L’animation japonaise est devenue une industrie tellement prévisible et routinière que la moindre petite surprise est vécue comme une révolution par des fans enclins à surréagir. Pourtant, si Shingeki no Bahamut Genesis peut effectivement être considéré comme une réussite inattendue, celle-ci n’a pour autant rien de foncièrement bouleversant.
Comme l’expliquait cet article de qualité consacré à la série, Shingeki no Bahamut Genesis fait la rencontre de deux intérêts diamétralement opposés. D'un côté nous avons l’éditeur Cygames qui cherche à se servir de l’animation comme un support publicitaire à leur produit. De l’autre le studio Mappa, récemment formé par l’ancien fondateur de Madhouse avec la promesse d’un nouvel eldorardo pour les animes originaux et ambitieux. Ces deux conceptions inconciliables du média (l’un le voit comme l’esclave servile du marketing otaku, l’autre le voit comme une forme artistique légitime et indépendante) vont se fracasser l’une sur l’autre et de leur collision naîtra cette étrange série, trop inoffensive pour être réellement intéressante, et trop bien faite pour être ignorée.
Dans un univers médiéval-fantastique on ne peut plus générique, deux chasseurs de primes rivaux vont se retrouver au centre d’une conspiration qui pourrait précipiter l’apocalypse. Favaro est l’archétype de l’aventurier roublard au grand cœur, et Kaisar un chevalier déchu mais toujours solidement attaché à son code d’honneur. Ils rencontreront Amira, une fille capable de se transformer en créature mi- ange mi-démon, et ils partiront ensemble faire les aventures façon JdR convivial entre copains.
Un pitch extrêmement basique, à l’image du reste du scénario qui enchaîne les clichés du genre avec gloutonnerie. Ce qui dans le cas présent n’est pas foncièrement un mal, vu que l’anime se présente au départ comme une grande série d’aventure familiale et fédératrice. Ce qui se conforme au CV du réalisateur Keiichi Satô, connu notamment pour Tiger & Bunny, et qui est spécialisé dans les animes familiaux et grand public. D’où la volonté aussi de mêler tout un tas d’influences ; de la med-fan à l’occidentale avec des mythologies diverses et variées, des archétypes de personnages très japonais et une mise en scène empruntée aux cinéma hollywoodien, comme en témoigne le premier épisode avec sa scène de la roue inspirée de Pirates des Caraïbes.
Ajoutez-y une réalisation exceptionnelle par le studio Mappa qui à chaque saison où il apparaît envoie chier la concurrence (certains épisodes étaient sous-traités en Corée pour permettre au studio de livrer le meilleur), une direction artistique plutôt agréable et un placement produit pas trop envahissant, et vous teniez là un divertissement de qualité digne d’accueillir ceux qui ne trouvent plus leur compte dans toutes ces séries pour otakus copiées les unes sur les autres.
Malheureusement, Shingeki no Bahamut Genesis commet la pire erreur possible pour une anime de sa trempe. Imbu de lui-même, inconscient ou simplement à court d’options, la série décide vers la moitié sa progression de se prendre au sérieux. Or une série d’animation japonaise qui se prend au sérieux a 5% de chances de réussir et 95% de chances de se planter (estimation personnelle), et Keiichi Satô a beau être un réalisateur sympathique il n’est pas non plus un génie capable de tirer un scénario intéressant à partir d’un jeu de cartes sur mobile.
On termine donc la série avec un gout âcre, celui d’avoir loupé l’occasion d’un successeur à Samurai Champloo dans l’univers de Donjons et Dragons. Shingeki no Bahamut Genesis reste cependant un visionnage de choix, mais on attend encore le moment où Mappa sortira enfin la série qui mettra tout le monde d’accord.