Tiens donc, du shôjo, cela faisait longtemps. Peut-être que je ne regarde pas aux bons endroits ou que je ne me tiens pas suffisamment au courant, mais j’ai l’impression que le shôjo a été presque totalement éliminé des plannings saisonniers de l’animation japonaise. Et même si c’est loin d’être mon genre de prédilection, j’aime la diversité et je n’aime pas quand un genre complet disparaît dans l’indifférence générale.
Omoi, Omoware, Furi, Furare (publié chez Kana sous le titre Love, Be Loved, Leave, Be Left) est donc un manga shôjo en douze volumes écrit et illustré par Io Sakisaka, auteure connue dans le milieu en particulier depuis son précédent manga, Ao Haru Ride, qui avait eu droit à une adaptation en série télé par Production IG. FuriFura aura lui droit à un film d’animation sorti en 2020, ce qui illustre bien ce que j’expliquais au-dessus. Vous avez là une des auteures les plus célèbres du genre actuellement, dont le précédent manga a été adapté en série à succès, elle publie un nouveau manga à partir de 2015 et six ans plus tard elle doit juste se contenter d’un long-métrage, qui comme tous les longs-métrages d’animation ne va toucher qu’un petit public d’aficionados. Certes ce type de manga est souvent adapté en live-action (ce fut le cas de Ao Haru Ride et aussi de FuriFura d’ailleurs) donc le fandom n’est pas complètement abandonné, mais pour ce qui est des animes le genre shôjo est tombé en disgrâce et ne semble plus intéresser l’industrie.
Yuna est une adolescente plutôt timide qui rêve du prince charmant et s’imagine que les relations amoureuses se déroulent comme dans les contes de fées. A côté de chez elle s’installe la famille de Akari, une fille de son âge qui a un peu plus d’expérience avec les garçons et voit les choses de manière plus pragmatique. Les deux filles vont se lier d’amitié lors de leur entrée au lycée et parcourir ensemble la route de l’amour. En effet, deux jeunes hommes vont apparaître dans leur vie : Kazuomi, un ami d’enfance de Yuna, et Rio, le beau-frère de Akari…
On dit souvent que le shônen de baston est un genre très codifié dont on peut deviner à l’avance tous les ressorts, mais le shôjo romantique est un style encore plus balisé. Le lycée, le triangle amoureux, les secrets de famille, tout est là et rien ne déborde. Toutefois cela ne rend pas ce FuriFura prévisible ou ennuyeux, loin de là. Les personnages notamment sont sympathiques, les sentiments qui les animent sont sincères et on a envie des les voir réussir sur le plan personnel et relationnel. Yuna débute le film en ne sachant pas aligner trois mots et évolue pour devenir une jeune femme accomplie. Akari et Rio vivent leur adolescence au milieu d’un contexte familial compliqué. Kazu vit avec la pression de ne pas pouvoir réaliser son rêve professionnel… C’est des ados ordinaires qui vivent des soucis ordinaires, juste racontés avec ce style qui forcément enrobe le produit, mais dans le fond ça reste pertinent et intéressant.
En termes de direction artistique le film ne propose pas énormément de choses mais du point de vue de la production la qualité long-métrage se constate immédiatement. L’animation des personnages, la composition des plans, la direction du chara-design, tout concorde à un résultat propre et agréable à l’œil. Le film est produit chez A-1 Pictures et réalisé par Toshimasa Kuroyanagi, qui a fait toute sa carrière en réalisant des trucs pour gonzesses avec notamment Fune wo Amu en 2016 et plus récemment Bakuten, le machin avec des mecs en justaucorps qui font de la gymnastique rythmique. Avec ce film il ne faut pas s’attendre à un truc pour fujos cependant, on est dans du shôjo pur jus, à l’ancienne je dirais, et c’est cette pureté qui élève le film.
Si comme moi vous n’avez pas vu de shôjo depuis longtemps mais que vous n’avez pas non plus le temps de lire dix tomes de triangles amoureux qui ne mènent nulle part, FuriFura est un choix tout indiqué. En une heure quarante vous avez une histoire complète avec début-milieu-fin, des personnages qui évoluent et aboutissent à quelque chose de concret, dans un style sobre et authentique qui vous changera du mélodrame vulgaire auquel on nous a habitué. A voir donc, car si le shôjo n’a plus sa place dans l’animation japonaise, il aura toujours une petite place dans nos cœurs.