiscer dans l’équipe d’investigation. Par ailleurs, Lupin et ses complices sont de retour au Japon et sèment le bazar dans la ville. Les deux affaires ne tarderont pas à se lier autour d’une même trame.
Étrangement, l’intrigue du long-métrage référence à plusieurs reprises le téléfilm de 2009 ; tant et si bien que la résolution de l’enquête repose complètement sur les évènements dudit téléfilm. Cela rajoute une couche d’opacité sur un récit pas spécialement intéressant ni bien raconté, et dont tout le monde se fout complètement à commencer par les personnages eux-mêmes.
En effet, quel est l’intérêt de faire rencontrer ces deux légendes de la japanime si ce n’est pas pour blinder le script de fan-service et de dialogues méta ? La trame passe vite au second plan et on se retrouve plus captivé par les interactions entre les protagonistes de ces deux licences si proches et pourtant si différentes (Lupin III tire son origine des récits pulp des années 60 et était à l’époque catégorisé comme seinen, là où Conan a toujours été un symbole du shônen manga tout public).
Parmi ces interactions, les plus notables sont celles entre Conan et Jigen, qui se répondent à coups de répliques absurdes et vaguement comiques, comme si on avait laissé les comédiens de doublage en roue libre le temps d’une scène. Plus intéressant, le duo formé par Haibara et Fujiko produit quelques dialogues méta savoureux et utilisant astucieusement le background des deux personnages.
Du point de vue visuel, on est là encore dans l’hommage et la référence, puisque la technique nous renvoie directement quelque part dans les années 80. Si la direction artistique fait preuve d’une certaine cohérence – les personnages sont dessinés avec un fort contour noir pour accentuer l’effet BD -, l’animation est très inégale avec quelques moments forts (la poursuite du début) et pas mal de moment faibles. Le chara-design des personnages de Conan part régulièrement en sucette et l’ensemble dénote un manque flagrant (voulu ?) de finition. Le choix de ne pas utiliser de CG et d’animer les véhicules et avions à la main fait plaisir mais pour le reste le film n’est pas au niveau d’une production cinéma de 2013.
La parenté entre Lupin et Conan est suffisamment évidente pour faire de ce crossover une réussite annoncée – le film a fait un score tonitruant an salles au Japon – mais en tant que fan sincère des deux franchises je ne peux que noter un certain manque d’ambition. Pourquoi ne pas confronter directement Lupin et Conan au lieu d’inclure cette stupide histoire de chanteur italien entre les deux ? Là où la franchise Lupin III a récemment su faire preuve d’inspiration pour attirer un nouveau public, la franchise Conan persiste dans la banalité. Et si Takeshi Koike réalisait le prochain film Conan ? Je donnerais volontiers un de mes organes à TMS pour voir ça...