Un de mes plus grands plaisirs à regarder des animes des années 1970 est de voir comment la japanimation évolue et se compléxifie. Les mechas s'équipent d'intrigues élaborées et embrassent les drames humains, les 'shoujos' surpassent les limites de la romance et du sport pour expérimenter avec l'historique ou la sci-fi... Mais il ne faudrait pas pour autant dédaigner les oeuvres plus classiques pour enfants de l'époque, en particulier Chirin no Suzu (Sanrio, 1978), qui mérite de l'intérêt, du respect, et plus encore.
Ce moyen-métrage d'une quarantaine de minutes raconte l'histoire d'un petit agneau, Chirin, qui vit une enfance paisible jusqu'au jour où sa mère se fait tuer par un loup. Le jeune et faible Chirin décide alors de tout faire pour venger la mort de sa maman.
Sous ses prémices simples, l'oeuvre dévoile un récit de vengeance destiné à une morale tragique, subie par une âme innocente aveuglée par la douleur et consumée par la haine. Il y a une profondeur insoupçonnée dans Chirin no Suzu, qui se comprend mieux en prenant connaissance de la personne qui a donné vie à ce projet : Takashi Yanase.
Takashi Yanase (1919-2013), auteur de contes pour enfants, est surtout connu en tant que créateur d'Anpanman, un nom qui ne parlera pas à grand monde dans nos pays mais qui a accompagné tous les jeunes japonais durant leur enfance. Anpannman est, sans aucune exagération, le personnage fictionnel le plus connu du pays.
Takashi Yanase est aussi un vétéran de la Seconde Guerre mondiale qui s'inspire de ses souvenirs douloureux de soldat désillusionné et traumatisé, pour transmettre un message puissant sur la mort, ainsi que sur le prix à payer lorsque l'on emprunte la voie de la violence.
Il est évident en regardant Chirin no Suzu que nous avons affaire à une création inspirée, débordante d'émotions fortes, même si cela en fait un film pas très recommendable pour le jeune public.
Chirin no Suzu n'est sans doute pas une œuvre particulièrement cinématographique ou un réel incontournable, mais cet anime se démarque en tant que drame psychologique très bien exécuté, et bien mieux écrit que la grande majorité de ses contemporains.