Parfois, lorsqu'un anime intrigue, on profite des joies d'internet et on se tape un petit "Google-image" histoire de voir un peu la gueule du truc avant d'investir 20 minutes de sa vie dans le pilote.La dernière fois que ça m'est arrivé c'était avec Mob Psycho. Et le moins qu'on puisse dire c'est que j'ai voulu en voir la couleur! Bones studio qui émerge une fois tous les 2 ans pour sortir une création potable avait besoin d'un bon booster. Les ex-employés de Sunrise l'ont finalement trouvé lorsqu'ils ont partagé avec Madhouse, le lucratif gâteau que représentent les adaptations des mangas de Yusuke Murata, l'auteur de One Punch Man.
Le moins qu'on puisse dire c'est que ce fut un bon coup de com, Mob Psycho gardé bien au chaud et qui fait son coming-out après le succès de son ainé l'année précédente, comme pour inscrire les prémices d'un genre nouveau. Enfin nouveau, disons plutôt que c'est comme Apple, habiles escrocs vendeurs de rêve, on prend ce qui existe déjà, on offre un design tout beau/joli, appuyé par une refonte de l'interface et magie magie ça donne envie!
Mob Psycho surfe ainsi sur une tendance déjà annoncée dans Kill la Kill, quelques années plus tôt. Une tendance qui crache sur les visuels plats et carrés pour remettre la stylisation du "trait" (Celui de One en l'occurrence), au premier plan. Et vas-y qu'on détoure en gras dans tous les sens, qu'on fait des gros traits comme quand on était gosse et qu'on balance des lignes hachurées à tout va!
Présenté ainsi ça a l'air péjoratif et pourtant le contraste est rendu intéressant par un style graphique naïf qui se résume à l'essentiel, à la limite du fanzine et qui donne l'impression qu'on peut faire pareil avec nos crayons de couleur... Alors qu'en fait et ba c'est loin d'être aussi facile. Autant le dire donc, c'est spécial, ça ne plaira pas à tout le monde, d'ailleurs ça fait vriller les yeux durant les premiers épisodes, comme l'impression d'essayer de focus sur l'écran de sa télé en rentrant de fiesta archi-bourré.
Cependant on finit par s'habituer et même carrément, à apprécier le caractère unique de la chose. Ne vous y trompez pas toutefois, car il y a une parfaite maitrise dans ce chaos. Les ombres et lumières sont très bien gérées, elles apportent de la matière et traduisent l'impression de volume à un graphisme particulièrement lisse. De même les couleurs sont très explicites, elles peuvent parfois sembler ternes et renforcent pourtant la morne vision du quotidien de notre héros. À l'inverse quand notre taciturne lycéen déclenche son mode Bankaï, celles-ci deviennent pop et psyché voir complètement iridescentes, illustrant parfaitement l'état de puissance mystique du jeune Mob.
Quand on en arrive la d'ailleurs, nos yeux sont régalés par une animation FX, outil plébiscité par les productions jeunes et bariolées (One Punch Man, My Hero Academia), qui nous percute de plein fouet pour notre plus grand bonheur! J'en veux pour seule preuve la fulgurante introduction de la série, similaire à la dernière séquence du premier épisode de Space Dandy, vous l'aurez compris j'étais comme un gamin fébrile qui s'émerveille devant des feux d'artifice!
Alors Mob Psycho, un anime qui n'a que de la gueule?
Loin s'en faut! L'anime trouve sa marque de fabrique dans un scénario banal et qui tend cependant vers un grotesque parfaitement maitrisé.
On sent chez l'auteur le dessein de souligner consciemment les clichés véhiculés par les Shonens pour mieux flinguer les fantasmes qui sont indubitablement liés à l'imaginaire collectif lorsque l'on parle de "super pouvoirs" ou de "super héros". Pour ce faire, One exacerbe l'aspect ordinaire du quotidien de personnages aux capacités pourtant extraordinaires et rajoute des rencontres tellement stéréotypées qu'elles en deviennent risible dans leur absurdité. Cela fait écho à la dynamique de One Punch Man, et qui mettait à l'honneur le pragmatisme extrême du héros chauve à la cape rouge. Toutefois là où Saitama nous offrait des combats ultimement Shonesque et épiques, Mob Psycho nous prend à contre-pied par l'attitude de réserve de notre héros. À un point où cela frise le ridicule, la série se réappropriant les constats pédagogiques digne des cours d'école qu'affectionnent les Shonens pour préconiser l'acceptation de soi, le dialogue et la paix.
Néanmoins cela ne veut pas dire pour autant qu'on se retrouve devant un épisode de Martin Matin et que ça déblatère tout le long façon Katanagatari. En effet le jeune Mob illustrant parfaitement l'expression "au mauvais endroit, au mauvais moment", la série propose un rythme soutenu par trois rencontres essentielles (Début,milieu,fin) qui feront office de tremplin pour faire avancer le récit et paradoxalement dévoiler un déferlement de violence, sans pour autant renier la logique de fond de l'oeuvre, plutôt habile en définitive. Voir déstabilisant en un sens mais hautement appréciable quand on a l'habitude de voir dans ce registre, d'impulsifs héros suivre un canevas évident, la quête de force (pour soi-disant protéger leurs amis! comme c'est mignon cet altruisme.), et qui après leurs monologues bateaux et assommants rentrent dans le lard à coup de supra technique du point de feu! Par conséquent la trame de Mob Psycho jusqu'à sa conclusion contribuera à déconstruire ce mythe pour bâtir une dynamique empathique vis à vis de notre protagoniste.
Tout comme son ainé, l'anime assume parfaitement ses références, d'ailleurs à ce titre Reigen, charlatan éminemment charismatique dont j'adore les tribulations et accessoirement le mentor de Mob, me semble être un hommage évident à Onizuka de GTO. Face à ce postulat, l'humour devient une constante de l'anime, il est aussi décalé que le reste jouant clairement du chara design pour appuyer des effets comiques burlesques au possible.
D'ailleurs, décalé c'est le mot le plus explicite pour définir Mob Psycho, l'anime revendique son héritage Shonen tout en apportant une vision inédite. Une vision un brin maladroite mais qui se veut résolument jeune et actuelle dans son approche, de plus la direction artistique de la série est la pour en témoigner, de l'opening jusqu'aux interludes de milieu d'anime, tout est soigné. C'est frais, décomplexé, efficace et l'anime ne nous raconte pas des salameks, le genre de divertissement dont on raffole et qui restent malheureusement trop peu nombreux. Toutefois Mob Psycho a le vent en poupe et j'ose espérer que cette envie de déconner face à la norme sera annonciatrice d'une mouvance enthousiaste pour produire des animes du même acabit dans le futur. Car après tout, rien n'est plus agaçant que de faire du surplace.