Kaze ga Tsuyoku Fuite Iru (qu’on pourrait traduire par « Le vent souffle fort ») ou Run with the Wind (Courir avec le vent) pour le titre anglophone est l'adaptation d’un roman de Shion Miura (paru en 2006 et non traduit en France), autrice japonaise à succès qui a déjà connu les joies d’une adaptation animée pour son roman Fune o amu (édité en France aux éditions Actes Sud sous le titre « La grande traversée ») par le studio Zexcs en 2016. Par ailleurs, cette autrice a reçu en 2006 le prix Naoki, récompensant les jeunes auteurs prometteurs, avec son roman Mahoro ekimae tada benriken (Les bricoleurs de la ville de Mahoro). A noter également que le roman qui nous intéresse ici, Kaze ga tsuyoku fuite iru, a bénéficié d’une adaptation au cinéma en 2009 par le réalisateur Sumio Omori.
Ce CV flatteur représente un gage de qualité quant au matériel d’origine. On peut donc légitimement nourrir de fortes attentes quant à l’adaptation animée de Kaze ga Tsuyoku fuite iru. C’est le studio Production I.G qui s’y colle et ça tombe bien, d’abord car il s’agit d’un studio de qualité (Les Héros de la Galaxie 2018, Ghost in the Shell, Psycho-Pass, l’Attaque des Titans) et ensuite car ce studio est spécialiste des adaptations réussies de séries sportives (Kuroko’s Basket, Haikyuu!!). Et force est de constater que la copie rendue par le réalisateur Kazuya Nomura (Joker Game, GITS 2015, Sengoku Basara 2) n’est pas loin d’être parfaite.
Run with the Wind raconte l’histoire du jeune Kurahara Kakeru, étudiant de 1ère année à l’université Kansei, et de son club d’athlétisme, dans leur quête de qualification à la célèbre course de fond en relais inter-universités, Hakone Ekiden. Participer à cette course prestigieuse n’est pas gagné, d’autant plus que la majorité des membres du club sont des amateurs n’ayant jamais pratiqué la course de fond. A la lecture de ce bref résumé on peut penser qu’il s’agit là d’une énième série sportive comme il en existe déjà plein, or ce n’est pas le cas. Run with the Wind se distingue sur plusieurs points et apporte un vent de fraîcheur dans un genre très codifié.
D’abord le sport traité, l’athlétisme - et plus précisément la course de fond - est assez peu présent dans les mangas et l’animation japonaise en général, ce qui donne à la série le mérite de l’originalité.
Ensuite Run with the Wind se différencie de ses homologues sur le milieu scolaire choisi comme décor à la série. Pour une fois ce ne sont pas des collégiens ou des lycéens qui vont incarner les personnages principaux mais des étudiants, et c’est franchement agréable. Cela donne un ton mature à la série en lui permettant d’aborder des thèmes adultes comme les études, l’insertion professionnelle et la recherche d’emploi. Cet aspect mature est renforcé par l’approche réaliste choisie pour traiter le sujet de la course de fond. En effet, Run with the Wind fait le choix de parler de ce sport avec réalisme. Il n’y a pas de techniques fantasmagoriques comme dans Captain Tsubasa, Eyeshield 21 ou d’autres séries sportives connues. La course de fond est montrée telle qu’elle est : épuisante, implacable, sans pitié, parfois cruelle mais aussi passionnante, captivante et excitante...
La force principale de Run with the Wind réside sans doute dans ses personnages : matures, réalistes et éloignés des stéréotypes auxquels nous habitue l’animation japonaise. On dispose là d'un exemple de personnages bien écrits dont le développement est cohérent. Les dix membres du club d’athlétisme, tous résidents du dortoir des Bambous bleus, offrent une galerie de personnages authentiques, divers et attachants dans laquelle le spectateur trouvera forcément au moins un ou deux personnages à qui s’identifier. Entre Kakeru, notre héros solitaire, mal dans ses baskets et impulsif, Haiji le leader bienveillant et motivant, King le taciturne et réservé, Yuki le fêtard calculateur, Nico le tonton fumeur, Moussa l’étudiant étranger bienveillant et généreux, « Le Prodige », déterminé et attentionné, « Le Prince » fan de mangas à la langue bien pendue et les jumeaux fougueux Joji et Jota, chacun s’y retrouvera dans cette diversité de personnalités. L’intérêt et l’attachement que suscite la série pour ses personnages immergent rapidement le spectateur dans l’ambiance et la routine de ce club d’athlétisme pas comme les autres, où chacun cherche sa raison de courir et remet en cause ses motivations. On suit quasiment jour après jour la progression des personnages, leur préparation aux courses, leurs doutes, leurs interactions et les tensions qui se créent au sein du club. En présentant avec autant de détails et d’immersion la préparation d’un groupe à un évènement sportif majeur, Run with the Wind revêt un côté quasi documentaire-sportif. On suit une aventure humaine crédible et émouvante et on vibre avec les personnages au gré des courses et des meetings dont la tension et le stress sont particulièrement bien retranscrits (ayant déjà participé à des courses de fond en compétition, j’ai retrouvé dans cette série les mêmes sentiments de tension et d’excitation qu'elles procurent). Il ne s’agit pas ici de gagner à tout prix et d’être le meilleur mais de progresser ensemble vers un but commun et de se soutenir mutuellement au fil des obstacles qui se dressent sur le chemin. Et c’est sans doute là un des messages principaux de Run with the Wind, à l’instar de nombreuses séries de sport. Ce qui compte, ce n’est pas tant d’atteindre l’objectif fixé (même si c’est important) mais de vivre une aventure humaine et sincère au sein d’un collectif et d’en ressortir grandi.
A ce propos, la série réussit le pari audacieux de traiter de la course à pied en relais, et donc sous l’angle du sport collectif, ce qui peut sembler ardu de prime abord puisque la plupart des disciplines de course à pied sont individuelles (et ce sont celles qui sont le plus médiatisées).
Si on veut trouver des points faibles à la série, on peut questionner la crédibilité de la progression sportive de certains personnages (« Le Prince » notamment) ou encore la vraisemblance de l’adhésion des membres du club au projet fou (et un peu autoritaire) de leur capitaine Haiji. Ce dernier les oblige en effet à se dédier corps et âme à la course à pied d’un jour à l’autre alors que chacun a sa vie, ses projets et n’est pas forcément passionné par ça…
La réalisation technique est impeccable et fait partie de ce qui peut se faire de mieux. On retrouve la qualité habituelle des décors du studio Production I.G ainsi que son style d’animation soigneux et réaliste, ce qui colle parfaitement à l’approche réaliste choisie pour traiter du sujet de la série, la course de fond. Ainsi, les mouvements des coureurs pendant les courses sont très bien réalisés, à tel point qu’on a presque l’impression de courir avec eux et de ressentir nous aussi le souffle du vent et l'intensité de la course.
Si on veut trouver une faiblesse à l'animation on pourrait pointer du doigt les rares utilisations de la 3D pour représenter parfois les coureurs au second plan. Mais ce n’est qu’un détail et la qualité de l'animation est constante tout au long des 23 épisodes. La bande-son de Yuuki Hayashi (Haikyu!!, Death Parade) est également de grande qualité et les génériques sont réussis et entraînants.
En conclusion, Kaze ga Tsuyoku Fuite Iru, en plus d'être une vitrine magnifique pour la course à pied, est une excellente série d’animation qui peut plaire aux sportifs comme aux non-sportifs. Le studio Production I.G démontre toute la qualité de son savoir-faire en livrant une réalisation à la technique impeccable. La série revisite des thèmes chers au manga sportif tels que l’amitié, la cohésion de groupe, la persévérance et le dépassement de soi en adoptant une approche mature et réaliste, qui tranche avec ce qu’on a l’habitude de voir dans les séries sportives. Cette approche, couplée à une touche de poésie et à une galerie de personnages bien écrits, authentiques et au développement réussi, fait de Run with the Wind une série rafraîchissante. La fin apporte une conclusion réussie à cette belle série d'animation qui met de bonne humeur et délivre un beau message d’espoir.
Et toi, dis, tu aimes courir ?
* * *
9,5