Rappel de l’épisode précédent : Megazone 23 est un projet d’anime SF-cyberpunk sorti en OAV en 1985. Particulièrement avant-gardiste et soigné techniquement, cet anime remporte un certain succès qui ouvre l’Age d’Or de l’OAV à partir de la fin des années 80. Mais le récit raconté dans ce long-métrage ne se conclut pas, ce qui mène à la réalisation d’une suite.
Sorti un an après le premier Megazone 23, Part II reprend l’univers mais avec un ton radicalement différent. En effet, le staff autour du projet a subi un jeu de chaises musicales ; le vénérable Noboru Ishiguro laisse le poste de réalisateur à Ichirô Itano, tandis que Yasuomi Umetsu reprend le poste de chara-designer. Les deux hommes superviseront respectivement l’animation des méchas et des personnages. Avec deux telles pointures de l’animation aux manettes, on pouvait s’attendre à une qualité technique éblouissante ; c’est le cas.
Pour dire les choses simplement, Part II a cinq ans d’avance sur l’industrie en termes d’animation, peut-être même dix ans d’avance en comptant uniquement les productions télé. On aura jamais vu des méchas et des vaisseaux spatiaux aussi détaillés, les robots et effets spéciaux sont tous fais mains et impressionnent de fluidité. Les scènes de batailles spatiales, et la scène finale de destruction de Tokyo sont particulièrement mémorables.
Le détail des robots et méchas se retrouve dans le chara-design de Umetsu, qui diffère brutalement de celui de Haruhiko Mikimoto. Le réalisateur ne s’est semble-t-il pas soucié une seule seconde de la cohérence graphique entre les deux animes ; il faut donc un petit moment pour comprendre qu’on a affaire ici et ici aux même personnages, malgré les doublages identiques. D’ailleurs, niveau sonore on retrouve Shiro Sagisu à la musique dont les plus attentifs remarqueront que le style commence à prendre forme.
Le récit de part II se déroule plusieurs mois après Megazone 23, alors que le vaisseau dans lequel se trouve la fausse Tokyo est attaqué par des ennemis non identifiés. Shogo Yahagi, le jeune rebelle héros du premier épisode, fait désormais partie avec sa petite amie Yui d’un gangs de bikers activement recherché par l’armée.
Moins rythmé et dense que son prédécesseur, Part II passe la moitié du film à exposer son univers et son ambiance via de nombreuses scènes où l’on suivre les membres du gang dans leur vie quotidienne faite de jeux, de violence et de sexe. Le tout est entrecoupé de séquence de batailles spatiales particulièrement sanglantes contre des ennemis en forme de pieuvres mécaniques qui font fortement penser à un certain film sorti plus d’une décennie après (ça commence à en faire des coïncidences non ?). Anyway, il faut attendre plus d’une demi-heure pour que le scénario se mette enfin en route, nous expliquant les derniers secrets de l’univers de Megazone. Le dénouement, qui se retranche derrière pas mal de symbolique, apporte une conclusion satisfaisante même si elle a semble-t-il permis à une ultime suite de voir le jour.
On finit surtout par se demander si les évènements contés dans ce film n’auraient pas pu l’être dans le premier, qui souffrait justement d’un éparpillement de son récit alors que celui-ci est au contraire trop juste en termes d’intrigue. Cela dit, le changement de direction artistique et le travail sur l’animation justifient la pertinence du film, qui conserve son statut de production de niche en avance sur son temps.
Pour en terminer sur l’Age d’Or de l’OAV, dont on avait précédemment dessiné les contours, il se poursuivit du milieu des années 80 jusqu’à la fin des années 90. La révolution vint avec Neon Genesis Evangelion en 1995, dont le prodigieux succès permit la diffusion à la télévision de séries d’animation plus matures, recherchées et provocatrices. Le marché de l’OAV fut alors privé de sa raison d’être, et le créneau des animes pour otakus et jeunes adultes passa de l’OAV vers le late-night anime (animes diffusés tard le soir) qui font aujourd’hui les choux gras de tous les sites de japanime.
Le marché de l’OAV se transforma et devint un appendice du late-night anime dont il accueille aujourd’hui les suites et les épisodes bonus. Il n’est toutefois pas totalement mort au tournant du siècle, comme le prouvent FLCL (2000), Read or Die (2001), Animatrix (2003), Hellsing Ultimate (2006), Gundam Unicorn (2010), GiTS Arise (2013)… et le monde du hentai, accessoirement.