Après avoir visionné plusieurs œuvres de Yoshitoshi Abe (Haibane Renmei, Serial Experiments Lain et Niea_7), je commence à retrouver des éléments communs entre elles, une sorte de patte de l’auteur. Celui-ci aime nous plonger sans pourquoi ni comment dans une histoire en apparence banale, très proche d’un journal intime et de la description d’une vie quotidienne, si ce n’est qu’un élément fantastique y est ancré, indissociable de ce quotidien plus si banal. Ainsi Niea_7 nous mène sur les pas de Mayuko, jeune étudiante fauchée qui habite et travaille dans un vieil établissement de bains quasi déserté et au bord de la faillite. Jusque là, une scène comme il doit a priori en exister beaucoup au Japon. Sauf que dans le placard de sa chambre dort Niea, jeune extraterrestre blonde aux oreilles pointues, dont le moins qu’on puisse dire est qu’elle est à des années-lumière des « standards » de la Science-fiction concernant les aliens. En effet, Niea est dotée d’à peu près tous les défauts de l’espèce humaine : elle est entre autres goinfre, entêtée, casse-pieds, bruyante, cupide, faux jeton, malhonnête, irrespectueuse, flemmarde, sans scrupule et d’une mauvaise foi monumentale.
Tous ces personnages évoluent autour des bains d’Enohana, dans une petite ville de campagne située à proximité d’un cratère habité par des coreligionnaires de Niea (sauf qu’eux arborent en plus des antennes aussi esthétiques qu’une parabole à un balcon) ; une gigantesque soucoupe volante couchée sur le côté – le vaisseau mère (bosen) – occupant tout l’horizon. L’histoire est simplissime pour ne pas dire inexistante : Mayuko va à l’école, Niea va chercher une connerie à faire, Mayuko revient et trime aux bains, Niea trouve une nouvelle connerie à faire, Mayuko se sert la ceinture, mélancolise et râle sur Niea qui vient d’imaginer une dernière connerie à faire. Fidèle à lui-même, Abe nous construit un quotidien des plus mornes, transcendé par le fait que côtoyer des extraterrestres fausse forcément cette vie de tous les jours, laquelle y gagne une part de magie. Enfin, devrait, car il faut bien avouer – et c’est le gros défaut de cet anime – que l’ennui est lui aussi des plus quotidiens et que regarder l’épisode suivant demande un certain effort. Niea_7 s’échoue dans le Triangle des Bermudes de la narration soporifique, ce qu’avait réussi à éviter une série comme Haibane Renmei. Mais il faut dire que cette dernière série possédait deux atouts qui font malheureusement défaut à Niea_7 : le drame et une symbolique riche. Niea_7, lui, est un anime vide où il ne se passe rien pendant quasiment toute l’histoire et s’avère aussi passionnant qu’un visionnage de Derrick, l’enquête policière en moins. Seuls les 3-4 derniers épisodes voient des événements plus intéressants pointer leur nez et relever une sauce jusque là d’une fadeur sans pareille.
Heureusement, un autre aspect, qui lui est tout à fait inhabituel chez Abe, tente de transformer les bâillements en rires : l’humour, le burlesque. Niea_7 ose la parodie (les collègues de Niea sont tous plus ridicules les uns que les autres, ne serait-ce qu’avec ces antennes qui viennent tout droit des séries B de SF des années 70) et l’utilisation régulier du SD. Plusieurs personnages en tiennent une bonne couche, tant chez les humains (l’amie de Mayuko fan d’extraterrestres et de paranormal) que chez les ET maison (l’indien chef de la communauté qui profite des réunions pour faire goûter ses plats au curry) et des séquences sont réellement excellentes, voir par exemple Niea qui défonce le toit pour faire voler une soucoupe volante branchée sur secteur ou encore la version officielle selon laquelle c’est un éléphant furieux ou une poule kamikaze qui aurait fait ce fameux trou béant dans le toit.
Malgré tout, même si cet anime est émaillé de quelques bonnes trouvailles, il a vraiment du mal à passionner son spectateur et à ne pas donner la désagréable impression de pédaler dans le néant interstellaire.