Soredemo Sekai Wa Utsukushii qu'on abrégera SSWU pour des raisons évidentes, est une série d'animation adaptée d'un manga Shôjo écrit par Dai Shiina. Shôjo n'est pas le genre de terme facile à porter ; souvent mépris où incompris il subit fréquemment de forts sentiments d'appréhension. Au fil du temps son image s'est vue discréditée si bien que certains viennent même à en être effrayés. Peur de l'ennui ou du ridicule sans doute. Il faut dire qu'aborder une oeuvre de ce style n'est pas toujours chose facile. Faut-il la prendre avec un second degré très prononcé ou bien ne pas la différencier des autres productions ?
Et bien dans le cas de SSWU la question ne se pose pas vraiment. Tout en gardant les codes du genre il s'éloigne de la plupart des défauts souvent rencontrés. D'ailleurs son aspect visuel ne lui manifeste pas une appartenance particulière, il pourrait presque passer inaperçu. Presque, parce qu'il revête tout de même des traits de narration propres à ce style si particulier.
Nike est la quatrième et dernière princesse d'une principauté réputée pour son climat pluvieux. Forcée d'abandonner sa famille elle se rend à la capitale afin de subir un malheureux et traditionnel mariage arrangé. L'élu n'est autre que le souverain de l'empire, Luvius, le Roi Soleil.
La narration introduit rapidement Nike le personnage principal, tout juste arrivée à la capitale, déboussolée, elle découvre en même temps que le spectateur ce continent qui lui été jusqu'à présent inconnu. SSWU dévoile alors un univers médiéval-fantastique. Il s'attrait déjà d'un cachet particulier, une ambiance assez singulière se dégage et différencie ainsi la série d'une allure commune. Très vite, la narration distingue ses enjeux et place au centre de l'histoire, la relation entre les deux personnages. Le récit se contente de développer uniquement cet aspect là tout au long de la série. Bien sûr des événements extérieurs surgissent mais leur véritable vocation n'a pour but que de complexifier et d'enrichir cette relation. Sur une atmosphère paisible, la comédie est relativement présente et dessert sans problèmes le développement des deux acteurs ; d'autres sont également introduits mais ils ne disposent pas d'un intérêt particulier. Ephémères ou secondaires, SSWU ne leur accorde pas d'importance substantielle.
Centraliser une histoire sur uniquement deux personnages relève certainement d'un bon nombre de difficultés. Il s'avère délicat de toutes les éviter. Les principaux acteurs sont-ils suffisamment attachants et charismatiques pour porter à eux seuls la série ? Les échanges ne sont-ils pas trop récurrents ?
C'est tant de questions auxquelles SSWU se heurte. Manifestement, il ne possède pas toujours les éléments pour répondre de façon favorable. On pourrait reprocher à l'anime une certaine incohérence concernant l'évolution de ce couple. Bien qu'ils soient chacun réussis indépendamment, leur union laisse place à quelques défauts de rationalité. On omettra de les mentionner pour le moment. Consacrons nous d'abord à nos deux personnages principaux séparément.
Luvius est présenté comme un enfant, son âge exact n'est pas évoqué au cours du récit. Il est considéré par le peuple comme effrayant et est également exemplaire en tant que dirigeant. Des précisions sur son passé surgissent, elles décrivent son parcours et montrent quelles circonstances lui ont permis de devenir Roi. Il est dans l'ensemble soucieux et arrogant. Son caractère n'est pas toujours en accord avec son passé, certaines facettes de sa personnalité ne sont pas suffisamment exposées et vont jusqu'à paraître sous exploitées. Il n'en demeure pas moins original et réussi dans l'ensemble.
Nike, quant à elle, est issue d'une famille extérieure au royaume. Elle est jeune et de nature assez aventureuse. Introduite dans un univers étranger, elle revêt une apparence singulière et n'est pas en adéquation avec les habitants du royaume. Son esprit et sa manière de pensée diffèrent de celles des autres. Elle est également munie d'un pouvoir. Le pouvoir de faire tomber la pluie. Cet élément peut paraître bénin ou insignifiant mais il prend une place considérable dans le récit. Il est exploité de façon poétique et empreint par moment la série d'une dimension artistique réellement originale. Sa famille et son entourage sont décrits et interviennent dans ce que l'on pourrait appeler la dernière ligne droite scénaristique.
Finalement, on distingue ici deux acteurs bien construits, Ils sont originaux et s'accordent correctement avec l'univers proposé. SSWU manifeste pleinement une appartenance en proposant un développement bien particulier au sein de cette union. Lorsque d'autres œuvres font le choix de dépeindre l'aspect relationnel de façon réaliste, SSWU lui choisit un développement peut-être plus folklorique. Dans ce monde fantastique, la logique s'absente et laisse place à la folie, des incohérences apparaissent et démunissent la série de son dernier aspect réaliste. Je ne dis pas que ce choix de réalisation porte forcément à préjudice. Seulement il pourrait rebuter certains spectateurs et faire pencher un peu plus SSWU du côté de ces Shôjos clichés bien connus.
Visuellement la série est agréable. Beaucoup de plan différents sont proposés, SSWU accorde un intérêt à tout ce qui touche l'habillement, les costumes. De cette façon il accentue encore une fois le côté immersif de son univers.
Le pouvoir de Nike prend une place importante au sein de l'oeuvre, il en constitue même un de ses plus gros atouts. La série arrive à sublimer cet élément scénaristique assez commun en quelque chose de réellement original. Il demeure assez simple au final. Nike chante, interprète le thème principal "Tender Rain" et parvient à invoquer la pluie sur cette terre où les habitants sont familiers à un climat complètement différent. Utilisé à plusieurs reprises, il n'est pas fastidieux et réussi toujours à être marquant.
Finalement Soredemo Sekai Wa Utsukushii est une série originale sur bien des aspects. Elle se démarque avec l'utilisation récurrente d'un même élément scénaristique, exploité de façon remarquable. Elle ne parvient pas tout à fait à s'écarter de l'ensemble des clichés du genre mais arrive néanmoins à s'attribuer d'une singularité. Pour conclure, visionner SSWU c'est regarder une série tranquille et divertissante où deux acteurs évoluent au sein d'un univers fantasque mené par un style narratif particulier.