Si on te force à courber l'échine, redresse-toi! Si on te fait tomber, relève-toi!!

» Critique de l'anime Rainbow - Nisha Rokubô no Shichinin par Pitucho le
10 Mai 2016
Rainbow - Nisha Rokubô no Shichinin - Screenshot #1

Autant être fixé, je suis passionné d'Histoire. Moins attiré par le XXe siècle, il demeure que certains sujets m'attirent dont le cas du Japon d'après-guerre. C'est pourquoi j'ai sauté sur l'occasion de regarder Rainbow, adaptation par le studio Madhouse du manga de George Abe.

L'histoire prend place au cours des années 50 et tourne autour de 7 personnages, comme le nombre de couleurs d'un arc-en-ciel, liés par une amitié fraternelle. L'anime se découpe en 2 arcs. Le premier se déroule en maison de correction, pour ne pas dire prison, dans lequel les personnages apprennent à se connaître et se soutiennent mutuellement. Le second se déroule "dehors" où chacun tente de réussir au mieux sa réinsertion sociale.

Rainbow permet de nous faire parvenir une image réaliste de la société japonaise suite à sa défaite, qui était, encore à cette époque, insusceptible de se douter qu'elle allait devenir une puissante Nation économique. De nombreux sujets sont abordés : la maltraitance en milieu carcéral, le viol, l'orphelinat, la discrimination des anciens détenus, la prostitution parmi tant d'autres.

Occultés par le Japon d'aujourd'hui, sont dénoncés certains sujets sensibles de l'époque. Le ton est donné dès le départ à travers une simple phrase d'avertissement dans les premières secondes du premier épisode et des suivants : "Nous croyons que les scènes explicites de cet anime sont particulièrement importantes pour retranscrire l'atmosphère de cette période de l'Histoire." En fonction des traductions en notre langue, ces sous-titres divergent quelque peu mais le sens reste le même.

Rainbow - Nisha Rokubô no Shichinin - Screenshot #2George Abe a personnellement vécu certains des évènements se déroulant dans Rainbow. Par conséquent, cette œuvre n'est pas tirée de l'imagination d'un auteur avide d'aventure, de découverte ou de fantastique, pour ne citer que quelques exemples, qui caractériserait un désir de s'extirper de notre monde. Rainbow est plutôt un témoignage qui a pour but de rappeler ce que le Japon a été autrefois tout en offrant un divertissement de qualité.

Rainbow a l'originalité de traiter du milieu carcéral dans lequel les protagonistes, unis pour le meilleur et surtout pour le pire, s'opposent à un maton cinglé et un médecin pédophile. L'ironie veut que l'on considère les détenus comme les "gentils" et leurs gardiens comme les "méchants" et force est de constater que c'est évidemment le cas. Rainbow expose dans toute sa noirceur à quel degré l'être humain peut être pourri jusqu'à la moelle sans toutefois être aussi extrême, selon moi, que ce j'ai pu témoigner du manga Kaiji écrit par Fukumoto Nobuyuki. L'ironie est de plus à son paroxysme dans une société qui vient à peine de faire sa transition vers un État libéral et démocratique, qui a proclamé quelques années auparavant la dignité de la personne humaine, en ce quoi les traitements inhumains et dégradants sont interdits. Les mentalités ont la vie dure et l'on remarquera que les japonais dans Rainbow gardent en eux les lourdes marques du passé.

Rainbow - Nisha Rokubô no Shichinin - Screenshot #3En parlant des séquelles de la guerre, quelques références sont faites aux évènements ayant secoué le Japon en 1945. On assiste davantage à l'occupation américaine et à l'humiliation que subissent les japonais. L'anime nous fait part du marché noir sévissant à l'époque ainsi que de la criminalité organisée, quoique d'une manière plus rapide, comprenant les clans yakuza à leur apogée, dont la population est dépendante face à l'insécurité et à la misère.

Malgré cette lourde atmosphère très bien représentée par un jeu de couleurs sombres, la musique fait contraste en ayant droit à de la guitare comme principal instrument, très en vogue durant les années 50, renforçant l'immersion historique. Ce son fort passe très difficilement inaperçu appuyant les grands moments de fraternité entre nos personnages. Franchement, ces scènes réchauffent le cœur et relancent l'histoire vers un avenir que l'on espère meilleur car, effectivement, on compatit avec les protagonistes. Ce lien entre le spectateur et les acteurs à l'écran est essentiel pour s'agripper à la corde scénaristique. Sans ses personnages, Rainbow n'est rien d'autre que le désespoir et l'agonie dans un Japon où la vie ne vaut plus la peine d'être vécue.

Rainbow - Nisha Rokubô no Shichinin - Screenshot #4L'espoir est au centre de l'histoire, la combativité des personnages est testée contre tous. Personnellement, un message en particulier me paraît explicite de la part de l'auteur, celui qui vise à démonter pièce par pièce un fameux adage bien de chez nous : "quand on veut, on peut". Certaines personnes en ont une interprétation telle qu'elles ont en font un principe absolu assorti d'une obligation de résultat. L'idée est, selon eux, que si on désire obtenir quelque chose, on y arrivera forcément, que c'est obligé et que si on échoue, on nous reprochera qu'on ne le voulait pas vraiment. Pour moi, cette interprétation est une véritable insulte à toutes les victimes de la Seconde Guerre Mondiale et je dirais même à tous les évènements tragiques de l'Histoire. Que ces personnes osent dirent à leurs ascendants qu'ils sont morts parce qu'ils ne voulaient pas vraiment vivre, parce que "quand on veut, on peut".

Pourquoi ai-je autant l'impression que George Abe montre littéralement son doigt d'honneur à cette idée? Pourtant, la vie a fini par lui sourire et la fin de Rainbow laisse croire que les personnages arriveront un jour à accomplir leur rêve. Mais là est toute la subtilité, l'anime laisse croire. C'est ici une question d'espoir. L'espoir fait vivre. Il ne faut jamais baisser les bras. Tel dit dans mon titre, si on te force à courber l'échine, redresse-toi, et si on te fait tomber, relève-toi. La vie est tout un combat. C'est pourquoi, malgré toutes les tentatives, échec après échec, de manière répétée, dans une continuité sans fin, les protagonistes tentent toujours d'y arriver. Ils essuient leur visage du crachat de ceux qui les méprisent et repartent au front. Ils se donnent corps et âme et finissent par se foirer. Donc "quand on veut, on peut" suppose une obligation de moyens, c'est-à-dire qu'on se donne davantage les moyens de parvenir à son objectif quand on désire réellement quelque chose mais rien ne garantit que la réussite nous profitera. La fatalité peut nous poursuivre longtemps et c'est après un long chemin semé d'embûches que l'on parviendra à sa fin ou alors on mourra en tentant d'y arriver. Tel est pour moi le grand message de Rainbow.

Conclusion :

Rainbow est une perle que je conseille vivement de regarder ou de lire. Certes, l'anime a ses défauts, on pourra lui reprocher une approche shounen masquant un peu la dimension seinen de l'histoire, une amitié trop forte pour être vraie ou encore d'autres défauts auxquels je n'ai pas pensé. Mais là est toute la magie, en dépit des défauts, ceux-ci sont facilement cachés. Ayant tellement plus de choses à dire, je m'abstiens et je me contente de donner à cette œuvre ce que tout auteur rêve qu'on lui décerne pour récompenser ses efforts : 10/10.

Verdict :10/10
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A propos de l'auteur

Pitucho, inscrit depuis le 20/02/2016.
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