La première saison de One Punch Man, adaptée du manga de One et Yusuke Murata, fut un succès international qui mena cette licence à des hauteurs de popularité rarement atteints pour un anime récent. En effet, le public actuel de l’animation japonaise est fragmenté en une multitude de niches qui communiquent peu entre elles ; si bien qu’il est devenu rare qu’un anime puisse atteindre un public au-delà de son cercle naturel. OPM est une de ces quelques séries récentes où l’on peut légitimement dire que oui, tout le monde a vu, tout le monde connaît, pas besoin de faire les présentations.
La suite arrivera quatre ans plus tard en 2019, et reçut un accueil aussi glacial que les couilles d’un facteur groenlandais un matin de janvier par vent violent. Les nombreux fans que la première série avait réunis se sont évanouis dans la nature, probablement enlevés par les extraterrestres, car il n’y a eu personne pour défendre cette deuxième saison alors qu’elle se faisait copieusement défoncer sur les réseaux. Et quand ce fut terminé il ne resta plus qu’un grand désert d’indifférence, autrement dit le matériel idéal pour écrire une critique.
Quelques temps après avoir sauvé le monde d’une menace cataclysmique, notre chauve préféré Saitama est de retour à sa vie de héros incompris. Les choses sérieuses reprennent toutefois lorsqu’une organisation maléfique envoie subitement un grand nombre de monstres surpuissants pour affronter l’Association des Héros. Les protecteurs de l’humanité se retrouvent vite débordés par la menace et sont obligés de mobiliser toutes leurs forces, ainsi que de faire appel à des individus louches. Parmi ces derniers, un certain Garo entend profiter du chaos pour affronter les héros les plus puissants et les vaincre un par un…
Lors de la diffusion de la première saison, beaucoup des discussions autour de la série s’étaient focalisées sur la question de savoir si OPM est une parodie de shônen, une subversion des codes du genre super-héros, ou je ne sais quel machin inventé par les fans pour faire croire que leur série est plus intelligente qu’elle n’y paraît. En vérité les choses sont très simples, OPM est ce que l’on appelle une comédie, qui repose sur une seule et unique blague d’ailleurs. Et en échange du fait que le spectateur ne la prendra pas au sérieux, la comédie a pour devoir de nous faire rigoler. C’est le contrat que la première saison avait rempli, et c’est que cette deuxième saison échoue globalement à accomplir.
L’anime s’ouvre sur un épisode consacré au personnage de King, que l’on avait entraperçu dans la précédente saison. Je ne vais pas révéler le sketch, il s’agit exactement du même concept que Saitama mais en inversé. Un premier épisode très drôle et plein de bonne promesses, qui mettait dans de bonnes dispositions pour continuer. Ce n’est qu’ensuite que j’ai compris que ce premier épisode était finalement le meilleur de cette deuxième saison et que le reste ne serait qu’une longue et cruelle descente vers l’OSEF.
Tout au long de son cours, OPM 2 donne l’impression de se chercher une histoire à raconter. La série ouvre plein de pistes différentes et fait intervenir un nombre incalculable de personnages au point de sembler flancher sous son propre poids ; la menace des monstres, la quête de Garo, le tournoi d’art martiaux avec Seiryu, les histoires internes à l’Association, le retour de Sonic, Fubuki et Tatsumaki, machin, bidule, trucmuche, sachant qu’une grande partie (pour ne pas dire la totalité) de ces intrigues ne trouvent aucune résolution au bout des douze épisodes. La première saison avait une écriture très claire avec une montée en puissance dans les enjeux et se terminait sur un climax dantesque ; cette deuxième saison part dans tous les sens et ne débouche sur pas grand-chose. Le personnage de Saitama lui-même étant pas mal mis de côté, la série perd son principal pivot comique et on se retrouve à suivre les états d’âme de Garo, l’humain qui a choisi de se battre du côté des monstres. Ce personnage est plutôt cool et ses combats sont les plus badass de la saison, le problème c’est qu’il n’a rien à faire dans One Punch Man. Ce personnage aurait aurait été excellent dans Boku no Hero Academia, ou alors il aurait fallu lui consacrer son propre anime. Ici c’est juste du gâchis, son propos est intéressant mais il n’a pas de rapport avec la tonalité générale de la série.
On en vient à parler de la réalisation, et cela a son importance car le staff a changé entre les deux saisons, ce qui n’est pas fréquent car les animes cherchent en général à assurer une certaine continuité dans la production. Toutefois quand on a un écart de quatre ans entre les deux animes c’est normal que des choses changent, les mecs ils peuvent pas rester des années à rien faire en attendant qu’on leur donne le feu vert pour commencer à travailler. Exit donc le réalisateur Shingo Natsume et son équipe du studio Madhouse (et la horde d’animateurs freelance qui avait bossé sur les sakugas de OPM), la deuxième saison échoue au studio JC Staff et au réalisateur Chikara Sakurai. On va pas se mentir il y a quand même une nette descente en gamme. Je me suis rapidement refait la première saison et quand tu passes à la deuxième c’est un peu comme le mec qui va au boulot avec sa Audi A4 de fonction, et puis un jour il y a des coupes dans le budget bagnoles de la boîte alors ils te refilent une vieille Peugeot 208 d’occasion. Alors c’est bien les Peugeot 208 j’ai rien contre hein, ça fait genre proche du peuple, gilet jaune tout ça, mais bon voilà, c’est pas une honte d’être pauvre, faut juste le reconnaître et l’accepter quoi.
L’anime parvient à faire illusion lors du premier épisode avec une animation plutôt sympa et un storyboard efficace, cela ne dure toutefois pas bien longtemps et on se retrouve avec quelque chose d’assez ordinaire tout compte fait. OPM 2 n’est pas particulièrement moche par rapport au niveau global de l’animation japonaise de 2019 ; c’est juste que le niveau technique de la première saison était anormalement élevé ce qui a posé des standards inhabituels qu’un studio de deuxième voire troisième zone tel que JC Staff n’était pas capable d’atteindre. Surtout, le studio a été pénalisé par ce script foutraque dans lequel des dizaines de personnages se battent par épisode ; je pense que n’importe quel studio aurait eu du mal sur cette série et les équipes de JC Staff ont dû en baver sévère, j’ai de la pitié pour eux.
Cette deuxième saison de OPM reste un divertissement fun à regarder mais ce que la première saison avait de brillant et d’inattendu s’est largement perdu en cours de route, la série ayant fait le choix de s’étaler en largeur plutôt qu’en profondeur et ne pouvant plus se targuer d’être une démonstration technique. C’est toujours dommage qu’une licence ayant connu un tel niveau de succès se retrouve à raser le sol avec les autres animes alimentaires saisonniers, c’est cependant le prix à payer dans une industrie de l’animation où la pire des fautes ce n’est pas d’être mauvais mais d’être banal.