Dans la vie l’important n’est pas tant d’accumuler des connaissances que d’apprendre à les mettre en application. Par exemple, au collège et au lycée j’avais choisi allemand en deuxième langue, mais le manque de pratique fait qu’aujourd’hui je suis incapable de construire ne serait-ce qu’une phrase simple en teuton…. Et pour les animes, c’est la même chose. C’est bien beau de parler de vieilleries ou de films/OAV que personne ne connait mais au bout d’un moment il faut aussi être capable de parler de séries récentes qui ont été vues par des gens.
Sorti en début d’année 2016, Schwaresmarken est un anime de SF se déroulant en 1983 en Allemagne de l’Est. Pour rappel, à cette époque le pays était coupé en deux par le Rideau de Fer, avec d’un côté le camp des Occidentaux soutenus par les USA, et de l’autre le camp soviétique soutenu par l’URSS. Cette situation emblématique de la Guerre Froide vient ici se compliquer avec l’apparition d’un troisième camp : les extra-terrestres.
En effet, des aliens appelés BETA ont débarqué sur Terre en Asie Centrale, avant de rapidement conquérir le Moyen-Orient et les Balkans. Désormais maîtres de l’Europe de l’Est, les BETA s’apprêtent à déferler sur le reste du Vieux Continent. Seule la RDA tient encore debout : si Berlin tombe, plus rien n’empêchera la destruction totale de l’Europe. Sur place, le gouvernement communiste profite de cette situation pour affirmer son pouvoir, grâce notamment aux efforts de la police secrète, la fameuse Stasi, qui maintient le peuple sous surveillance constante et réprime sévèrement les opposants politiques.
Sur le front anti-alien, l’armée compte principalement sur ses escadrons de TSF, des mechas surarmés qui ont pour tâche de désorganiser les rangs de l’envahisseur pour préparer l’artillerie lourde. Une tache dangereuse mais dont s’est révélée spécialiste le 666e escadron TSF, surnommé « Schwarzenmarken » et dirigé par le Colonel Irisdina Benhard. A cause de son passé trouble, elle fait l’objet de méfiance de la part de certains de ses subordonnés et notamment le Sous-Lieutenant Theodor Eberbach. Ce dernier, terrorisé par la Stasi, vit dans la peur et la haine de ses camarades. Jusqu’au jour où lors d’une mission il découvre un TSF endommagé dans lequel se trouve une jeune fille, Katia, qui dit être originaire de l’Ouest…
A la lecture de ce synopsis il y a deux choses à noter. Premièrement, Schwarzesmarken est une adaptation de LN qui est lui-même un spin-off de Muv-Luv, une franchise de VN assez connue au Japon (enfin, connue par le public des amateurs de VN, c’est-à-dire même pas de quoi remplir la salle des fêtes communale de Courdimanche-sur-Essonne). Je ne connais rien à Muv-Luv, tout ce que je sais c’est que l’auteur Hajime Isayama a publiquement admis que son manga L’Attaque des Titans était intégralement plagié sur Muv-Luv, qui est lui-même nettement inspiré d’Evangelion. Comme quoi on y revient toujours. Cela dit Schwarzesmarken se concentre moins sur l’aspect survival que sur l’aspect politique et dramatique du récit, ce qui le rapproche finalement plus d’un Eva-like que d’un bête clone de L’Attaque des Titans comme il en sort un chaque saison depuis trois ans. Et ça déjà c’est bien.
Ensuite, vous aurez remarqué que Schwarzesmarken se fait fort de mélanger tout un tas de concepts historiques avec son univers de SF uchronique. Le Rideau de Fer, le Pacte de Varsovie, les Archives de la Stasi sont autant d’éléments tout à fait réels sur lesquels vous pouvez aller vous informer si vous le souhaitez (je vous invite notamment à voir ou revoir l’excellent film oscarisé La Vie des Autres avec Ulrich Mühe, qui traite de la surveillance d’État et de la délation sous le communisme et qui se déroule justement à une époque proche de l’anime). Même si les choses sont présentées de manières forcément caricaturale, il assez intéressant de voir un anime s’intéresser à cette période, qui n’a à ma connaissance quasiment jamais été traitée en japanime – Monster étant bien évidemment l’exception qui confirme la règle.
Passons maintenant à la critique et la première chose qui saute aux yeux en regardant Schwarzesmarken, c’est son esthétique. L’anime a été réalisé par un studio de troisième zone et ne propose rien de bien intéressant en matière d’animation ou de mise en scène, mais ce n’est pas grave. La direction artistique de la série tombe en effet involontairement juste ; l’anime se déroule en intégralité dans un paysage enneigé et nuageux, ce qui donne une image sombre, terne et grisâtre ; ce qui reflète assez correctement l’ambiance qui régnait dans les pays communistes de l’époque. En revanche, le chara-design est monstrueusement hors-sujet, avec des personnages féminins dont les seins opulents jaillissent hors de leurs combinaisons moulantes lorsqu’elles vont affronter des monstres cosmiques. Et lorsqu’elles ne sont pas des bimbos gonflées à l’hélium on aura droit au pire du pire du moeblob made in Japan ; si on me dit un soir que le dernier rempart de l’humanité contre les aliens sanguinaires ça ressemble à ça ben je me dis putain le genre humain il est foutu.
Vous allez me rétorquer que ce n’est pas un détail crucial, et vous aurez raison, mais pour moi les nichons c’est très important. Dans un univers qui se prend ultra au sérieux, qui brasse des thèmes politiques/historiques et qui se présente avec un ton sombre et violent, ce genre de chara-design typé doujin game des années 2000 est assez difficile à encaisser, surtout couplé à des génériques complètement ringards. Mais bon, le public visé par cette série sait très bien ce qu’il regarde de toute façon, et la communauté des amateurs de LN et d'eroge est connu pour son appétence d'une certaine forme de mauvais goût.
Je ne vais pas en dire énormément sur le scénario car je n’ai pas envie de spoiler une série qui joue beaucoup sur les twists et autres cliffhangers - même si une grande partie d’entre eux sont visibles à dix kilomètres. On notera juste que le récit accorde une très large place aux intrigues politiques, avec de nombreuses factions qui lutteront pour le pouvoir, en usant de toutes sortes de méthodes plus ou moins brutales. Pour le coup j’ai été réellement surpris car ces intrigues sont plutôt intéressantes, avec des vrais conflits idéologiques et tactiques ; ce qui est l’apanage des bons animes de robots géants. En revanche, le character-drama et l’aspect pseudo-romantique de la série ne mène pas bien loin avec des dialogues outranciers et un protagoniste qui se fait mener par le bout du nez (ou plutôt de la bite) par son harem de personnages féminins.
En y repensant, je suis incapable de décider si Schwarzesmarken est un anime extrêmement intelligent qui se fait passer pour stupide, ou si au contraire ce n’est qu’un tas de conneries qui se fait passer pour un truc intelligent. Reste que l’anime m’a pas mal diverti et a réussi à me surprendre par la manière qu’il avait d’utiliser un contexte politique connu pour servir un récit très classique à base de rébellion contre l’ordre établi, de bons sentiments, de morts brutales, de pilotes de mechas à gros seins et de sexe incestueux.... Autant d'ingrédients susceptibles de plaire à la plupart des spectateurs de la japanime actuelle, moi y compris.