Aoyama est un petit garçon de primaire très intelligent, curieux et érudit. Un peu trop même, puisqu’il a déjà tendance à avoir des certitudes sur le monde qui l’entoure. Des certitudes qui sont ébranlées lorsqu’une colonie de manchots débarque subitement dans la banlieue résidentielle où il habite. Intrigué par cette apparition inopinée de sphénisciformes aussi loin de leur habitat naturel antarctique, Aoyama se met au travail pour résoudre le mystère, lequel pourrait être plus surnaturel qu’il n’y paraît.
Penguin Highway fait partie de ces films d’animation qui sortent sans grande fanfare dû à l’absence de licence accrocheuse ou de noms ronflants au générique. Les mieux informés gardaient un œil dessus cependant puisque le film est une adaptation d’un roman de Tomihiko Morimi, le génial auteur de Uchoten Kazoku et The Tatami Galaxy. On retrouve ainsi pas mal de son style, notamment la logorrhée verbale du protagoniste qui commente le moindre évènement en long en large et en travers avec le ton monocorde d’un automate ou encore la fascination de l’auteur pour les nichons des assistantes dentaires. La qualité est également présente, les dialogues sont clairement plus élaborés que la moyenne et le récit en lui-même est une aventure marrante où des gosses pleins de ressources sont confrontés à des forces qui les dépassent complètement. Comme souvent avec ce genre d’histoires la partie où le mystère apparaît et s’épaissit est plus stimulante que celle où il est finalement résolu par ce qui peut s’assimiler grossièrement à un « Ta gueule c’est magique » même si on peut argumenter que le principe même du fantastique c’est justement de ne pas trop rentrer dans les détails.
Le film est produit par le studio Colorido, dont il s’agit du projet le plus important à ce jour et de très loin. Ce studio a été créé il y a quelques années par un producteur désireux de monter une structure où des jeunes animateurs pourraient cultiver leur talents sans être exposés aux conditions de travail horribles et aux compromissions artistiques qui gangrènent cette industrie. Hiroyasu Ishida, le réalisateur du présent film, n’avait d’ailleurs que 30 ans au moment de sa sortie en salles ce qui est très jeune pour un réalisateur de long-métrage d’animation. Avant cela le studio s’est principalement fait connaître dans le milieu du court-métrage et de la publicité, ce qui leur a permis de développer leur technique d’animation spéciale.
En effet, Colorido s’est spécialisé dans l’animation numérique, un domaine où ils sont actuellement leaders sur le marché. Pour faire simple, la totalité de leur processus de création (du concept art jusqu’au produit final) est réalisé sur tablette numérique et traité par des outils tels que Storyboard Pro ou TVPaint. Ces outils permettent de conserver le savoir-faire des animateurs 2D traditionnels tout en incorporant les avantages de l’animation numérique, puisque les animateurs peuvent manipuler et assembler leur travail en direct. Cela rend un résultat à l’écran extrêmement propre et compétent, dans un style qui tourne autour de Ghibli, Hosoda et Shinkai, amalgamant toutes les tendances dominantes du cinéma d’animation japonais actuel. Les décors sont riches et détaillés, et l’animation en elle-même est particulièrement réussie avec notamment des effets de morphing et autres prouesses qui raviront les amateurs de sakuga. Le mise en scène est là encore de haute tenue, notamment vers la fin du film lorsque les visuels s’orientent vers le surréalisme, tu sens le travail et ça fait plaisir.
Penguin Highway est un des longs-métrages les plus aboutis techniquement de ces derniers temps, même si le style assez neutre ne le porte pas à l’échelon supérieur qu’occuperait par exemple un Yoru wa Mijikashi, autre roman de Morimi adapté en 2017 par Yuasa. Même si le récit est assez prenant et amusant pour qu’on accorde au film l’après-midi qu’impose sa durée de deux heures, et que le studio Colorido s’impose comme une des maisons les plus prometteuses de l’industrie, ce n’est pas encore tout à fait de quoi échapper au statut de sympathique anecdote.