Hitori Goto dite "Bocchi" n'est pas une weirdo, point de tragique histoire d'abus psychologique ou de malveillance à l'école, elle a simplement raté son départ social.
Un effet boule de neige s'est produit, Hitori a perdu en confiance et s'est sentie de plus en plus à l'écart, achevant au fil du temps de transformer une fille un peu discrète en immense introvertie, car n'ayant jamais eu la réelle opportunité de passer outre la vulnérabilité du premier pas.
Et donc, à force de louper le coche à chaque rentrée des classes, Hitori en est presque venue à accepter son sort et à fantasmer le jour qui viendra rompre le cercle vicieux.
Ce jour où devenue une rockeuse populaire, elle aura brisé son destin de sans-amis et se sentira comme les ''autres''.
Notre jeune complexée aux cheveux roses en est réduite à penser que son seul recours pour se faire des potes, réside dans le fait de devenir guitariste rock; qu'elle va s'y dédier entièrement pendant des années avec ce seul objectif en tête, qu'elle finira par se pointer tous les jours au bahut avec son étui dans l'espoir d'attirer l'attention d'une (amie éventuelle) fan de musique et achèvera son rituel à la fin des cours, assise sur la balançoire d'un parc désert.
Pourtant, plutôt qu'un plaidoyer contre la pression sociale Japonaise, l'histoire de Bocchi The Rock résonne à plus large spectre sur la difficulté de briser la glace précédant les sourires gênés, ce qui contraste avec l'échelle plutôt locale d'un récit centré sur le quotidien pathétique d'une ado' asociale quelque part au Japon.
Nan ce n'est pas une pique gratuite, c'est un constat et c'est même l'angle d'attaque d'un anime qui aurait pu être une critique sociale acerbe voire mortifiante... au lieu de ça, on a un slice of life girly qui s'applique à nous montrer un envers du décor inhabituel dans l'industrie, si l'on admet que le personnage central est une fille et que son histoire se passe dans notre monde, loin donc, des LN et leurs psychanalyses partisanes d'Otaku réincarnés.
En effet la figure de la fille mignonne si vendeuse dans l'industrie est ici constamment déformée dans ce survet' qu'elle campe en uniforme.
Épisode après épisode, l'anime vient ancrer la réalité d'Hitori sans vraiment chercher à la diminuer ni à l'enjoliver mais en choisissant le "mieux vaut en rire qu'en pleurer", qu'il convient de ne pas confondre avec de l'autodérision.
Car la lutte d'Hitori est de tous les instants et la mécanique de l'humour se fait ici aux dépens du personnage lui-même.
En mettant en scène à grands renforts d'allégories visuelles aussi absurdes que parlantes les déboires de notre jeune névrosée, l'anime la rend certes poilante dans ses minis-sketchs pleins d'emphase mais avant tout proche de nous, ses problèmes deviennent tangibles, Hitori fini par en être attachante, car pathétique oui, mais finalement humaine.
D'autre part le procédé, en plus de montrer un comique de caractère maitrisé, surprend par des exercices de style en roues libre sur le plan esthétique.
Quant au sous-texte, il ne démérite pas non plus car fondamentalement, la peur d'Hitori, celle qui ravive viscéralement le brasier des efforts, est celle de se planter, la crainte de ne pas trouver sa voie, de prendre les mauvaises décisions et risquer à termes de voir son bonheur lui échapper peu à peu. Les doutes inévitables qui accompagnent la transition vers l'âge adulte (et même au-delà) si pathétiquement humain là encore.
In fine, l'oeuvre rappelle avec humour que l'adaptation sociale n'a rien d'une évidence et que sous le joug des standards de la majorité, la "normalité" contribue à marginaliser, devenant même un fardeau pour certains, trivialement insoupçonné pour d'autres.
Bon. Maintenant je m'aperçois que j'ai pas calculé la partie musique qui est quand même voyante sur l'affiche. Je vais passer sur les références au J-Pop/Rock Japonais dont je suis généralement peu friand, l'OP s'écoute plutôt bien et j'ai souvent laissé tourné le 2em ED (jolie ligne de basse).
Du reste il y a bien des tracks qui rentrent dans la tête mais on est loin de The Pillows sur FLCL.
Mais en vrai on s'en fout un peu de mes "couleurs", si j'ai fait peu de cas de la musique en premier lieu, c'est qu'elle est plus un accessoire qu'une finalité contrairement à un Beck.
On a droit à 2 minutes de répète grand max. C'est plutôt la création du groupe qui est au centre, le choix des membres et les brainstormings sur leur avenir, pas tant à l'échelle d'une carrière de super stars qui se prennent au sérieux que celle qui rassemble des copines investies dans la passion du moment.
D'ailleurs ce n'est pas tant sur le plan individuel que leurs personnalités brillent mais bien là où disparités et complémentarités se rencontrent : les intéractions au sein du groupe (de musique) qu'elles forment.
C'est dans cette dynamique que l'anime s'apprécie à mon sens; le ton est un peu trop sucré pour être vraiment authentique mais bienveillant sur ses thématiques.
J'ai compati lors des concerts durant l'anime, prestations par temps pourri avec ses 3 où 4 pélo indifférents qui refusent leur énergie à la scène, le bide est une réalité aussi concrète que les vents dans les spectacles de Stand-up amateur.
Finalement on retrouve dans tout ceci un récit à échelle locale là encore, fait de petites salles de concert et où le rapport à la musique est davantage un moyen de parler de la mue d'une adolescente que celui de se produire à Rock-en-Seine.
Sur le plan technique, pas vraiment de surprise, trouver des spécialistes pour animer les comportements durant les performances et autres mouvements de doigts sur les instruments.
Et donc l'anime, le plus souvent, fait le choix d'une modélisation raide et peu expressive, parfois décalée avec le rythme de la musique.
Mais ne crachons pas sur les efforts pour dynamiser les représentations avec entre autres, des plans en contre-plongée là où vient taper la caisse claire où encore la "caméra épaule" au bout du manche de guitare.
D'autre part cette irrégularité de l'animation a tout de même le mérite d'apporter des variations différentes à chaque live qui certes, se ressemblent, mais ne sont jamais tout à fait les mêmes; à l'image de la psychologie des musiciennes qui évolue d'une scène à l'autre.
Car Bocchi The Rock par les détails de la mise en scène, donne envie d'y croire : que ce soit les deux spectatrices qui suivent le rythme en bougeant leurs têtes à l'unisson, la grande soeur qui suit la réprésentation de ses expressions silencieuses, le jeu de l'éclairage où même la voix de la chanteuse dont la voix tremble de nervosité. et puis... il y a la guitare de Bocchi.
À ce titre l'anime remporte son pari qui est finalement de susciter de l'émotion durant des représentations qui résonnent en fin de compte, comme des épreuves pour chacune et c'est ça qui devrait compter.
Mais Bocchi The Rock c'est surtout l'engouement d'une équipe pour son matériau source, une donnée dont l'influence est plus considérable qu'on ne le croit puisqu'elle a transformé un p'tit manga humoristique en 4 cases, en trésor d'inventivité dans sa mise en scène..
Car avant son appréciation en anime, Bocchi The Rock est un Yonkoma : illustration humoristique en 4 cases issue de la presse Nipponeconvertie en bouche trou (combler les pages blanches)sur les tomes reliés avant de devenir un style de manga à part entière.
On citeraK-ON!pour l'exemple dontl'influence est évidente avec son groupe de 4 lycéennes aux caractères bien définis qui jouent de la musique (où plutôt qui font tout sauf en jouer).
Bocchi The Rock tire donc sa force de la comédie comme en attestent les nombreux clins d'oeils humoristiques et qui à la manière d'un Kaguya Love is War, sont des déclarations d'amour envers le médium de l'animation 2D.
Bocchi The Rock est un formidable exercice de style car le format lui-même appelait à de vraies possibilités d'expressions, transformant le slice of life de saison en un p'tit bijoux d'expressions artistique qui aura su tirer son épingle du jeu et qui ravira autant les adeptes de comédie que les fans de J-Rock.
D'autre part j'ai grandement goûté par contre est cette honnêteté sur le pathétique. Car qui n'a jamais été pathétique? et je ne parle pas de pathétique "glissant sur le verglas en voulant rattraper le bus". Non, plutôt de ce pathétique qu'on se garde révéler même à son conjoint ou à sa famille si l'on ne consent à le partager, en anecdote de fin de soirée, plus tard et plus confiant.
Bocchi est réconfortant en tant qu'oeuvre, touchante comme personnage - c'est pas pour rien qu'Hitori a les cheveux rose - pas seulement dans son isolement mais plus globalement pour ce qu'elle représente, quelqu'un d'humain avec des problèmes humains dans une Japanim' qui invente souvent d'autres problèmes débiles quand la vie a déjà tant à dire... faisant de Bocchi The Rock une production qui a du coeur et de la jugeote dans un monde de brutes.