Dans notre monde hyper-connecté et hyper-consommateur, y compris, et surtout, dans les relations humaines, il semblerait que la solitude ne soit plus qu’une relique du passé, anéanti par l’éclat lumineux et très publicitaire d’un ‘‘progrès’’ qui condamne tout blasphème si l’on ose remettre en cause Sa Très Sainte Divinité.
Et pourtant la solitude et l’absence de vrais contacts humains n’ont sans doute jamais été aussi présents qu’à notre époque. Et c’est ce qui fait que n’importe qui peut être touché par Shinigami Bocchan to Kuro Maid, la solitude nous ayant tous, sans nul doute, frappée un jour.
Voici donc l’histoire d’un jeune duc qui vit cette solitude de pleins fouet. Condamné par un sortilège qu’une sorcière lui a lancé et qui draine instantanément toute vie qui le touche, condamné par le monde qui n’ose plus l’approcher, condamné par lui-même dans sa haine de soi, il est enfermé par sa propre mère dans un manoir vide et isolé.
Un vieux majordome envoyé avec lui comme seule compagnie mais incapable d'aider son maître, le duc sombrera dans l’obscurité d’une vie sans raison d’être, la solitude devenant ici le véritable Shinigami de l’histoire.
Et pourtant, dans cet enfer permanent où le temps ne semble plus s’écouler, arrivera la chaleur d’une flamme aimante qui fera tout pour remettre en marche cette vie éteinte.
Shinigami Bocchan to Kuro Maid nous narre ici le combat de deux jeunes adultes, un duc et sa maid, qui s’aiment intensément mais ne peuvent se toucher.
Et paradoxalement, cet anime touche bel et bien.
Car c’est notamment ici que le dévouement de la jeune fille sera mis en exergue : puisqu’elle ne peut le toucher de ses mains, c’est par ses paroles et ses actes qu’elle tentera de toucher le cœur de celui qu’elle aime afin de lui redonner non seulement goût à la vie, mais aussi l’espoir d’être libérer de sa malédiction.
Le duc, de son côté, saisira, si l’on peut dire, cette main tendue, et c’est d’un pied chancelant au départ et de plus en plus ferme par la suite, qu’il luttera afin de briser ce sort maudit. Pour lui bien sûr, mais surtout pour elle.
Cet anime est une œuvre poétique. Ainsi, il faut l’aborder comme telle. Les dialogues sont ‘‘mielleux’’ mais jamais niais. L’action est lente mais l’histoire évolue bel et bien sans qu’il n’y ait de grosses tensions et autres plot-twists invraisemblables.
Pourtant il y a, étrangement, un drôle de suspense. Et c’est la jeune fille qui l’amènera par son espièglerie. Car elle est taquine. Tout en douceur, mais taquine. Et n’hésitera pas à frôler de ses mains, de ses lèvres, celui qu’elle aime, mettant en péril sa vie à chacune de ses approches.
On sait qu’elle ne le touchera pas. Sinon elle meure, et donc, bah… plus d’anime…
Donc on pourrait penser, en sachant cela, qu’il n’y a aucune tension possible. Pourtant, la mise en scène est ainsi faite qu’on se surprend parfois à retenir son souffle. Car la moindre erreur, le moindre faux mouvement, un simple éternuement, un pas de travers, mettrait instantanément fin à leur vie à tous les deux. Car ne nous y trompons pas, si elle meure, lui mourra aussi, le duc ne pouvant un instant imaginer sa vie sans elle.
Je me suis laissé aller dans cette critique à plus d’envolées lyriques que de réels constats pragmatiques. Du coup je m’excuse si cela ne vous éclaire pas vraiment sur le côté technique de l’œuvre, mais je vais prendre tout de même le temps de parler de deux points qui font débat. La 3D et l’ecchi.
Dans le premier point, il est vrai que le choix de la 3D peut rebuter certains. Surtout lorsque celle-ci n’est pas maîtrisée correctement, ce qui est parfois le cas dans la série (le gosse qui danse sur la place publique du village en étant le parfait et malheureux exemple).
J’ai donc lu plusieurs fois, ici et là, des gens dirent: «Je n’ai pas pu rentrer dans l’histoire. Voir des personnages ressemblant à des robots m’a empêché de ressentir quoi que ce soit».
Je trouve cela un peu dommage, et surtout étrange. La technique est certes importante et contribue fortement à la diffusion du message que l’on souhaite faire passer. Mais de là à l’annihiler…
Je doute que quelqu’un ait dit un jour ne pas avoir été touché par la mort d’Aeris dans FF7 (Ouais. Désolé pour le spoil les caverneux.) à cause du simple fait que les personnages ressemblaient à de petits robots polygonés… Je trouve ainsi que dans cet anime, la 3D est une fausse excuse. Quand bien même elle a ses quelques lacunes et que dans les premiers instants, je le concède, elle peut rebuter, elle ne nuit en rien aux sentiments véhiculés. Passer à côté de l’histoire pour ce seul motif est pour moi vraiment dommage.
Le second point est l’ecchi. Dans une histoire aussi tendre et autant bordée et brodée d’amour, là aussi certains y ont vu un certains non-sens malvenu, gâchant le côté romantique de l’œuvre.
Ceux qui ont lu quelques-unes de mes critiques le sauront, je déteste l’ecchi. Le fan service outrancier qui gangrène les 3/4 des licences quelque que soit leur genre, me file de l’urticaire. Exemple: Les premières lignes de GTZ dans sa récente critique de Mieruko-Chan et que je rejoins à 100%.
Et bien ici, contrairement à toute attente, si au début, cela m’a fait de suite froncer les sourcils, j’ai fini par l’intégrer à la romance. En effet, je le disais plus haut, notre héroïne est espiègle. Et elle l’est, par nature sans doute, mais par nécessité surtout. Là aussi comme je le disais plus haut, ne pouvant toucher le corps de son amant, toucher son cœur par tous les moyens, presque de force, briser sa coquille en usant de toutes les armes à sa disposition, c’est là son but. Et ses avances érotiques sont une des armes qu’elle possède. Ainsi l’ecchi, qui n’est heureusement présent surtout qu’à ces seuls moments d’élans amoureux, et ne sont donc jamais gratuits, ne dénotent, pour moi, absolument pas. Je comprends cependant qu’ils puissent dérouter au premier abord, car ils sont présents dès le début avant même de comprendre la psychologie de la jeune femme. On a donc au départ l’impression d’assister à du simple fan service. Ce qui n’est en fait, et du coup, pas le cas. Car oui, pour expliquer ce fait, l'anime commence alors que leur relation est déjà avancée. Ce n'est que plus tard que nous avons droit à un flash-back nous montrant l'arrivée de la jeune femme dans la demeure du duc, alors que ce dernier n'avait plus le goût de vivre.
Je vais arrêter ici, ma critique s’allongeant sans vraiment expliquer grand-chose au final (les autres protagonistes, le background, la bande son… et autres choses que je passe un peu à la trappe), tout en vous conseillant, si vous avez en ce moment l’âme quelque peu poétique, de vous lancer dans cette très belle fable dont j’attends la seconde saison avec impatience.
Véritable valse, au propre comme au figurée, de deux corps et de deux cœurs qui luttent pour s’atteindre, Shinigami Bocchan to Kuro Maid, est une petite douceur originale et vraiment bienvenue au milieu de ce flot d’œuvres insipides dont nous sommes bien trop souvent abreuvés.