Salut, ça va ?
Toi je vois que t’es un client régulier de ma boutique, tu commences à comprendre que les animes récents c’est de la merde et que c’est dans l’ancien que la qualité elle y est. Du coup comme t’es un habitué je vais commencer à te montrer de la marchandise, comment dire, c’est pas le genre de came que tu trouves sur le marché normalement. Là par exemple ce que je vais te montrer c’est pas en vente tu vois, parce que si on me chope avec c’est les flics qui débarquent, mon commerce y ferme et moi aussi je prends du ferme. Du coup tu regardes juste, mais tu touches pas, tu sens pas et tu goûtes pas hein. Rien que d’être proche, ça peut te faire du mal.
Sakigake Otokojuku c’est un manga de Akira Miyashita paru entre 1985 et 1991 dans le magazine Weekly Shônen Jump. Au total il en a fait 34 volumes, et puis en 1988 il y a eu une adaptation anime, et devine quoi ben c’est de ça qu’on va parler ici. Mais avant de commencer y faut savoir un truc, Otokojuku personne connaît par chez nous mais au Japon cette licence a été un énorme succès avec des tas de suites et de spin-offs dont certains sont encore en cours aujourd’hui. Faut bien comprendre que quand tu publiais ton manga dans le Jump à la fin des années 80 t’étais garanti de devenir culte. Quand t’ouvrais ton magazine tu pouvais tomber au hasard sur Dragon Ball (1984), Hokuto no Ken (1985), City Hunter (1985), Saint Seiya (1986) ou encore Jojo’s Bizarre Adventure (1987). Les mecs du Jump y chiaient du chef-d’œuvre comme moi je chie du sang après un chili con carne extra épicé : en cascade. Quand tu penses qu’aujourd’hui les gamins y se battent sur Twitter pour savoir c’est qui qui a vendu le plus entre One Pisse et Kimetsu no Bidule c’est un match d’handicapés, un pugilat de clochards qui se donnent des baffes dans une ruelle sombre au milieu des flaques d’alcool et de vomi. Comparé à ça le Shônen Jump des années 80 c’était l’époque des darons, ça sentait pas le vomi ça sentait l’Homme.
Et ça tombe bien qu’on parle d’Homme parce que c’est le sujet principal du truc. T’as ce vieux là, Heihachi Edajima, c’est un vétéran de la Seconde Guerre Mondiale. Et Heihachi Edajima y voit bien que le Japon c’est plus comme avant, ça manque d’Homme. Du coup y va devenir directeur d’un lycée pour garçons appelé Otokujuku, qui a pour objectif de former de l’Homme. Y va ramasser tous les pires délinquants du pays, les gars les plus stupides et irrécupérables, et y va les remodeler pour en faire de l’Homme. Alors oui bien sûr ses méthodes sont un peu, on va dire, brutales, mais ce qui compte c’est qu’à la fin les gamins c’est devenu de l’Homme quoi. Pas juste en apparence hein, de l’Homme à l’intérieur.
Parmi les élèves de Otokojuku t’as Tsurugi Momotaro, y se ramène au bahut avec un sabre il a pas peur lui. Momo il est fort mais c’est un gars gentil, oui c’est vrai y tape mais c’est que quand on l’a provoqué. Du coup y devient le délégué de classe, et tout le monde y le respecte. Sauf que bon, être un Homme c’est un combat permanent, y faut pas juste le dire y faut le montrer. C’est comme ça que ça se passe à Otokojuku.
Autant le dire tout de suite, Sakigake Otokojuku n’est pas une série qui s’adresse à tout le monde. Bon déjà tout ce qui s’apparente de près ou de loin à une fille est éliminé d’office mais ça vous aviez compris je pense. Mais même parmi ceux qui restent, avoir un machin qui pend entre les jambes c’est pas assez pour être qualifié. Pour regarder cet anime y suffit pas d’être un homme, y faut être un Homme, ce qui est très différent. Bon déjà ça s’écrit pas pareil, mais l’Homme c’est un surtout un ensemble de valeurs : l’amitié, l’honnêteté, la loyauté, la discipline, le sacrifice, la force, la menace, l’insulte, la bagarre, la baston, la castagne, le bourre-pif, le cassage de gueule, et bien plus encore. Chez Otokojuku la violence c’est comme le fromage sur la pizza : il n’y en a jamais assez.
Quand l’anime y démarre, on est encore à peu près dans les limites du raisonnable. Certes c’est déjà plus viril que 99,9999% des animes qui existent mais c’est pas non plus abusé quoi. La première moitié de la série c’est de la comédie, on présente les personnages, c’est marrant y’a des gags tout ça. Les élèves de Otokojuku y se font tabasser par les profs, ils apprennent les bonnes manières et tout. C’est ensuite que les choses sérieuses démarrent. D’un seul coup y te ramènent des histoires de tournois, des combats à mort, les Trois Seigneurs de Machin et les Quatre Empereurs du Trucmuche, on se croirait presque dans un manga du Jump. Les mecs y se tapent dessus mais genre salement, on te sort les techniques d’arts martiaux chinois, ça pisse le sang et la sueur d’Homme, on a jamais vu autant de muscles à la télévision.
L’anime est produit par le studio Toei, qui avait le monopole sur les adaptations du Jump à cette époque. On retrouve donc au staff des mecs qui bossaient sur d’autres adaptations de la Toei, par exemple le compositeur Shunsuke Kikuchi qui a produit les musiques de nombreux animes parmi lesquels une petite série pas très connue mais assez sympathique, Dragon Ball Z je crois que ça s’appelle, me souviens plus très bien tellement c'est pas connu. Plus important, le chara-designer Masami Suda officiait au même poste sur l’anime Hokuto no Ken ; et son apport à lui est très visible car les personnages de ces deux animes se ressemblent énormément (au passage, si le look de certains persos vous rappelle autre chose c’est normal, Hirohiko Araki s’est inspiré de Otokojuku pour le design des protagonistes de Stardust Crusaders et Diamond is Unbreakable). Globalement, l’anime est très bien réalisé pour l’époque et tient encore complètement la route aujourd’hui, grâce à un chara-design détaillé et stylisé qui rend des vrais gueules d’Homme comme on en voit jamais ailleurs.
L’anime y continue donc et à un moment on atteint le seul critique, ça devient tellement masculin que ça émet des radiations viriles qui perturbent des cycles hormonaux des spectateurs. Je pense que c’est là qu’ils ont dû annuler la diffusion, ça causait des problèmes de santé publique. La série se termine brutalement à l’épisode 34, et les quatre derniers épisodes sont totalement rushés au niveau du scénario (on passe de 1 combat = 4 épisodes à 1 épisode = 4 combats). Le reste du manga ne sera jamais adapté et seul un long-métrage fera office de contenu additionnel. C’est pas étonnant, un tel niveau d’Homme ce n’est pas diffusable à une heure de grande audience, ça peut avoir des conséquences. Y parait qu’un petit garçon qui regardait Otokojuku à la télé s’est ramené le lendemain à l’école avec des testicules qui avaient triplé de volume, et sa grande sœur qui passait par là au moment de la diffusion et qui n’a pourtant vu que deux minutes d’épisode s’est réveillée avec une épaisse moustache et une grosse touffe de poils sur la poitrine. Et c’est pas des cas isolés, dans tout le pays t’as eu des problèmes comme ça, mais ils en ont pas parlé dans les journaux, y cachent la vérité.
Sakigake Otokojuku c’est l’anime une fois que t’en est arrivé là ça veut dire que tu peux plus revenir en arrière, t’es déjà sur le chemin. T’as abandonné tout espoir de vivre parmi les gens normaux qui regardent des animes récents et qui fréquentent des filles et ce genre de conneries, t’es un Homme maintenant. Moi ça fait longtemps que je suis sur ce chemin, j’avance pas à pas sur la route pour devenir un Homme, j’ai pas adressé la parole à une fille depuis des années. Maintenant c’est à toi de voir si tu veux prendre ce chemin ou pas, c’est ta décision. Comme disait l’autre on ne naît pas Homme, on le devient.