Décidément Erik Satie et sa "Gymnopédie n°1" n'en finissent plus de fasciner le monde de l'animation japonaise, et on ne s'en plaindra pas : la musique de ce compositeur haut en couleur des années 1900 se prête étrangement bien à l'accompagnement de certaines oeuvres animées, telles "Manie Manie" et cet "Other Worlds" réalisé avec les moyens du bord, mais de très bonne qualité.
Le ton mélancolique et très délicat de la musique accompagne parfaitement des images en noir et blanc de belles factures, les décors faisant l'objet d'un soin extrême (c'est d'ailleurs pour cela, et pour le traitement de la lumière, qu'est reconnu Shinkai). La séquence se situe dans une rame de train, ce qui permet de voir de nombreux paysages splendides, tandis que les personnages apparaissent un peu moins bien faits. Les traits que leur donne Shinkai les fait un peu ressembler à des esquisses, ce type de dessin n'est pas sans évoquer Shin Takahashi (L'arme Ultime). Toute la scène passe de séquences intimes (le couple seul dans cette rame) à de très beaux plans extérieurs, imprimant au court-métrage un rythme à la fois rapide et pourtant mélancolique, entre érotisme discret émanant de ce couple enlacé, comme hors du temps, et rapidité de ce train qui n'a aucun passager et qui passe de station en station avec une précision extrême.
Shinkai fait des prouesses pour éviter d'avoir à animer ses dessins, et il procède le plus souvent par superposition d'images fixes du plus bel effet.
Ce court-métrage constitue en fin de compte une étude de ce qui unit un couple au coeur même d'un monde désormais sans surprise, parcouru de bout en bout par les voies ferrées et les routes. Peu importe le progrès, les sentiments qui unissent les hommes n'en tiennent pas compte ; c'est du moins ce qui émane de ce joli petit clip aux airs de romance sans paroles.