Psycho-Pass ou la série qu’on ne présente plus. Un casting un peu tape-à-l’œil incarné par Urobuchi Gen (voir là pour le CV) et un plot a priori pas dégueu ont en effet permis à l’animé de se tailler une réputation. Ainsi la saison 1 s’était-elle à peine achevée que naissaient les controverses, comme pour toutes les séries à fort battage médiatique (ou « hypées » comme disent les jeunes branchés). Vous savez mieux que moi comment ça marche : d’un côté les fans invétérés (« c’est trop cool, lol ! »), de l’autre les experts critiques auto-proclamés (« de mon temps, on avait Evangelion, alors écrase pôv noob ! »).
Je ne trancherai pas ici le débat (notamment parce que ce n’est pas une critique de la saison 1) mais je me vois mal dégoiser sur la saison 2 sans la mettre en parallèle avec la première. Cette dernière sera donc, et je m’en excuse par avance, copieusement évoquée dans ce texte.
Le totalitarisme pour les nuls
L’histoire de Psycho-Pass, c’est celle d’un Japon futuriste complètement verrouillé. Et pour cause : l’ensemble de la société y est contrôlée par une puissante intelligence artificielle connue sous le nom de « Système Sybil ». Supposé infaillible, Sybil contrôle absolument tout, du bon fonctionnement de l’économie au maintien de l’ordre, en passant par la couleur de vos chaussettes (j’exagère un peu là mais c’est pour faire passer le message). Cette perfection fait notamment qu’en matière de justice, le droit et les tribunaux ont disparu. Désormais, lorsque les flics tombent sur un criminel, un jugement instantané de Sybil (quelques secondes, tout au plus) leur permet de décider s’ils doivent le capturer ou le pulvériser (au sens littéral : les types sont vraiment réduits en morceaux). Ces flics sont nos héros et nous les suivons dans leurs tribulations.
Le pitch est classique, pour ne pas dire ultra-classique. A la lecture du synopsis, qui n’a pas vu défiler dans sa tête les 1984 (G. Orwell), Le meilleur des mondes (A. Huxley) et autres Minority Report (S. Spielberg) pour n’en citer que trois ? L’originalité de la saison 1 se trouvait davantage dans le cocktail assez peu ordinaire qu’elle proposait : un mélange de philosophie et de littérature d’une part, de shônen, d’action et de thriller d’autre part.
Sans rentrer dans le détail (parce que j’ai promis que c’était une critique de la saison 2), le résultat final fut aussi intéressant qu’inabouti. La saison 1 donnait l’impression de n’avoir pas vraiment su choisir entre le côté flic et le côté philosophe. Les amateurs de polars regrettèrent des enquêtes un peu simplistes, les amoureux de Socrate déplorèrent une réflexion philosophique trop superficielle, et tous se plaignirent de facilités scénaristiques.
Cela dit, l’ensemble était, à quelques épisodes près, plutôt bien rythmé et non dépourvu de suspense. Ce dernier étant soutenu par un schéma narratif classique mais correct : une succession de petites enquêtes (2-3 épisodes), chacune portant en elle les graines d’une intrigue plus globale. Plus important, la saison 1 réussissait assez bien à faire s’interroger le spectateur sur les conséquences du modèle social orwellien qu’elle décrivait. Les concepts de libre-arbitre, de bonheur, de justice et d’ordre y étaient constamment présents, exprimés selon les points de vue variés des différents personnages. Enfin, la série avait cette qualité appréciable qu’elle n’insultait pas l’intelligence de son public en lui imposant une opinion plutôt qu’une autre. Dans l’ensemble, elle laissait le spectateur tirer ses propres conclusions.
En résumé, cette première saison n’était pas parfaite mais elle était réellement divertissante et, en y mettant un peu du sien, on pouvait faire tourner ses méninges.
Un molosse, une ingénue et un psychopathe entrent dans un bar
Ce qui m’amène (« enfin ! » diront certains) à la saison 2 et à son premier gros défaut : la réflexion est jetée au rebut. Exit les considérations philosophiques, sociologiques et autres mots en « iques ». L’explication est à chercher du côté des personnages, car dans Psycho-Pass, ce sont eux qui portent (ou devrais-je dire portaient) les idées. Dans la saison 1, il n’était en effet pas rare de voir l’un d’entre eux exprimer une opinion en l’appuyant sur une citation ou un écrit célèbre. Hélas, dans cette seconde saison, tout se passe comme si nos héros avaient rangé leurs réflexions au placard pour ne laisser qu’une façade de super flic. Certains y ont vu un endurcissement bienvenu des personnages, d’autres (dont je suis) y ont vu de la paresse intellectuelle. Je soupçonne, mauvaise langue que je suis, qu’à défaut d’avoir des choses intelligentes à dire, l’équipe du studio s’est rabattue sur de l’action bête et méchante.
A côté de ça, certains choix laissent carrément perplexe. La saison 1 était dominée par deux protagonistes, Kôgami et Tsunemori, et un antagoniste, Makishima. La nécessité de garder la taille de cette critique dans les limites du raisonnable m’empêche d’en dire trop. Mais disons qu’à eux trois, ils offraient une disparité intéressante des points de vue qui, lorsque confrontés, donnaient lieu à des débats fertiles (quoique insuffisamment poussés comme je l’indiquais plus haut). C’était d’autant plus vrai que Kôgami et Makishima incarnaient deux individus hautement cultivés et nourris aux lectures philosophiques. Or, de ces trois piliers, seule Tsunemori subsiste dans la saison 2. Bien qu’attachante et atypique, elle ne saurait compenser à elle seule le vide laissé par les deux autres, dont l’un est totalement injustifié et injustifiable.
Par ailleurs, l’évolution de notre jeune et (anciennement) naïve inspectrice est franchement maladroite. Si son gain en expérience et en maturité est relativement bien mis en scène, ses opinions passent, elles, complètement à la trappe. On se souvient, à l’issue de la saison 1, de son acceptation contrainte du système Sybil comme garantie d’ordre social, et de sa volonté farouche de ne pas voir en Sybil autre chose qu’un pis-aller en attendant mieux. De tout cela, plus aucune trace dans la saison 2. A croire que notre héroïne a accepté la situation, ou simplement perdu espoir d’y changer quoi que ce soit. Bref, une bonne flic, mais guère plus.
Des personnages secondaires, je ne dirai mot ; en l’occurrence, j’estime que mon silence à leur sujet en dit suffisamment long…
C’est pas parce qu’on a rien à dire qu’il faut fermer sa gueule
Pas de fausse modestie entre nous : je suis quelqu’un d’assez confiant dans ses capacités intellectuelles. De ce fait, lorsque je vois, entends ou lis quelque chose que je ne comprends pas (quand bien même j’aurais pris le temps d’y réfléchir), j’ai tendance à penser que c’est peut-être qu’il n’y a rien à comprendre. Du point de vue scénaristique, la saison 2, c’est un peu ça.
Les choses vont vite. Très vite. Trop vite. On ne comprend pas ce qui se passe, les explications passent en coup de vent et les déductions de nos héros enquêteurs sont obscures. Jusqu’à ce qu’un soupçon désagréable ne se fasse jour dans notre esprit. Et si cette rapidité, ce torrent d’information et ces explications vaseuses sous lesquelles on inonde notre pauvre cerveau, n’avaient en fait qu’un seul objectif : nous dissimuler un scénario bidon ? Les scénaristes ont-ils joué sur cette merveilleuse faculté du cerveau humain qui consiste à combler automatiquement les trous ? En fin de compte, l’important n’est pas tant de raconter une histoire que de faire croire qu’il y en a une. Le public fera le reste.
A l’appui de cette hypothèse, je citerai, entre autres, le regain de violence de cette saison (y aurait d’autres choses à dire mais on va pas y passer la nuit). Psycho-Pass n’est certes pas une série pour enfant, et la saison 1 nous avait déjà exposé à quelques cochonneries, mais la violence n’y était jamais gratuite. Elle illustrait le propos et contribuait à instaurer une ambiance sombre et oppressante. La saison 2, en revanche, en fait un usage excessif, davantage destiné à compenser le vide avec du gore qu’à servir l’intrigue. Sans doute avec l’espoir que le spectateur, trop occupé à compter les cadavres, ne se demande pas si l’affaire tient la route…
Psycho-Passera pas
Que dire de plus ? Il est toujours triste de voir une série, un film ou un livre prometteur gâché par une mauvaise suite. Car les mauvaises suites ont ceci de terrible qu’il est quasiment impossible d’en faire abstraction une fois qu’on les a vues. Qui ne souhaiterait pas faire comme si Les visiteurs en Amérique ou Taxi 3 n’avaient jamais existé ? C’est dans ces situations qu’une critique prend tout son sens : l’auteur fait office de fusible pour ses lecteurs. A charge de revanche !
Repose en paix, Psycho-Pass 2. Je t’ai encore sur l’estomac…